PARIS 1 JUILLET 2021
Monsieur le Président de la République,
Madame, messieurs les Ministres,
Mesdames, messieurs,
Chers amis,
La Délégation REKO TIKA qui m’accompagne est composée d’une vingtaine de personnalités polynésiennes de toute origine et en son nom, je vous adresse à tous nos salutations les plus chaleureuses, tout particulièrement à vous, monsieur le Président de la République, sans qui cette initiative historique n’aurait pas vu le jour.
Nous vous remercions sincèrement pour ce moment d’écoute mais aussi d’échange qui, comme vous le savez, intéresse au plus haut point la plus grande partie de nos compatriotes qui ont été directement ou indirectement concernés voire affectés par les conséquences des 193 essais nucléaires
J’avais indiqué à votre prédécesseur, lors de sa visite au mois de février 2016, l’amertume que nous ressentions vis-à-vis de l’Etat en évoquant, de manière imagée, « l’éternel caillou dans la chaussure » que représente le fait nucléaire dans les relations État – Polynésie française.
Certaines aspérités qui faisaient partie de nos doléances de l’époque ont, certes, été gommées, notamment le nombre de victimes indemnisées et le soutien financier que l’Etat a apporté au Centre hospitalier de Polynésie française pour les équipements destinés aux traitements des cancers. Mais force est de reconnaître à ce jour que malgré ces efforts, la plaie reste béante et encore sensible.
Il est utile de rappeler à nos amis métropolitains, ici présent, que le nucléaire est un sujet qui a impacté toute la société polynésienne, tous les archipels de Polynésie, et toutes les femmes et tous les hommes de Polynésie durant 30 ans. C’est donc un débat qui a une résonance forte sur toute la Polynésie.
Monsieur le Président de la République, nous sommes tous les deux responsables de l’exécutif de nos Pays et nous seront tous les deux jugés sur nos résultats.
Par notre présence commune en cet instant historique, nous sommes directement liés et impliqués sur ce sujet très sensible du nucléaire en Polynésie Française, avec une obligation de résultats. Je ne peux que prier au succès de cet exercice de vérité et de justice que nous sommes en train de mener.
Depuis notre dernière rencontre à la fin du mois de mars, nous nous sommes attelés à nous préparer à ce rendez-vous.
Je tiens d’ailleurs à exprimer ma plus profonde gratitude aux membres de notre délégation REKO TIKA car ils se sont, chacun et chacune, profondément investis sur le sujet nucléaire et ce depuis de très nombreuses d’années. Ils ont mis de côté ce qui les oppose pour retenir ce qui est essentiel pour notre Pays et c’est avec courage et fierté qu’ils sont venus de si loin vous exposer leurs ressentis et leurs visions d’un avenir plus serein.
Je remercie aussi les chevilles ouvrières qui se sont livrées au travail d’animation des divers ateliers tenus sur place, sans oublier le défi que représentaient l’unification et l’harmonisation des multiples propositions. Nous y sommes parvenus et je remercie avec une mention spéciale M. Joël ALLAIN qui a coordonné les travaux de la délégation et Mme Yolande VERNAUDON, qui est la responsable de la Délégation polynésienne pour le suivi des conséquences des essais nucléaires.
Même si certaines composantes de la délégation sont absentes en cet instant, et je le regrette, il n’en demeure pas moins que les propositions qui seront présentées, sont partagées par tous, y compris par les absents.
Monsieur le Président, « vérité et justice », sont des mots sacrés pour les Polynésiens.
De ce fait, il y a une attente forte chez nos compatriotes polynésiens mais aussi et surement du peuple de France, dont nous faisons partis.
Nous devrons avoir la certitude, qu’à la fin de ces deux jours de rencontre et d’échanges, le caillou qui nous gêne depuis si longtemps puisse être enlevé.
Il le sera nécessairement avec la bonne volonté qui vous anime et qui nous anime tous, mais aussi et surtout par votre soutien. Oui, votre soutien sera nécessaire.
Ce matin, nos travaux ont été enrichissants pour tous. Les propos tenus par madame la Ministre ont donné le ton de cette Table ronde. Ils nous poussent à croire que les choses vont évoluer. Nous avons parlé d’évolution, de nouvelle politique, de transparence, de clarté, de sincérité, de regard de vérité, d’apaisement, etc.
C’est ce que nous sommes venus chercher et c’est ce que nous voulions entendre.
C’est aussi ce que nous voulions voir se réaliser, pas demain, ni après-demain, mais rapidement.
Aux bonnes intentions annoncées, doivent se joindre rapidement les moyens humains et financiers pour rendre tout cela vrai et concret. L’accès aux archives en dépend. C’est le sujet central de nos discussions de ce jour.
Les archives sont énormes. Il faut les trier, retirer les vrais documents proliférant afin que les archives soient accessibles au plus tôt.
A cet égard, nous souhaitons suivre la progression réelle de ces travaux. J’ai exprimé le vœu que la Polynésie soit membre du comité qui sera chargé de faire ce toilettage des documents proliférant. Nous nous remettons à votre arbitrage et à votre autorité.
Ainsi, de tout cela, vous pourrez en rendre compte directement aux Polynésiens lorsque vous viendrez nous rendre visite le 25 juillet prochain.
Si ces espoirs deviennent enfin réalité, vous verrez couler nos larmes de joie. Alors, nous pourrons marcher, ensemble, plus droit et sans gêne, parce que vous nous aurez aidés à faire disparaître définitivement ce qui nous trouble.
Sur chacun des trois volets abordés, à savoir ; mémoires et histoire, effets sur la santé, et effets sur les territoires, nos rapporteurs porteront la voix de la Polynésie. Les propos qui vous seront délivrés durant les 2 jours, ont reçu une approbation consensuelle du groupe. Ils engagent donc toute la délégation.
Cela n’empêchera pas évidemment, lors des débats qui suivront, que chaque participant puisse exprimer librement son opinion.
Monsieur le Président, notre délégation est venue à vous avec humilité, honnêteté et dignité.
Je vous rassure, nous ne sommes pas venus avec une posture revancharde sur le passé. Nous ne sommes pas venus quémander. Mais, nous ne supportons plus la méfiance ou le mépris de certains responsables de l’armée ou des acteurs du nucléaire.
Nous sommes venus chercher les moyens de panser nos cicatrices. Nous sommes venus chercher l’apaisement de nos esprits, par la vérité et la justice. Enfin, nous sommes venus avec un regard résolument tourné vers l’avenir et vers les générations futures qui espèrent que nous leur laissions un Pays apaisé des péripéties de son passé, un Pays dont l’environnement a été sauvegardé, et enfin un Pays où ils pourront vivre avec dignité dans le respect de leur culture ancestrale.
Monsieur le Président, nous sommes devant vous parce que nous avons confiance en vous ; parce que nous sommes convaincus que vous êtes aussi un REKO TIKA, c’est à dire un homme à la parole vraie et droite.
Je vous remercie.