Le Président de la Polynésie française, Edouard Fritch, a tenu une conférence de presse, lundi, portant sur les engagements du Premier ministre après la table ronde de haut niveau sur le nucléaire, les 1er et 2 juillet, à Paris, avec la délégation Reko Tika.
La conférence de presse s’est tenue en présence également, du ministre de la Culture et de l’Environnement, Heremoana Maamaatuaiahutapu, du Président de l’Assemblée de la Polynésie française, Gaston Tong Sang, du Président du CESEC, Eugène Sommers, du conseiller économique social et environnemental, Jean-Marie Yan Tu, et de la Déléguée pour le suivi des conséquences des essais nucléaires, Yolande Vernaudon.
« Je souhaite à nouveau remercier le Président de la République, Emmanuel Macron, pour avoir organisé, dans des délais courts, cet événement historique voire exceptionnel qui réunissait des représentants de tout horizon du Pays via le groupe Reko Tika, mais aussi de nombreuses hautes personnalités de l’Etat. », a déclaré en préambule le Président de la Polynésie française.
« Malgré l’absence de deux des 3 associations qui sont impliquées historiquement sur le sujet, nous avons porté le message de tous, pour que la voix de l’ensemble des Polynésiens soit entendue le plus largement possible par les autorités de l’Etat. La semaine dernière, lors de la conférence de presse qu’ont tenu les membres de la délégation Reko Tika autour de Joël Allain, il a été dit que ‘ nous n’avons pas perdu notre temps ‘. Très sincèrement, je souscris pleinement aux propos de Joël Allain. Je fais mienne cette phrase, pour regretter d’ailleurs que certaines associations ou représentants politiques auraient dû se joindre à nous lors de ces débats instructifs, enrichissants et sincères. », a indiqué le Président.
Le Président a évoqué un courrier du Premier ministre, Jean Castex, qui a donné des précisions sur le sujet. « Le Premier ministre m’informe donc qu’il a donné les instructions nécessaires pour que des mesures pratiques, qui ont fait l’objet d’un consensus lors de vos travaux et paraissent structurantes pour l’avenir, fassent l’objet d’une mise en place rapide et concrète dans les semaines à venir. », a ainsi annoncé le Président.
Celles-ci portent notamment sur 4 points :
L’ouverture des archives
La première mesure concerne « l’ouverture des archives ». A cet égard, tout sera déclassifié. Cependant, et c’est parfaitement compréhensible, les archives contenant des informations dites « proliférantes », c’est-à-dire celles qui peuvent permettre d’avoir des éléments sur la construction de la bombe, ne pourront être mises sur la place publique. Un travail de tri a déjà commencé et le Premier ministre indique qu’il sera « intensifié ». Ainsi, et pour que « des fonds documentaires nouveaux soient communiqués très rapidement aux chercheurs et au public », le Premier ministre précise qu’une « commission sera chargée de superviser l’avancée des travaux » de tri.
Les conséquences sur la santé
Le Premier ministre a abordé également « les effets des essais nucléaires sur la santé, qui ne peuvent être niés ». Pour lui, « mieux comprendre et connaitre les mécanismes d’apparition et de développement des maladies radio-induites est essentiel, et la question notamment du lien entre l’exposition à de faibles doses des rayonnements ionisants et le cancer de la thyroïde devra être approfondie ». Il annonce ainsi « l’extension et l’approfondissement de l’étude Sépia » afin de « prendre en compte l’ensemble des travailleurs présents sur les sites du CEP ».
L’indemnisation des victimes
Concernant l’indemnisation des victimes, Jean Castex a réaffirmé le principe posé par le Président de la République et qui doit s’appliquer : « l’Etat a créé un droit à l’indemnisation pour les victimes des essais nucléaires. Il a le devoir de permettre à tous ceux qui s’estiment victimes de présenter un dossier au CIVEN ». Ce principe étant acquis, il fait aussi le constat que l’accès au dispositif d’indemnisation est complexe et peut décourager certaines personnes isolées.
Aussi, il précise que « la décision a été prise de mettre sur pieds une équipe constituée de personnes disposant de compétences médicales et administratives qui aura pour fonction de se rendre sur place, au plus près des Polynésiens, pour les informer sur leurs droits, les aider à évaluer leur situation de santé et à constituer leur dossier ». C’est ce que le Président a qualifié d’« aller vers ». Il faut aller vers les gens et ne pas attendre qu’ils viennent à nous.
Le Premier ministre ajoute que cette équipe fera également ce travail auprès des ayant-droits et précise enfin « que le nécessaire sera fait par voie législative pour que le délai de dépôt des dossiers auprès du CIVEN soit repoussé de trois années (jusque fin 2024)». Des moyens financiers supplémentaires seront également alloués au CIVEN. Concernant la prise en charge par l’Etat des frais engagés par la CPS (Caisse de prévoyance sociale), le Premier ministre affirme nettement: « cette demande apparaît légitime » et il rajoute « Il est normal en effet qu’à côté du dispositif d’indemnisations individuelles, les dépenses engagées par la collectivité fassent l’objet d’un remboursement ».
Les impacts sur les territoires
Concernant le volet des impacts sur les territoires qui concernait les travaux de la dernière partie de la table ronde, le Premier ministre rappelle « que les atolls de Moruroa et Fangataufa demeureront des emprises militaires », les traces des explosions et les déchets enfouis pouvant revêtir un caractère d’informations proliférantes. A cet égard, la délégation Reko Tika a mis sur la table le principe d’une compensation pour perte de jouissance.
Pour ce qui concerne Hao, il retient que « les modalités de dépollution du site » font l’objet d’une « perspective de solution technique envisageable », telle que cela avait été abordé par notre délégation. Pour lui, un travail commun des services de l’Etat, du Pays et de la commune « doit être engagé rapidement ». Le Premier ministre ajoute : « de même, l’Etat poursuivra, en lien avec le Pays, son appui aux projets de développement des autres atolls proches de Tureia, Reao et Gambier ».
Pour ce qui concerne le CRSD, le Premier ministre a acté « la prolongation de la durée de ce contrat afin de terminer les opérations qui s’y rattachent » ainsi que « la prise en charge des coûts liés à la dépollution amiante des bâtiments ». Enfin, il précise clairement que « les crédits non engagés seront redéployés sur des action de redynamisation économique (et non désengagés comme c’est habituellement le cas) ».
Le Premier ministre, dans son courrier, a en outre ajouté que, ce « sont ainsi les principales conclusions sur lesquelles j’engage mon Gouvernement et qui pourront faire l’objet de précisions ou de confirmations à l’occasion du prochain déplacement officiel de Monsieur le Président de la République en Polynésie française ».
« Alors, au-delà du changement de posture, de paradigme de l’Etat vis-à-vis de la reconnaissance des impacts des activités nucléaires entre 1964 et 1995, il faut maintenant mettre toutes ces actions et ces bonnes intentions en œuvre. Le cap est bien tracé et nous faisons confiance aux engagements du Premier ministre pris au nom du Président de la République et à la volonté des plus hauts responsables de l’Etat d’aller de l’avant sur ce dossier et dans un délai rapide. Je sais aussi, que le chef de l’Etat, qui sera prochainement parmi nous reprendra devant l’ensemble des polynésiens les mots forts et sincères qu’il a tenu devant notre délégation et je sais aussi qu’il s’engagera pour que nous puissions avec dignité, respect et confiance, reprendre la route de notre destin au côté de la France. », a souligné le Président.
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