Jour 1 : Un engagement envers l’autonomisation économique, la culture et le développement durable
Le lundi 16 octobre a marqué le début du Sommet du tourisme durable dans le Pacifique, le « Pacific sustainable tourism leadership summit 2023 », avec la collaboration de la South Pacific Tourism Organisation (SPTO). L’événement a eu lieu à l’hôtel le Hilton Tahiti, situé à Faa’a, en présence de Moetai BROTHERSON, président de la Polynésie française, ainsi que des représentants des États membres du Pacifique.
La South Pacific Tourism Organisation est une organisation intergouvernementale composée de 18 États membres. La mission de la SPTO est de promouvoir les îles du Pacifique en tant que destination touristique, en améliorant l’accessibilité par voie aérienne et maritime et en mettant en avant la diversité culturelle de la région Pacifique.
Dans le cadre d’un tourisme durable, la SPTO s’engage dans le domaine environnemental, en promouvant le développement durable, la sensibilisation régionale et l’écotourisme. Cela nécessite une coopération étroite entre les États membres, avec la SPTO au cœur de la coordination régionale du secteur touristique.
La culture, l’autonomisation des communautés et le développement durable ont été les thèmes centraux de cette journée inaugurale, marquant un engagement envers un tourisme plus inclusif et respectueux de l’environnement dans la région du Pacifique, divisé en 2 panels de discussions.
Panel 1 : Autonomisation économique des communautés grâce au développement touristique inclusif
Le panel, animé par Petero MANUFAULAU, directeur de la South Pacifique Tourism Organisation (SPTO), a réuni trois experts reconnus sur les questions d’autonomisation dans le secteur du tourisme. Aaron Junior SALA (Gravitas Pasifika), Alcinda TRAWEN (Initiative de développement du secteur privé) et Penny SPOELDER (Planet Happiness) ont proposé plusieurs outils et actions-clés permettant de faire mieux évoluer les destinations vers un tourisme inclusif.
Consultations et concertations avec les communautés
Recueillir l’avis et les recommandations des communautés hôtes du tourisme constitue une condition d’une évolution vers un tourisme à la fois durable et résilient. Ce processus, en valorisant les souhaits de chaque communauté, si petite soit-elle, peut constituer la base de politiques publiques. Le Destination management action plan de Hawaii a, par exemple, été établi sur ces principes après la Covid-19 et il a été en partie décliné dans l’organisation du Festival des arts du Pacifique. Non seulement les communautés ont pu exprimer leurs besoins et leurs limites en matière de tourisme, mais les résultats ont également permis de travailler sur l’engagement des visiteurs. La question du genre pourrait également faire l’objet d’études plus systématiques.
Autonomisation des femmes, bien-être des communautés
L’audit de genre présenté par Alcinda TRAWEN, qui peut être déployé dans les structures privées ou les institutions, met en évidence les vulnérabilités (notamment harcèlement sexuel) et inégalités (difficulté à accéder à des emplois à haute responsabilité) mais également les opportunités offertes aux femmes dans le secteur du tourisme. Établi sur les critères de l’Organisation mondiale du travail, ce type de projet a ainsi été utilisé aux Kiribati, qui produit désormais un rapport annuel incluant la représentation des genres, considérée comme un facteur de durabilité et inclusivité du secteur.
De plus, le bien-être des communautés dans leur ensemble gagne à être considéré dans l’évaluation et l’élaboration des politiques touristiques. Il s’agit donc d’une notion à interroger et à intégrer dans le cadre des différentes études menées pour le secteur, qui privilégient jusque-là des variables liées à la croissance économique ou au retour d’expérience du visiteur. Une telle démarche a également pour avantage d’éviter certaines formes de rejets liés au développement touristique.
Les experts présents ont chacun affirmé leur volonté de partager leurs expériences et leurs outils – ainsi, le modèle de consultation sur le bien-être des communautés dans le cadre du tourisme, développé par Planet Happiness, est disponible en ligne en 24 langues. Ils appellent également à la création de synergies dans le cadre de SPTO. Penny SPOELDER a rappelé qu’une destination résiliente se construit sur la compréhension des populations locales et leurs besoins en développement touristique. Enfin, Aaron Junior SALA a exprimé sa conviction que le tourisme, plus que tout autre secteur, était capable de renforcer l’autonomie des communautés en leur permettant de s’interroger en continu sur leurs cultures et leurs savoirs et en les obligeant à réfléchir à la meilleure version d’elles-mêmes.
Panel 2 : Approches centrées sur la culture et les populations en matière de développement touristique
Le deuxième panel présenté dans le cadre du Sommet du Tourisme durable avec la collaboration de la South Pacific Tourism Organization (SPTO) a mis en avant les approches de développement du tourisme axées sur la culture et les personnes. Trois expériences ont été partagées, à travers Olivier POTE (Fare Natura à Moorea), Hoki-mai CHONG (association Maori Tourism) et le Dr Frances KOYA-VAKA’UTA (Communauté du Pacifique), mais avec une même conviction que la culture reste le vecteur le plus important pour accéder au développement durable.
Te Fare Natura : un musée qui accompagne les personnes éloignées de l’emploi
L’écomusée Te Fare Natura à Moorea est un espace culturel et scientifique devenu un outil d’insertion pour une partie de la jeunesse de Moorea éloignée de l’emploi. Depuis son ouverture, la structure s’inscrit dans une politique d’accueil des jeunes sur une période de six mois afin de les former et de les accompagner dans le monde du secteur touristique. Une grande majorité a trouvé un emploi à l’issue de cette première expérience professionnelle. L’ouverture sur la science et la connaissance culturelle, le partage de leurs savoirs avec les touristes, amènent également une forme de confiance en soi, outil indispensable pour une insertion professionnelle réussie.
Développement du tourisme autochtone : l’exemple de Maori tourism
Maori Tourism est une association dont l’ambition est de faire entendre la voix d’un tourisme autochtone au cœur du développement plus large du secteur touristique néo-zélandais. Un tourisme qui se définit par son particularisme ethnique, mais aussi par le souci de partager avec les visiteurs les valeurs d’une culture, d’un patrimoine et pas seulement des revenus et des valeurs économiques. Son représentant, Hoki-mai CHONG, plaide pour une approche holistique avec un développement économique maori qui dépasse le secteur du tourisme. Sport, industrie du cinéma, commerce… une réflexion et des interventions sur les problématiques sociales et sociétales des maoris doivent être au cœur des préoccupations des acteurs économiques et politiques.
La culture comme catalyseur du développement durable
La Communauté du Pacifique sud appelle à reconnaître la culture comme un bien public commun et à développer une approche multiculturelle et multisectorielle inédite, fondée sur le cadre culturel, le bien-être des communautés, le développement des outils statistiques.
L’éthique nécessaire à un tourisme fondé sur la culture implique de reconnaître cette dernière comme un moteur de la résilience dans le cadre du développement sectoriel. Cette approche est en réalité relativement neuve puisque ce n’est que tout récemment qu’au niveau du Pacifique sud, des politiques de développement ont intégré la culture dans l’agenda public.
Par ailleurs, la pérennité d’un tourisme inclusif passe par la protection des cultures, des connaissances et savoirs traditionnels, enjeu qui pourrait faire l’objet d’un traité. Enfin, la valorisation des cultures doit être encouragée dans les petites et moyennes entreprises du tourisme, dans les événements artistiques, dans les actions communautaires et associatives à destination des touristes. Les exemples sont déjà nombreux dans les pays du Pacifique sud – ainsi, à Tahiti, la navigation traditionnelle en va’a taie s’est développée et trouve sa place dans une expérience touristique immersive – et pourraient profiter des synergies créées par le Sommet du Tourisme durable.
La cérémonie de soirée d’ouverture du Sommet du tourisme durable a eu lieu plus tard à 18 h 30, en présence de Moetai BROTHERSON, président de la Polynésie française, de plusieurs membres du gouvernement, de représentants à l’assemblée de la Polynésie française (APF), et de représentants des États membres du SPTO, dans les jardins de l’APF.