2 JUILLET 2021

(Verbatim du Président de la République)

« Nous ne sommes plus dans l’hypothèses de la bombe propre »

« Nous savons donc que ces essais ont eu des conséquences sanitaires, environnementales, sociétales et économiques »

« Il nous faut accepter la responsabilité des préjudices sur la santé et des obligations que la justice impose »

«Il s’agit donc d’un changement de paradigme pour passer de l’évitement à l’acceptation et au traitement des critiques » 

 

(Verbatim du Ministre des Outremer)

« Quand on assume, on prend ses responsabilités »

1 – Remerciements

Au nom de la Délégation polynésienne Reko Tika, nous voulons tout d’abord remercier le Président de la République qui a bien voulu lancer cette opération « vérité et justice » sous la forme d’une Table ronde de haut niveau sur le nucléaire. En effet, cette rencontre de haut niveau est la traduction concrète de notre échange du mois  de mars dernier.

Le Président Macron et moi-même avons ressenti la nécessité de faire toute la lumière sur le sujet nucléaire, avec transparence, sincérité et honnêteté. Ce sujet, il l’a compris, n’a pas qu’une résonnance en Polynésie, mais aussi en métropole voire à un niveau international.

Je tiens à remercier l’Etat pour avoir réuni autant d’experts et de hauts responsables de l’Etat qui sont venus préciser, développer, expliciter et décliner les orientations positives délivrées par le Président de la République.

A ce titre, cette table ronde traduit une volonté de changement, changement de paradigme, changement dans l’esprit de communication et de dialogue. Je fais le vœu que ce soit un nouveau départ et non pas un événement fort mais isolé dans l’approche du fait nucléaire au sein de la République.

J’ai formulé le souhait de voir nommer un interlocuteur permanent de haut niveau sur toutes ces questions avec qui nous pourrons continuer de mobiliser toutes les expertises nécessaires.

***

Alors, au bout de ces deux jours de discussion, avons-nous atteint nos objectifs de vérité et de justice ?

2- Tout d’abord sur le volet Archives et mémoires.

Nous pouvons affirmer que nous sommes satisfaits des présentations, des informations et des réponses qui nous ont été faites. Désormais, nous avons compris que toutes les archives seront disponibles, mis à part les données dites « proliférantes ». Ces informations sont celles strictement liées à des secrets de fabrication de l’arme nucléaire.

A cet égard, il y aura bien un processus de large déclassification des archives sur le nucléaire en Polynésie.

Un Comité sera chargé, avec un panel d’experts, d’extraire les données et les informations hautement confidentielles pour la sécurité de la Nation, voire du monde, et qui se trouvent encore dans ces archives. Ce travail démarrera en septembre 2021. Des moyens humains seront mis à disposition afin de libérer au plus tôt ces archives dites communicables.

Au nom de la délégation Reko Tika, j’ai demandé au Président de la République d’envisager d’inclure un représentant de la Polynésie au sein de ce comité. Le Président de la République s’est dit favorable à notre demande.

En outre, nous avons demandé d’être informés le plus régulièrement possible, de l’avancée des processus de déclassification. En effet, les blocages administratifs constatés dans l’accès des archives ont retardé les travaux de recherche des universitaires que la Polynésie française a mis à contribution. Ces travaux de recherche vont notamment servir au centre de mémoires.

Le Président et la Ministre ont pris acte de nos requêtes avec toute la bienveillance, en conformité avec la hauteur de l’exercice de vérité et de justice.

3 – Le volet sanitaire et de l’indemnisation des victimes

Les éminences scientifiques qui nous ont fait l’honneur de nous exposer l’état des sciences et leur appréhension du dossier polynésien ont conclu à la complexité du sujet des maladies radio-induites. Elles concluent également à la faiblesse des données, mais aussi à la faiblesse des échantillons de nos groupes de populations concernées pour en déduire des éléments intangibles à même de simplifier l’œuvre de réparation souhaitée encore hier par le Président de la République. Cela reste, comme vous le savez un sujet pour nous.

Si la science ne permet pas d’affirmer davantage le lien automatique entre les pathologies, l’exposition des populations et les essais atmosphériques en particulier, pourrions-nous imaginer à l’inverse que la bombe n’ait produit aucune conséquence sur la santé des populations ?

Le Président de la République l’a bien affirmé encore hier : il y a eu des conséquences sanitaires. La thèse de la bombe propre ne peut plus être acceptée.

Le Président a annoncé de nombreuses mesures positives attendues tant sur le plan de la santé que sur les perspectives d’une meilleure couverture sanitaire de nos îles mais aussi sur la  création d’un pôle d’excellence pour le traitement du cancer. Ces propositions particulières nous réconfortent pour l’avenir.

Le volet des indemnisations doit faire l’objet de toutes nos attentions. Il faut faciliter la constitution des dossiers et je soutiens le renforcement des moyens « pour aller vers » nos populations susceptibles de demander une indemnisation.

Aussi, la mise en place d’un guichet unique avec des moyens renforcés sera effective. Ainsi, nos familles polynésiennes qui souhaitent déposer un dossier auprès du CIVEN seront grandement aidées grâce aux agents itinérants qui pourront aller vers les îles et leurs populations touchées par une maladie radio-induite. C’est un droit pour ces familles que de constituer un dossier de demande d’indemnisation.

Par ce nouveau souffle annoncé, les crédits d’indemnisation seront abondés et augmentés.

Il faut être clair, comme l’a été le Président hier. Les chiffres du CEA sont patents au regard des retombées des 6 essais aériens et de l’exposition des populations des Gambiers, de Tureia mais aussi d’une partie de l’île de Tahiti bien au-delà du seuil fixé par la Loi.

Ce constat doit nous amener à simplifier l’indemnisation des personnes ayant habité ces îles à ces périodes et déclenchant un cancer répertorié dans la liste des maladies radio-induites. C’est un acte de réparation majeur et attendu par les Polynésiens dans cette œuvre de Vérité et de Justice qui nous anime tous.

Je suis confiant dans le discernement et l’empathie du Président de la République qui est comme nous tous affecté par ces faits de l’Histoire. Cette œuvre de réparation tient à la fois du symbole mais aussi de la juste reconnaissance des risques auxquels nos habitants ont été exposés conformément aux analyses qui nous ont été présentées.

Le délai permettant aux ayant-droits et aux victimes de déposer un dossier d’indemnisation sera prolongé. La loi sera modifiée en ce sens.

Le principe de remboursement de la Caisse de Prévoyance Sociale est acté. Un groupe de travail sera mis en place entre la CPS et la Caisse nationale d’assurance maladie afin de déterminer les modalités de ce remboursement.

Sur la transmission trans-générationnelle, une veille active sur les connaissances et les études à venir sera exercée.

Sur le plan des soins, il est envisagé une facilitation du parcours des malades, la création de l’Institut du Cancer de Polynésie en pôle d’excellence, la mise en place d’un registre du cancer et de l’Institut du Cancer de Polynésie avec l’appui de l’Institut National des Cancers.

4 – Le volet des effets sur l’environnement, sur la société et sur l’économie

Les atolls de Moruroa et de Fangataufa resteront des bases militaires afin d’assurer leur protection environnementale et sécuritaire. L’idée de développer un observatoire de la faune et de la flore de ces atolls confinés a été discutée et a suscité l’intérêt de l’Etat. Cette idée mérite d’être approfondie.

La commune de Hao demande instamment un démantèlement des anciennes constructions militaires pour remettre en état le site.

Les terres polluées d’un volume avoisinant les 130 000 m3 de terres polluées d’origine industrielle (plomb, métaux lourds, ….) doivent être traitées. Ce sujet déjà ouvert depuis plusieurs années, a de la peine à trouver une issue consensuelle. Il a été décidé, avec une nouvelle volonté d’aboutir sur ce dossier conflictuel, de mettre en place un groupe de travail Etat-Pays pour décider des meilleures solutions techniques à proposer pour en finir avec la dépollution de l’atoll de Hao avant la fin de septembre 2021.

Cette dépollution prévue dans les accords de l’Elysée, est une nécessité afin de de redonner une vie normale économique et sociale à ce village qui a le sentiment d’avoir été abandonné et oublié.

Conclusion

Je me trouve à la fin de ces deux jours de présentations et de débats, satisfait de l’exercice que nous avons mené car il amorce cette nouvelle ère, ce nouveau paradigme souhaité par le Président de la République, changement que j’appelle de tous mes vœux depuis 2014.

Des décisions importantes et utiles ont été prises en matière d’accès aux archives, d’amélioration du système d’indemnisation des victimes et de la CPS, de la coopération médicale autour de l’oncologie et de la mise en place du futur Institut du cancer.

Je reste encore un peu soucieux sur le sujet des indemnisations comme développé tantôt. Nous pouvons et devons aller encore plus loin à mon sens, mais je note les réelles avancées à l’issue de cette table ronde.

Je suis enfin confiant car le Président de la République vient en Polynésie française dans quelques semaines et je suis certain que le temps qui nous sépare de ce voyage sera mis à profit par tous les participants à cette table ronde pour faire encore prospérer les réflexions et proposer des actions complémentaires qui seront nées des débats fructueux que nous avons nourris.

C’est ainsi que la Vérité et la Justice poursuivront leur cheminement sur les rails de la reconnaissance et de la réparation. C’est tout le souhait que je formule au nom de notre Délégation Reko Tika et au nom de tous les Polynésiens.