Deux « voies maritimes recommandées », entre Mataiva et Tikehau, ainsi qu’entre Marutea Nord et Hikueru, ainsi qu’une « zone maritime à éviter » située au nord-ouest des Tuamotu, et centrée sur la réserve de biosphère de Fakarava, ont été créées afin que tous les navires de plus de 15 mètres en transit dans les eaux polynésiennes contournent l’archipel des Tuamotu. Ces routes ont été officialisées par un arrêté du haut-commissaire de la République, Dominique Sorain, publié au Journal officiel de la Polynésie française (JOPF).
Le Pays se réjouit de cette décision après avoir eu à gérer les conséquences parfois désastreuses des échouages de thoniers étrangers sur les récifs de nos atolls, comme le navire de pêche Shen Long Yu n°21 battant pavillon taiwanais à Marutea Nord le 5 novembre 2017 ; le vraquier Thorco Lineage battant pavillon des Philippines à Raroia le 23 juin 2018 ; le navire de pêche Shen Gang Shun battant pavillon chinois à Arutua le 21 mars 2020, et le navire de pêche Ping Tai Rong 49, battant pavillon chinois à Anuanurunga le 23 juillet 2021.
Cette création des voies maritimes est le résultat d’un travail commun engagé par l’État et le Pays au sein de la Commission Mixte Maritime, notamment celle du 21 juin dernier. Celle-ci préconisait que le transit dans les eaux territoriales des navires de plus de 15 mètres, d’une jauge brute égale ou supérieure à 3000, et transportant des matières dangereuses doit s’effectuer à plus de 7 nautiques des côtes selon une route continue et la plus directe possible.
En considération des lieux d’échouements particulièrement éloignés, comme des moyens d’intervention disponibles, le renforcement de l’obligation de transit des navires permet d’augmenter les possibilités de réaction en termes de délai d’intervention, le délai pour réparer une avarie, afin de répondre à une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à l’environnement.
La création de ces deux voies recommandées, et d’une voie à éviter, constitue une première étape dont on peut se féliciter mais il faut souligner que le gouvernement de la Polynésie française souhaite une protection optimale par la création d’une ZMPV, zone maritime particulièrement vulnérable, et de mesures de gestion renforcée dans l’Aire Marine Gérée par la mise en place à terme d’une gestion des escales de navires en Polynésie française.
En effet, pour favoriser la protection de zones aux caractéristiques écologiques particulières et vulnérables aux dommages causés par les activités des transports maritimes, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) a développé le concept de zone maritime particulièrement vulnérable (ZMPV) afin de permettre la mise en place de mesures de protection spécifiques.
L’OMI a établi des directives qui renferment un certain nombre de critères qui s’appliquent à la désignation de ces zones, parmi lesquelles on peut citer :
– des critères écologiques relatifs aux écosystèmes rares ou uniques, à leur diversité ou à leur vulnérabilité face aux dégradations causées par des phénomènes naturels ou des activités humaines
– des critères socio-économiques et culturels relatifs à l’importance de la zone en matière de loisirs et de tourisme
– des critères scientifiques et éducatifs relatifs à l’importance de la zone en matière de recherche biologique et de valeur historique.
Lorsque des ZMPV sont désignées, des mesures d’organisation du trafic et/ou de systèmes de comptes rendus à proximité ou à l’intérieur de la zone peuvent être adoptées, en vertu de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS). Une ZMPV peut, par exemple, être désignée comme zone à éviter par tous les navires ou par certaines classes de navire.
De telles zones existent déjà, on peut citer les récifs de la Grande Barrière en Australie (depuis 1990), le monument national marin de Papahānaumokuākea à Hawaii (2007), ou encore les bouches de Bonifacio à cheval sur la France et l’Italie (2011). Les atolls des Tuamotu répondent à la plupart des critères d’éligibilité à cette mesure de classement car leurs écosystèmes sont particulièrement vulnérables aux dégradations qui pourraient être causées par les activités de transport commercial et les transits des grands navires de pêche en cas d’accident ou d’actes délibérés de pollution. Les mesures d’organisation à mettre en œuvre doivent permettre de limiter le passage des navires au travers des Tuamotu et notamment au travers des Tuamotu du Nord Ouest et Centre où la densité des atolls est la plus importante.
Seul un Gouvernement membre peut présenter à l’OMI une demande de désignation de ZMPV. En l’occurrence la France devrait porter cette demande pour le compte de la Polynésie française sachant qu’une démarche similaire a déjà été réalisée pour le classement des Bouches de Bonnifacio. Le gouvernement de la Polynésie française demandera à l’Etat de soutenir cette démarche.