Séminaire

pour un projet de cadre juridique de valorisation des plantes médicinales, aromatiques et cosmétiques de la Polynésie française

 

Allocution du Président de la Polynésie française

Discours d’ouverture – 5 novembre 2021

 

Mesdames et messieurs les membres du gouvernement,

Mesdames et messieurs les représentants des services administratifs et établissements publics,

Monsieur le Président du Conseil de l’ordre des médecins,

Monsieur le Président du conseil de l’ordre des pharmaciens,

Mesdames et messieurs les intervenants des secteurs économiques,

Mesdames et messieurs les intervenants de la société civile,

Mesdames et messieurs les intervenants des associations culturelles et traditionnelles,

Mesdames et messieurs les invités,

La presse,

Chers amis,

 

 

Ia ora na,

C’est avec grand plaisir que je me trouve aujourd’hui réuni avec vous pour ouvrir ce séminaire de travail consacré aux plantes aromatiques, médicinales et cosmétiques, organisé à l’initiative du ministre de l’Agriculture, de l’économie bleue, du domaine et de la recherche, Tearii ALPHA que je souhaite ici remercier.

En novembre 2018, avait été organisé dans ce même lieu le 10ème CIPAM, « Congrès International sur les Plantes Aromatiques, Médicinales et cosmétiques » qui avait réuni une partie des personnes présentes ici aujourd’hui. Les débats avaient été riches et appréciés par tous, mais ces échanges entre intervenants d’origine très diverses, tant sur les plans géographiques, professionnels, ou culturels, avaient à nouveau mis en évidence la grande complexité du sujet pris dans son ensemble, dès lors notamment que l’on se fixe un objectif global de développement de cette filière.

Les enjeux sont en effet nombreux, de même que les attentes de notre population en termes de reconnaissance des « Ra’au Tahiti ».

Enjeux économiques d’abord car l’on sait bien le formidable potentiel que représente nos plantes aromatiques, médicinales et cosmétiques déjà utilisées dans la société polynésienne de l’époque pré-européenne selon des modalités qui ont été transmises de manière plus ou moins fidèle, et qui permettent aujourd’hui la poursuite de tels usages. Dès lors, aujourd’hui, les plantes ou parties de plantes utilisées, et tout ce qui relève donc des savoirs traditionnels associés à ces plantes, font l’objet de recherches scientifiques ou médicales très poussées souvent menées à des fins commerciales, sans pour autant que cela soit clairement affiché.

Enjeu économique toujours dès lors que se pose la question des retombées concrètes pour les populations détentrices de ces savoirs désormais protégés par des dispositifs juridiques nouveaux, réglementant l’accès et le partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées. Je veux bien sûr parler du dispositif qui existe également en Polynésie française, à la suite de son adoption récente par notre assemblée, et qu’il faut pouvoir utiliser si nécessaire.

 

Enjeu sociétal et culturel ensuite, dès lors que c’est toute une population qui progressivement se réapproprie ces savoirs, découvre les bienfaits qu’ils peuvent procurer dans la vie quotidienne, et s’organise pour les préserver et les transmettre. Cet enjeu sociétal et culturel, une partie des personnes ici présentes l’incarnent et le portent avec passion et détermination et pour cela, elles doivent être remerciées.

Enjeu de santé publique enfin, puisque nos plantes médicinales utilisées traditionnellement peuvent également se montrer utiles dans de nombreuses pathologies de la vie quotidienne. Ainsi, la médecine traditionnelle constitue un pan important et encore sous-estimé des soins de santé. Elle existe dans quasiment tous les pays du monde, et la demande dans ce domaine est en progression. Notre population est ainsi, elle aussi, très attachée à la médecine traditionnelle et aux savoirs ancestraux du soin polynésien.

 

Aujourd’hui, le Gouvernement de la Polynésie française, s’inspirant de la stratégie de l’OMS en matière de médecine traditionnelle, reconnait la nécessité d’adopter une approche cohésive et intégrative des soins de santé, qui, à terme, permettra aux pouvoirs publics, aux professionnels et surtout, aux personnes qui recourent aux services de santé, d’avoir accès à une médecine traditionnelle qui soit sûre, respectueuse, efficiente par rapport aux coûts et efficace.

 

Je veux donc ici énoncer les trois objectifs stratégiques proposés par l’Organisation Mondiale de la Santé en la matière :

  1. Renforcer la base de connaissances pour une gestion active de la médecine traditionnelle par des politiques appropriées ;
  2. Renforcer l’assurance-qualité, la sécurité, l’usage approprié et l’efficacité de la médecine traditionnelle en réglementant les produits, pratiques et praticiens ;
  3. Promouvoir un système de soin accessible à toute la population en intégrant de façon adéquate, les services de médecine traditionnelle dans la prestation des services de santé.

 

Reconnaissons-le, il s’agit d’objectifs complexes et ambitieux. Mais réussir à intégrer notre médecine traditionnelle de façon raisonnée et sécurisée dans un modèle de société fondé sur l’humanisme, est bien l’enjeu innovant de la médecine intégrative que je veux porter aujourd’hui devant vous.

De manière très concrète, vous le savez comme moi, les temps ont changé. Nos jeunes chercheurs, professionnels de santé, médecins polynésiens, reviennent au Fenua. Ils sont férus de culture. Ils s’intéressent à nos plantes médicinales avec lesquelles ils ont été soignés dans leur enfance. Ils veulent travailler avec nos tradipraticiens. Ils mettent en œuvre des projets innovants qui trouvent écho au-delà de nos frontières.

Aussi, fort de ces atouts, notre secteur primaire doit se mettre au service de ces objectifs.  Pour ce faire, une vision prospective sur les besoins des utilisateurs et sur l’évolution possible du cadre réglementaire devrait faciliter la valorisation des espèces végétales considérées.

C’est donc ensemble que toutes les parties prenantes présentes aujourd’hui sont appelées à discuter et échanger sur trois thèmes essentiels :

  • Connaître et caractériser les propriétés médicinales, aromatiques et cosmétiques de nos ressources végétales ou animales, terrestres ou marines, afin de pouvoir les utiliser et les valoriser dans un cadre juridique approprié ;
  • Protéger et sécuriser l’activité de production et vente de ces mêmes ressources ;
  • Encadrer et sécuriser les pratiques et les usages.

 

Les ébauches de textes réglementaires aujourd’hui en discussion ont été élaborées par un prestataire juridique mandaté, mais ne constituent pas à ce stade le projet du Gouvernement, d’un ministère ou d’un service. Ils doivent nous permettre d’échanger et d’avancer dans la réflexion, tout en gardant en tête les objectifs recherchés.

Les débats au sein des ateliers de travail resteront donc ouverts, et doivent permettre l’émergence de nouvelles propositions. Chers participants de nos administrations publiques, des secteurs économiques, du monde médical et de la société civile, ces travaux constituent donc une toute première étape et ont vocation à être poursuivis au cours des mois à venir.

Pour autant, je veux affirmer notre volonté politique d’aboutir à un cadre juridique novateur, avant la fin de notre mandature.

 

Que Dieu bénisse notre Pays.

Je vous remercie de votre attention.