Monsieur le Haut-Commissaire,
Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le conseiller économique, social, culturel et environnemental,
Mesdames et messieurs les Représentants,
Monsieur le président du Conseil économique, social, culturel et environnemental,
Monsieur le président du tribunal administratif,
Monsieur le président de la chambre territoriale des comptes,
Monsieur le directeur des Finances publiques,
Mesdames et messieurs les représentants des organisations professionnelles,
Messieurs les représentants des confessions religieuses,
Mesdames et messieurs les journalistes,
Mesdames et messieurs du public, ici ou sur internet,
Chers amis,
Ia Ora Na,
Depuis le mois de février 2020, nous traversons une période particulièrement complexe ou toutes nos certitudes, toutes nos ambitions ont été ébranlées et remises en cause par une pandémie qui a touché lourdement et durablement notre Pays.
Nous avons dû faire face à des défis sanitaires inimaginables.
Nous avons dû gérer deux crises économiques sans précédent.
Nous avons dû imaginer des modes d’enseignement à distance et, il a fallu dégager des ressources budgétaires externes et nouvelles pour financer cette situation exceptionnelle.
Pour le moment, nous avons pu franchir ensemble et avec l’appui de l’Etat de multiples étapes, mais nous sommes bien conscients que le chemin à parcourir pour retrouver une situation « normale » sera encore long et tortueux.
Au cours de la session budgétaire qui s’ouvre ce matin, nous aurons des choix à faire et des priorités à retenir pour servir au mieux l’intérêt de notre collectivité et de nos concitoyens. L’examen du Rapport d’Orientation Budgétaire prévu dans quelques semaines vous donnera l’occasion de débattre et définir les axes qui vous paraissent essentiels pour le projet de budget 2022.
Au préalable, il me semble important de partager avec vous des éléments de contexte qui doivent servir de base à vos travaux.
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Sur la situation sanitaire
La dernière fois que nous nous sommes parlés au sein de cet hémicycle, nous avions débattu de l’obligation vaccinale. Votre assemblée a adopté la loi avec une très large majorité de 48 Représentants. Un vote qui a rassemblé les suffrages au-delà des clivages politiques. Et je vous en remercie à nouveau.
Je rappelle que la Loi a été adoptée en Conseil des Ministres le 17 Août et adoptée par votre Assemblée le 20 Août. Le gouvernement a préparé cette Loi au courant du mois de juillet, puis transmis au Conseil sanitaire et social polynésien le 26 juillet, à un moment où nous enregistrions 500 nouveaux cas positifs par jour, des hospitalisations en forte augmentation et 27 % de la population complètement vaccinés.
Je me permets de rappeler, ici à nouveau, comme je l’ai fait hier devant les représentants du collectif opposé à la vaccination obligatoire, que la Loi du Pays sur l’obligation vaccinale porte sur les seuls salariés qui travaillent en contact avec la population. Il y a près de 60 000 salariés dans notre Pays. Donc, seule une partie de ces salariés est concernée par cette obligation. Les enfants mineurs et les sans-emplois sont exclus de l’obligation vaccinale.
Cette loi est controversée. Et certains estiment qu’elle contrevient à la plus élémentaire des libertés.
Certains se réfèrent aux articles 1, 3, 5 et 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme. Je voudrai à ce titre vous lire l’article 4 de cette déclaration, article que les contestataires occultent soigneusement et qui dit ceci : « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi ».
J’ai dit également aux représentants des collectifs que j’ai reçu hier, sous le contrôle du ministre de la Santé et du chef des urgences du CHPF qui assistaient à cette réunion, que les conditions sanitaires actuelles n’étaient pas réunies pour que nous puissions répondre favorablement à leur revendication de suspendre tout ou partie de la loi, et encore moins l’annuler. Je ne prendrais pas le risque de mettre en danger la majorité de la population. Nous ne sommes pas là pour embêter les gens, pour les sanctionner. Nous sommes là pour répondre à l’urgence d’une situation critique et sauver des vies.
En tout état de cause, 6 recours en annulation de la loi ont été déposés, auxquels il faut ajouter un dernier recours déposé par le Tavini Huiraatira. Nous attendons que le Conseil d’Etat nous indique s’il convient de faire évoluer le texte adopté par votre assemblée.
Le virus, lui, n’attend pas et il ne fait pas du droit. Il envoie les gens à l’hôpital, tue les malades et empêche le système de santé de fonctionner correctement. Il plonge nos familles dans le deuil et déstabilise durablement nos modes de vies traditionnels.
144 décès enregistrés au début de cette crise vers le 15 juillet 2021, aujourd’hui 610 morts. Soit 466 décès en 2 mois ! Voilà le constat !
90% des personnes décédées avaient au moins une comorbidité et surtout n’étaient pas vaccinées. Voilà la cause !
Je voudrai également que vous reteniez ce chiffre : 1 million F CFP la journée en réanimation, soit un coût de prise en charge de près de 40 millions FCP par patient avec un séjour moyen de 6 semaines pour le variant Delta. Voilà le coût pour notre assurance maladie de la CPS !
Je le dis et je le répète, seule la vaccination nous permettra de revenir à une vie normale.
C’est pourquoi le gouvernement a déployé des moyens colossaux pour mettre en œuvre les campagnes de dépistage puis de vaccination. Nous avons multiplié les vaccinodromes en ouvrant même les dimanches et les jours fériés, en organisant les tournées dans les îles les plus éloignées et les campagnes d’informations avec le soutien logistique de l’Etat, les achats de matériels, de blouses, de gants, de masques, de respirateurs, de concentrateurs.
J’ouvre ici une parenthèse pour rappeler, comme le dit le docteur Raynal que, contrairement aux affirmations des manifestants et des réseaux sociaux, la prescription par les médecins de traitements alternatifs, à base notamment d’ivermectine ou d’hydroxychloroquine, n’a jamais été interdite en Polynésie.
Les médecins ont toujours eu la possibilité, sous leur propre responsabilité, de prescrire ce traitement, sous réserve d’informer les patients que ces médicaments n’avaient pas reçu une autorisation de mise sur le marché pour soigner la Covid-19.
J’ai personnellement donné des consignes pour laisser la liberté de prescription, dans le respect des règles déontologiques.
Aujourd’hui, encore avec l’appui de l’Etat qui nous a approvisionnés sans interruption depuis février 2021 en vaccins, chaque femme, homme et enfant de plus de 12 ans a un accès facile et gratuit à la vaccination.
En regardant autour de nous, il apparait que notre démarche est loin d’être isolée, bien au contraire, puisque pour ne prendre en compte que quelques exemples, les Etats-Unis, l’Australie, le Chili, exigent le vaccin à tout passager entrant et sortant de leurs frontières. Je vois aussi que la Nouvelle-Calédonie et les Iles Fiji suivent ces mêmes exigences allant parfois jusqu’à rendre la vaccination obligatoire pour tous les adultes, comme le fait le Vatican.
Alors, plutôt que de nous déchirer, j’appelle de mes vœux à plus de cohésion et de raison afin de faire bloc. Je vous demande de nous unir pour poursuivre le combat que nous menons contre ce virus et ses variants. Nous nous donnerons ainsi plus de chance pour résister à d’éventuelles nouvelles vagues de la pandémie, qu’il ne faut pas écarter selon ce que nous ont dit les grands spécialistes venus de France à l’occasion de l’Evasan de nos polynésiens vers la métropole.
Je remercie la majorité silencieuse des polynésiennes et des polynésiens qui ont fait l’effort d’aller se faire vacciner. Ils sont plus de 151 000 à l’avoir fait à ce jour. Je demande donc à ceux qui doutent et qui résistent encore, qu’au-delà de leurs convictions ou de leurs croyances, seule la protection de notre communauté doit dicter leur choix. Je vous le dis, il n’y a pas d’autre choix.
Au début de la crise vers la mi-juillet, nous totalisions 69 000 personnes vaccinées sur les 7 premiers mois. A ce jour, 137 760 personnes disposent d’un schéma vaccinal complet et 151 840 ont déjà reçu au moins une dose de vaccin. Je ne désespère pas d’atteindre les 180.000 personnes vaccinées avant la fin de l’année.
Au regard de la situation exceptionnelle que nous traversons, dramatique devrais-je dire, et des réactions parfois épidermiques voire malsaines qui s’expriment, il faut raison garder et prendre le temps de comprendre ce qui se passe.
Je souhaite d’ailleurs rétablir quelques vérités.
Depuis mars 2020, des moyens considérables ont été déployés aux niveaux humains, organisationnels et financiers afin de faire face rapidement aux conséquences de ce virus puis de son variant DELTA.
Le CHPF a dû en urgence aménager la nef de l’hôpital pour accueillir des malades supplémentaires et traiter le maximum de malades.
Nous avons dû mettre en place une organisation de médecine de guerre à Taaone, à Moorea et à Uturoa pour nous adapter à la situation d’urgence. Certains peuvent mettre un voile pudique sur tout cela et le contester, mais la réalité est bien là.
J’ai demandé au ministre des Finances de me proposer très rapidement des mesures supplémentaires qui concourront encore plus à accompagner ma population. Je pense notamment aux moyens de suivi médical individuel à domicile.
A ce sujet, je proposerai de mettre en PPN, tout le petit matériel sanitaire indispensable aux familles.
Mais tout ce matériel n’est que peu de choses sans le plus essentiel des capitaux : le capital humain.
Je pense en particulier aux milliers de nos agents, publics et privés, du système de santé. Je pense aux brancardiers, aux agents de services hospitaliers, aux aides-soignantes, aux infirmières, aux médecins, aux volontaires et bénévoles dans les vaccinodromes, aux pompiers, bref à tous ceux qui font que la réponse sanitaire est à la hauteur des enjeux et des besoins.
Il me parait donc injuste et irresponsable d’accabler le personnel du CHPF et de les accuser du pire alors que les centaines de malades ont été traitées dans les conditions médicales optimales malgré l’afflux de nouveaux cas chaque jour.
Je veux donc rendre hommage à toutes ces personnes de l’Etat, des communes et du Pays, quelque soit leur bord politique, leur religion ou leur origine. Je veux leurs dire toute notre gratitude et saluer, non seulement, leur engagement, leur dévotion et leur abnégation, mais aussi leur discrétion.
Je n’oublie pas non plus l’aide qui nous a été apportée de métropole et de la Nouvelle Calédonie via la réserve sanitaire. J’adresse à nouveau mes remerciements au gouvernement de la France et au gouvernement de la Nouvelle Calédonie.
Toutes ces personnes qui se sont dévouées à nos malades, l’ont fait par amour pour leurs prochains, conformément aux enseignements de notre Père Céleste. Soigner les Hommes est un sacerdoce aujourd’hui, mais certainement pas une religion.
Ici, le service public que je considère comme étant la mission la plus noble qui puisse exister, n’a jamais eu autant de sens que durant cette pandémie. Ce sont des femmes et des hommes qui le font vivre.
Merci pour votre implication, la Polynésie vous en est reconnaissante.
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Aujourd’hui, après un an et demi de pratiques et de prises en charge des patients du covid, je ferai organiser d’ici la fin de l’année, un colloque rassemblant tous les praticiens du secteur public et privé ayant eu à prendre en charge des patients covid.
Ce serait un colloque construit notamment sur des retours et des échanges d’expériences sur la prise en charge et le traitement de la covid.
Je veux rassurer les Polynésiens sur notre volonté constante de protéger toute notre population. Pour cela, avec un recul d’expériences désormais intéressant, il devient utile d’ouvrir un large débat entre toutes les personnes concernées.
Je veux dépassionner et redonner de l’objectivité à cette lutte contre l’épidémie et contre le virus.
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Cette crise nous conduira rapidement à réfléchir ensemble à nos modes de vie et nos modes de consommation car une grande partie des personnes qui nous a quittés présentait des pathologies à risques.
Cela signifie que nous devrons faire évoluer nos habitudes, et que nous donnions à l’exercice physique une place plus importante.
La prévention et la promotion de la santé constituent une priorité de la politique de santé publique de la Polynésie française, définies dans un des axes des orientations stratégiques 2016-2025.
Le Pays s’est engagé dans une stratégie cohérente et audacieuse pour la prévention notamment en fixant comme priorité la réduction du surpoids et de la prévalence des maladies évitables.
A cet égard, la direction de la jeunesse et des sports a lancé en 2017 un dispositif “Maita’i sport santé”, géré depuis 2019 par la Direction de la Santé.
Favoriser le sport santé reste un des axes de travail retenu par le ministère des sports.
En effet, améliorer l’état de santé de la population en favorisant l’activité physique et sportive de chacun, avec ou sans pathologie, est primordial.
Aussi, afin de lutter contre la sédentarité, les conduites addictives, le dopage et de promouvoir les activités physiques et sportives comme facteur de bien-être, le Pays apporte son soutien, au travers de subventions aux associations, sportives notamment, pour le développement d’actions de prévention ou de promotion de la santé par les activités physiques et sportives.
En concertation avec le Ministre en charge des sports, mais aussi avec l’aide des communes et des associations, nous devons porter une nouvelle dynamique pour favoriser la démarche.
Je veux également et solennellement affirmer que la transition alimentaire doit devenir sans plus attendre, un axe central et prioritaire de nos politiques publiques.
A cet égard, mon gouvernement veut pouvoir entamer avant la fin de cette année, un plan stratégique sur dix ans fixant le cadre de nos actions dans ce domaine.
Aussi, sous la conduite du Vice-Président, ministre en charge du secteur primaire, une table-ronde sera organisée sur 3 jours, à la mi-octobre. Elle réunira toutes les parties prenantes, institutions, services administratifs, acteurs économiques, associations afin d’élaborer une charte et définir le plan d’actions stratégiques pour la transition alimentaire de la Polynésie française pour les dix prochaines années.
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Sur la situation économique
Depuis bientôt deux ans, nous traversons une période économique difficile. Toutes nos prévisions de retour à la normale ont été contrariées par les à-coups que nous impose la gestion raisonnée de la crise sanitaire.
En fait, je devrais dire, les crises économiques car entre le confinement total du Pays de mars à mai 2020, le pic pandémique de novembre 2020, la fermeture des frontières de mars 2021 et enfin la dernière période de confinement entre août et septembre 2021, la situation est à chaque fois différente. Et, à ces égards, nous devons imaginer ou réactiver des mécanismes de compensation pour limiter « la casse » ou les effets collatéraux sur les entreprises et sur leurs salariés.
L’Etat dans ce domaine nous a beaucoup aidés, notamment via le PGE avec plus de 950 bénéficiaires pour 54 milliards de F CFP, ou encore le FSE avec 73 772 aides accordées pour un montant global de 23,5 milliards de F CFP.
Le Pays a également mobilisé de son côté, des moyens importants tant au niveau des aides à l’emploi que des aides aux entreprises. Je reviendrai d’ailleurs sur ces points dans quelques instants.
Force est de reconnaitre qu’avec ces dispositifs financiers exceptionnels, mais aussi grâce au comportement citoyen, courageux et résilient d’un grand nombre de chefs d’entreprises ou d’artisans, la catastrophe économique que nous craignions, a été en partie évitée. Je n’oublie pas les polynésiens qui, par leurs actes de consommation locale, ont contribué à faire tourner la machine.
Je retiendrais deux indicateurs qui me paraissent significatifs :
- Sur le PIB : La dernière publication du CEROM qui traite des comptes économiques rapides de la Polynésie française vient d’estimer le PIB 2020 à 607 milliards de F CFP contre 675 milliards de F CFP en 2019. Rappelons-nous qu’en juin 2020 nos experts anticipaient une chute du PIB comprise entre 12 et 15 %. Or, il s’avère que la baisse n’a été que de -7,6% soit une évolution comparable à celle de la France hexagonale.
- Sur l’indice de l’emploi salarié : En juin 2021, l’indice de l’emploi salarié du secteur marchand a cru de 4% en glissement annuel, c’est-à-dire proche de son rythme pré-covid (+ 4,4 % en février 2020). Le maintien de dispositifs publics de soutien à l’emploi sur la période a donc contribué efficacement à l’évolution du marché du travail.
Néanmoins, l’arbre ne doit pas cacher la forêt et je suis bien conscient que des secteurs ont été particulièrement touchés par la crise notamment le tourisme et le transport aérien.
Les acteurs de ces secteurs ont connu des chutes d’activité brutales et non rattrapables, je veux parler de pertes de leur chiffre d’affaires comprises entre -50 et -80 %. Cette situation a également concerné les entreprises liées comme les prestataires de services touristiques, les salles de sports, certains restaurants et j’en passe.
Je puis vous affirmer qu’en concertation avec l’Etat nous ne cesserons de nous mobiliser pour sauver le plus grand nombre d’entre elles et d’adapter les dispositifs d’aides tant que cela sera possible.
Je pense notamment à notre compagnie ATN qui rencontre depuis deux ans des fortes perturbations liées à la fermeture de ses marchés.
Au-delà de l’avance en compte courant de 2,1 milliards de F CFP qui lui a été accordée l’année dernière par votre Assemblée et en concertation avec l’organisme d’Etat qu’est le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), nous travaillons depuis plusieurs mois sur un plan de restructuration financière qui vous sera présenté prochainement. Il devrait permettre à la compagnie à la Tiare de pouvoir tenir le choc et de continuer à remplir la mission fondamentale que nous lui avons confiée, à savoir la desserte de notre Pays et le développement de son industrie touristique. Notre mission, c’est de sauver coûte que coûte notre compagnie.
Cette crise économique sans précédent nous a aussi renvoyé des signaux de résilience positifs avec, d’un côté un niveau d’investissement privé qui ne faiblit pas, et de l’autre, la constitution d’une épargne monétaire importante.
Au global, les actifs financiers détenus à ce jour par les agents économiques résidents représentent, tenez-vous bien, à plus de 700 milliards de F CFP. Ces réserves représentent des potentialités de consommation et d’investissement qui accompagneront la relance dont je vous dirais quelques mots.
Nous avons également été surpris et rassurés par la réactivité des marchés touristiques aux cycles d’ouverture et de fermeture de nos hôtels.
En juillet 2020, la reprise a été réelle. Sans la fermeture des frontières en mars 2021, l’année aurait été très bonne pour les acteurs du secteur. Mais ce phénomène a été encore plus vif en juin 2021 où en quelques semaines, nos hôtels se sont remplis à un rythme que nous n’avons jamais connu.
De même, l’évolution de l’indicateur du climat des affaires de l’IEOM, a enregistré une hausse de 7 points en deux trimestres, bien au-dessus de sa moyenne de longue période. Les entreprises affichaient alors une conjoncture favorable et des perspectives positives pour le troisième trimestre 2021.
Pour conclure sur ce volet économique, et en retenant l’hypothèse d’une bonne maîtrise de la situation sanitaire en 2022, nous devrions reprendre le chemin de la croissance et de la création d’emplois.
Il faut rester néanmoins prudent et je souhaite vous signaler des points d’attention et de risques à intégrer dans nos prévisions :
- La disparition progressive des dispositifs d’aides de l’Etat et du Pays qui ont contribué fortement à la sauvegarde de notre tissu d’entreprises. Il faudra que la reprise soit forte et soit partagée pour éviter cet écueil.
- Le niveau élevé de la dette des entreprises, notamment via le PGE, qui pourrait altérer leur capacité d’investissement et absorber une grande partie de leur trésorerie. Dans l’attente de décisions qui pourraient être prises au niveau national pour les secteurs les plus fragiles, il faut bien être conscient de ce risque systémique.
- Le besoin de recapitalisation d’un certain nombre d’entreprises qui nécessitera l’activation voire le renforcement de nos outils de capital investissement notamment la SOFIDEP et nous l’espérons la SOCREDO via sa filiale OCI mais aussi la Banque des Territoires qui a la volonté d’accompagner les entreprises en fonds propres.
- Enfin l’inadéquation de l’offre et des demandes d’emplois car dans certains secteurs, les dirigeants nous alertent sur l’absence de certaines compétences techniques. Cette situation pourrait retarder la reprise et nécessitera une forte attention du SEFI et des organismes de formation.
C’est dans ce contexte incertain mais aussi encourageant sous certains aspects qu’il faudra tracer sa route et bâtir des projections budgétaires solides et porteuses de la reprise.
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Cette reprise, elle passe par le plan de relance 2021-2023.
Le gouvernement, sous la coordination de notre ministre de l’Economie, s’est rapidement mobilisé pour répondre aux attentes de la population et des acteurs économiques.
Sur 2021, la grande majorité de nos efforts a été consacrée à la sauvegarde des emplois, qui a grandement contribué à maintenir une économie endogène robuste. Ces dépenses, bien que conséquentes, étaient nécessaires.
Parallèlement, nos services, nos établissements et nos SEM ont déployé les premières actions de relance.
Je pense notamment à l’Aide à l’investissement des ménages, dans sa forme adaptée pour 2021, qui a permis de mobiliser massivement l’épargne des Polynésiens vers les acteurs du bâtiment et de l’artisanat. 1,3 milliards injectés par le Pays à ce jour ! Avec l’effet de levier multiplié par 3.3, correspondant au niveau d’accompagnement théorique, ce sont plus de 3 milliards d’épargne des Polynésiens qui ont été mobilisés. Si vous regardez attentivement les chiffres, vous les retrouverez sous forme de chiffre d’affaires, de TVA, de charges sociales et de salaires.
Pour soutenir le tissu économique des petites entreprises, nous nous sommes aussi appuyés sur le dynamisme de structures comme l’ADIE ou Initiative Polynésie. Ces deux associations ont bénéficié chacune d’une enveloppe de 173 millions de francs dédiée à des prêts d’honneur, des prêts à taux zéro avec deux ans de différé.
Pour nos entrepreneurs, notamment ceux ne répondant pas aux critères bancaires conventionnels, c’est une chance et nombreux sont ceux qui l’ont saisi. Pour les entreprises plus structurées, nous avons renforcé les capacités d’action de la SOFIDEP, notamment en capital investissement, afin que les hauts de bilan soient renforcés.
Avec les représentants du monde économique, désormais pleinement associés, nos services techniques ont tenu une première série de rencontres courant juillet, afin de dresser un point de situation à mi-année et de proposer des mesures d’ajustement le cas échéant. Je crois à cette méthode ! Elle incarne le discours que nous portons : « nous nous en sortirons collectivement, solidairement, en nous écoutant et en apprenant les uns des autres ».
Dans les prochaines semaines, le plan de relance va entrer dans une nouvelle phase de déploiement plus intense car nous disposons désormais des moyens de nos ambitions. Nous avons finalisé les discussions avec l’État sur le prêt garanti numéro 2 auprès de l’Agence française de développement. Grâce à cet apport externe conséquent, nous parlons tout de même de 36 milliards, notre plan de relance est financé.
Vous le voyez, en dépit des aléas de cette crise sanitaire, en dépit de cette nouvelle vague, nous avons tenu le cap et sommes résolus à ne pas dévier de trajectoire. 2020 fut une année de sauvegarde, 2021 est une année mixte, 2022 sera l’année de la relance par l’investissement, de soutien à l’offre qui dynamisera la compétitivité de nos entreprises et donc l’emploi.
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Sur les soutiens à l’emploi et aux entreprises, nous avons fait ce qu’il fallait.
Par les mesures d’aides à l’emploi, le DIESE, le DESETI, la CSE, nous avons évité un choc social massif. Nous avons stabilisé nos emplois et rendu la reprise possible. Certes, le coût fut conséquent, mais maintenir notre tissu économique s’est avéré moins onéreux que de le reconstruire.
Si nous avions laissé nos entreprises tomber comme des dominos, je vous garantis qu’il nous aurait fallu ajouter quelques zéros supplémentaires à nos inscriptions budgétaires pour rebâtir.
En matière d’emploi, le Plan de Sauvegarde de l’Économie mis en place par le Pays en 2020 a produit les effets escomptés : ceux de maintenir les emplois menacés par les effets de la pandémie.
Pour rappel, en 2020, 12 milliards ont été consacrés par le Pays à l’emploi – contre 5 milliards en année dite normale – dont près de 6,5 milliards de mesures exceptionnelles afin de soutenir les entreprises et leurs salariés en réduction du temps de travail du fait des conséquences de la crise sanitaire.
Les premiers mois de 2021 marquent une progressive sortie de crise du marché de l’emploi. On constate en effet que le niveau des offres de recrutements déposées au SEFI se rapproche des bons résultats de 2019.
En 2021, après s’être légèrement tassé au cours du 1er trimestre, l’emploi reprend sa progression lente à des niveaux supérieurs à ceux constatés en 2020. Pour le premier semestre, ce sont près de 12 000 personnes soutenues par les mesures exceptionnelles de soutien à l’emploi pour un coût total de 6,6 milliards XPF.
Nous savons d’ores et déjà que l’atterrissage 2021 entre les mesures de droit commun et les mesures exceptionnelles sera de l’ordre de 15 milliards au titre du FELP.
Au total, vous relèverez que les aides à l’emploi se montent sur deux ans à 27 milliards de F CFP. A ceux qui disent que le gouvernement ne fait rien, j’ose espérer que ces chiffres démontreront les efforts et l’engagement réel du Pays envers nos familles.
Par ailleurs, nous poursuivrons la mise en œuvre de la loi relative à la promotion et à la protection de l’emploi local.
De nombreux témoignages me sont parvenus ces derniers mois sur l’installation de nouveaux arrivants à la recherche d’un emploi et souhaitant s’installer en Polynésie. Cela me préoccupe et confirme l’intérêt à finaliser rapidement la mise en œuvre de ce texte fondamental sur la protection des emplois en faveur des Polynésiens.
Les membres de la Commission tripartite de l’emploi local ont été désignés. L’observatoire de l’emploi au sein du SEFI est en cours de création avec l’arrivée en juin dernier d’un ingénieur statisticien. Un recueil statistique doit permettre de mesurer les pratiques d’embauche au travers de la Déclaration préalable à l’embauche (DPAE) dont le formulaire a été récemment adapté comportant désormais une identification du métier exercé. Le suivi statistique des déclarations préalables permettra ainsi de mettre en relation, de façon anonyme, le métier exercé, la branche d’activité et l’ancienneté d’attribution du numéro d’inscription DN à la CPS.
Nous espérons dans le courant du 1er semestre 2022 prendre le premier arrêté fixant la liste des activités professionnelles soumises à une mesure de protection de l’emploi.
Par les aides à l’investissement, il est indéniable que cette mesure économique a bénéficié à bon nombre, et permet de maintenir une activité élevée du secteur du bâtiment en 2021 et pour 2022.
Les mesures d’accompagnements via les crédits d’impôts et autres défiscalisations, permettent d’accompagner tous les pans de l’économie avec en particulier le secteur du BTP. Ce secteur particulier verra des grues de chantiers sortir de terre dans les prochains mois.
Les services administratifs d’instructions techniques se sont mobilisés plus que jamais. Je suis fier de ce que nous avons entrepris, car tout ceci a été possible grâce à des ordonnancements et des liquidations des dépenses en temps et en heure, des mesures de facilitation à destination des entreprises, les reports d’échéance, la levée des majorations et pénalités, et, plus généralement, la bienveillance de notre administration.
Je ne voudrais pas citer ces services ou établissements, car tous ont une place particulière, unique mais indispensable au bon fonctionnement, mais vous les aurez tous reconnus.
Ces services souvent décriés, ont su suivre et se mettre en ordre de bataille pour répondre à l’urgence. Je voudrais, ici les en remercier publiquement.
Vous le voyez, l’économie, le social et le sanitaire ne s’opposent pas, ils forment : un tout, un ensemble, un collectif.
Dès le début de cette crise, nous avons voulu impérativement soutenir le pouvoir d’achat des familles via le relèvement temporaire des allocations familiales des ressortissants du régime de solidarité. Nous avons mis en place le renouvellement automatique de l’affiliation pour les personnes en fin de droits. Cette mesure sera poursuivie tant que de besoin.
Les aides sociales ont été amplifiées. Je n’oublie pas la forte mobilisation des communes pour soutenir nos familles. Je veux également remercier toutes les associations dont l’investissement constant et bénévole a permis de compléter nos actions et nos efforts, et de faire en sorte qu’aucun polynésien, qu’aucune polynésienne, ne reste sur le bord du chemin.
Dans cet élan de solidarité, nous avons finalisé l’affectation d’un terrain de 1500 m2 à l’association Te Vaiete pour la construction d’un Centre de jour.
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Nous aurons, à l’occasion de l’examen du Rapport d’orientation Budgétaire, de décliner l’ensemble des nombreuses actions engagées par les différents ministères.
Mais, je me dois d’évoquer un sujet essentiel de la dignité des familles, celui du logement.
En l’espace d’un an, l’OPH a livré 4 résidences, soit 80 logements entre Tahiti et Moorea. Actuellement, 11 opérations sont en construction ou rénovation sur l’île de Tahiti, totalisant 458 logements, dont 72 qui seront livrés dans le courant des 6 prochains mois. 12 opérations pour 498 logements ont obtenu leur permis de construire et sont en phase d’études.
En parallèle dans les archipels, 222 parcelles sont en cours de viabilisation. Destinées à la location-vente pour la construction d’un fare OPH, elles visent à limiter l’exode des populations natives des îles vers Tahiti en les incitant à s’y installer durablement.
353 fare OPH sont prévus en livraison pour l’année 2021 dans le cadre du programme « 1500 fare ». Des réhabilitations pour 70 logements sont en phase études et l’aménagement du plateau de VAIHIRIA, avec des équipements sportifs, attend sa conformité d’ici la fin du mois de septembre.
Le montant total de ces travaux s’élève à 14 milliards F CFP, avec une participation de l’Etat et du Pays dans son financement.
Je compte amplifier cette démarche en accroissant l’effet de levier sur ces opérations de logement, via l’utilisation de la défiscalisation nationale et la mobilisation de fonds d’épargne à très long terme, 40 ans, proposés par la Banque des Territoires. Cela permettra aux jeunes ménages, débutant dans la vie professionnelle, d’accéder plus facilement à la propriété.
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Ces efforts, avec le gouvernement, je les poursuivrais tant que cela sera nécessaire car j’ai une responsabilité vis-à-vis de ma population et j’entends l’assumer pleinement.
Et, parallèlement, il m’incombe de préparer l’avenir. Soyez assurés que je m’y emploie avec l’ensemble du gouvernement et vous en verrez, au cours de cette session budgétaire, la traduction concrète.
Les orientations politiques et budgétaires qui vous seront présentées s’inscrivent dans notre programme de mandature, sur lesquels nous nous sommes engagés devant les électeurs en 2018.
Je vous en rappelle les 3 axes.
Le premier demeure notre priorité, c’est le social, fondé sur la nécessité de rendre la Polynésie plus solidaire et équitable en mettant en œuvre un plan d’urgence pour lutter contre la marginalisation d’une partie de la population, en facilitant l’accès aux besoins sociaux essentiels et en assurant la viabilité à long terme de notre protection sociale généralisée.
Le deuxième axe est celui de la modernisation de la Polynésie, la simplification administrative et la révolution digitale dans laquelle nous devons entrer résolument. Nous devons tirer les leçons de notre expérience de gestion d’une pandémie et je retiens que le télétravail, le téléenseignement et enfin la télémédecine offrent des opportunités réelles de revoir notre mode d’organisation et nos contraintes de déplacement. Aussi, cette évolution vers un monde numérique devient aujourd’hui une véritable priorité qui doit accompagner avec les transitions énergétiques et environnementales.
Le troisième axe est celui du recentrage de notre économie sur nos moteurs de croissance, le tourisme et l’économie bleue et verte. Ils doivent devenir les locomotives économiques de la Polynésie de demain et à ce titre, être fortement soutenus.
Voici, en quelques mots, le message que je tenais à vous délivrer aujourd’hui et que je résumerai en cette seule phrase : au cœur de cette tempête, le gouvernement tient d’une main ferme le gouvernail de notre pirogue, il maintient le cap qu’il s’est fixé et accélère le changement pour mieux anticiper les bouleversements mondiaux qui se précisent.
Et que Dieu bénisse notre Pays.
Je vous remercie de votre attention.