Dans le cadre de la première séance de la session extraordinaire, jeudi matin, à l’Assemblée de la Polynésie française, le Président, Edouard Fritch, a prononcé un discours dans lequel il a évoqué la table ronde de haut-niveau Reko Tika qui s’est déroulée début juillet à Paris et le relevé de décisions transmis par la suite par le Premier ministre sur le sujet.
Le Président a souhaité tout d’abord remercier le Président de la République, Emmanuel Macron, pour avoir organisé, dans des délais courts, cet événement historique et exceptionnel qui réunissait la délégation Reko Tika, ainsi que de nombreuses hautes personnalités de l’Etat, mais également tous ceux et toutes celles qui se sont associés localement aux travaux préparatoires de cette table ronde et particulièrement Joël Allain, à Tahiti, et à son homologue parisien, le Préfet Alain Rousseau, qui ont coordonné avec professionnalisme et brio la démarche.
« Malgré l’absence de deux des 3 associations qui sont impliquées historiquement sur le sujet, et deux des groupes politiques de l’Assemblée que j’ai personnellement invités, nous avons porté le message de tous, pour que la voix de l’ensemble des polynésiens soit entendue le plus largement possible par les autorités de l’Etat. Je crois sincèrement, comme l’a indiqué Joël Allain, coordonnateur de Reko Tika, lors de sa conférence de presse du mercredi 7 juillet dernier, ‘ nous n’avons pas perdu notre temps », a déclaré le Président dans son discours.
Le Président a ensuite évoqué le courrier du Premier ministre suite à la table ronde. « Le Premier ministre estime que le ‘ caractère exceptionnel ‘ de la rencontre a permis ‘ de poser de nouvelles bases à notre dialogue sur ce dossier sensible ‘, reconnaissant je le cite : que ‘ l’Etat n’a, jusqu’à présent, pas suffisamment communiqué ‘. La conclusion qu’il en tire est ‘ l’évidente nécessité d’améliorer et de qualifier l’information sur ce sujet, dans les mois et les années à venir, s’est imposée ‘. Aussi, il précise que ‘ les organismes présents sont prêts à répondre à toute sollicitation pour venir, le cas échéant, sur place à la rencontre des Polynésiens, pour leur présenter leurs travaux », a indiqué le Président.
Concernant les aspects pratiques des choses, la première mesure concerne « l’ouverture des archives ». A cet égard, le Président de la République et le Premier Ministre confirment que tout sera déclassifié. Cependant, les archives contenant des informations dites « proliférantes », c’est-à-dire celles qui peuvent permettre d’avoir des éléments sur la construction d’une bombe nucléaire, ne peuvent être mises sur la place publique. C’est une exigence de l’ONU pour éviter la prolifération de l’arme nucléaire. Un travail de tri a déjà commencé et le Premier ministre indique qu’il sera « intensifié ». Ainsi, et pour que « des fonds documentaires nouveaux soient communiqués très rapidement aux chercheurs et au public », le Premier ministre précise qu’une « commission sera chargée de superviser l’avancée des travaux » de tri.
Le Premier ministre aborde ensuite dans son courrier « les effets des essais nucléaires sur la santé, qui ne peuvent être niés ». Le gouvernement central, non seulement, reconnaît cela, mais il fait un pas en avant. Il annonce ainsi « l’extension et l’approfondissement de l’étude Sépia » afin de « prendre en compte l’ensemble des travailleurs présents sur les sites du CEP ».
Concernant l’indemnisation des victimes, Jean Castex réaffirme le principe posé par le Président de la République et qui doit s’appliquer : « l’Etat a créé un droit à l’indemnisation pour les victimes des essais nucléaires. Il a le devoir de permettre à tous ceux qui s’estiment victimes de présenter un dossier au CIVEN ». « Là encore, les propos du Président de la République, repris par le Premier Ministre, sont d’une clarté qui ne laisse aucune ambiguïté sur la volonté de l’Etat de rendre justice aux victimes. », a souligné le Président.
Concernant la prise en charge par l’Etat des frais engagés par la CPS (Caisse de prévoyance sociale), le Premier ministre affirme nettement : « cette demande apparaît légitime ». Et il ajoute « Il est normal en effet qu’à côté du dispositif d’indemnisations individuelles, les dépenses engagées par la collectivité fassent l’objet d’un remboursement ».
Concernant le volet des impacts sur les territoires, le Premier ministre rappelle « que les atolls de Moruroa et Fangataufa demeureront des emprises militaires », les traces des explosions et les déchets enfouis pouvant revêtir un caractère d’informations proliférantes. A cet égard, la délégation Reko Tika a mis sur la table le principe d’une compensation pour perte de jouissance. Pour ce qui concerne Hao, il retient que « les modalités de dépollution du site » font l’objet d’une « perspective de solution technique envisageable », telle que cela avait été abordé par la délégation. Le Premier ministre ajoute : « de même, l’Etat poursuivra, en lien avec le Pays, son appui aux projets de développement des autres atolls proches de Tureia, Reao et Gambier ».
« Sur le volet des conséquences de l’arrêt des essais sur l’économie polynésienne, le Premier ministre a reconnu que la réunion n’a pas eu le temps d’approfondir ces sujets : ‘ la table ronde n’a permis que d’amorcer la réflexion sur ces sujets stratégiques pour la Polynésie française, et qui dépassent bien évidemment la question des conséquences des essais nucléaires. Aussi ai-je demandé au ministre des Outre-mer, en lien avec les ministères concernés, de poursuivre cette réflexion avec vous », a ajouté le Président.
« Voilà donc les principales mesures actées par le Premier ministre et qui constituent une véritable feuille de route. Cela répond très largement aux doléances portées par la délégation Reko Tika (…) Le cap est bien tracé et nous faisons confiance aux engagements du Premier ministre pris au nom du Président de la République et à la volonté des plus hauts responsables de l’Etat d’aller de l’avant sur ce dossier et dans un délai rapide. », a conclu le Président.