Le ministre du Logement, en charge des transports interinsulaires, Jean-Christophe Bouissou, et le ministre de la Culture, en charge de l’Environnement, Heremoana Maamaatuaiahutapu, ont fait un point, mercredi, sur le navire qui s’est échoué le mois dernier à Arutua.

Le navire chinois « Shen Gang Shun 1 » s’est en effet échoué le 21 mars dernier sur le platier récifal ouest de l’atoll de Arutua, avec 250 tonnes de carburant à bord, 15 tonnes de poissons et 62 tonnes d’appâts, selon les indications fournies par l’armateur.

Le manque d’informations précises et l’absence d’expertise a conduit la Polynésie française à diligenter sa propre mission d’expertise qui s’est rendue sur place en avion le 18 avril dernier avec six personnes : un agent de la Direction de l’Environnement (DIREN) équipé d’un drone, deux plongeurs, un ingénieur et un technicien spécialisé d’une société privée ainsi qu’un expert d’une autre société privée mandatée – et qui agit déjà sur le démantèlement du thonier échoué à Marutea Nord.

L’équipe a pu constater que le navire est stable, totalement posé sur le récif entre deux failles. Le talon du navire est posé sur le récif et une fissure a été constatée de laquelle s’est très vraisemblablement échappé du carburant. Une forte odeur de carburant se fait sentir à 150 mètres autour du bateau. Cinq prélèvements d’eau de mer ont été effectués à différents endroits autour du navire, qui doivent à présent être analysés.

Le drone a permis de constater qu’il y a une zone du récif noircie longue de plusieurs dizaines de mètres. Il n’est pas possible en l’état de dire si ces constatations, qui n’ont été détectées sur les images du drone qu’au retour à Tahiti, résultent de l’échouement et sont un effet direct d’une pollution ou de la prolifération d’algues brunes sur le platier sous l’effet du choc.

Outre 250 tonnes de carburant, figurent également d’autres produits dangereux et polluants : 22 bouteilles de 20 kg de R22 (le fréon nécessaire aux chambres froides), de grosses quantités de piles et de peinture. Le stock de poisson a entamé sa décomposition, de sorte que l’équipe n’a pas pu descendre dans les cales à poisson en raison de la saturation de l’atmosphère en CO2. Des prélèvements ont été effectués depuis l’ouverture de la cale à poisson dans laquelle se trouvent environ 70 tonnes de poissons, prises et appâts confondus.

Le ressac et la faible profondeur d’eau sous la coque interdisent toute opération consistant à colmater par l’extérieur la brèche ouverte par le safran. Le navire pèse 500 tonnes. La situation est techniquement compliquée, mais elle est désormais plus claire. A l’instar de l’opération de Marutea Nord, l’opération d’Arutua s’annonce complexe et lourde. Il ressort des échanges avec les experts qui ont participé à la mission, qu’il faut envisager plusieurs phases, la plus urgente étant de limiter les effets de la pollution, puis d’extraire le plus rapidement possible les matières dangereuses.

Trois étapes ont été suggérées lors de cette première approche :

La première étape serait mise en place d’un barrage filtrant pour limiter la pollution du lagon. Cette première étape, sous réserve de la disponibilité des barrages flottants, pourrait être installée en deux jours et nécessiterait 48h à 72h de préparation. Il faut prendre en considération que le lagon d’Arutua n’est accessible à aucun navire, ni barge.

La deuxième étape serait l’extraction de la cargaison de poissons en putréfaction ainsi que les matières dangereuses et polluantes (bonbonnes de fréon, piles, batteries et peinture). Les experts estiment entre 3 et 4 semaines le délai nécessaire pour monter l’opération, rassembler les matériels, et la déployer sur place. Une fois opérationnelle, ils estiment qu’il faudra entre 3 et 4 semaines pour extraire la cargaison. Il y aura 70 tonnes de poissons en putréfaction à extraire à la main. Compte tenu de la concentration en CO2, potentiellement en ammoniac, les équipes ne pourront pas rester plus de deux heures dans la cale, même équipées de masques et scaphandres adaptés. Il faut prévoir un roulement. Il faudra également extraire 62 tonnes d’appâts encore en carton. Lors de cette phase, les experts suggèrent également d’extraire des cales les huiles du navire, et de les entreposer dans des cubitainers sur le pont du thonier, pour écarter tout risque de pollution, dans l’attente de pouvoir les évacuer lors de la phase suivante.

La troisième étape portera sur l’extraction du carburant, sachant qu’il y a 250 tonnes de carburant à bord.

Se posera ensuite la question du sort de l’épave, son déséchouement et/ou de son démantèlement. Mais au moins d’ici là, la cargaison, et l’ensemble des fluides dangereux à bord de ce navire ne représenteront plus de risque de pollution pour l’environnement. Dans un délai de 12 à 15 jours les experts seront en situation de proposer des options techniques précises, leur faisabilité et leur chiffrage.

Le Pays a d’ores et déjà engagé les procédures et sommations nécessaires en justice, y compris pour la détention d’espèces protégées. Les armateurs, qu’ils soient locaux ou étrangers, doivent assumer leurs responsabilités.