Après plus de 50 années d’existence, le régime de retraite des salariés polynésiens est en grande difficulté.
Ceci est dû à plusieurs facteurs, dont l’un des principaux se traduit paradoxalement par une amélioration de la situation sanitaire de la population, par un allongement notable de l’espérance de vie tout en figeant un âge de départ à la retraite fixé depuis l’origine à 60 ans.
L’engagement pris était de garantir aux salariés en fin d’activité un revenu de remplacement décent lors du passage à la retraite.
Je souhaite ici vous rappeler les conditions d’alors qui ont amené la création de la retraite.
L’activité salariale créée par la compagnie des phosphates de Makatea était en déclin. Ceux qui ne pouvaient trouver du travail en Polynésie quittaient notre Fenua pour s’engager dans l’exploitation du nickel en Calédonie, les plus chanceux intégraient l’administration ou le CEP. Le reste de la population ne disposait pas ou peu de couverture sociale. Les notions d’âge de départ à la retraite ou de durée d’activité n’étaient pas au cœur des préoccupations de la population. Bien au contraire, celle-ci avait intégré la volonté de travail comme le fondement de la société polynésienne. Le minimum vieillesse n’existait pas, continuer l’activité au-delà de 60 ans était de mise notamment pour ceux exclus de la protection sociale naissante.
Les responsables politiques de notre Fenua qui se sont alors succédé ont tous été visionnaires.
Dès 1961, l’Aide aux vieux travailleurs salariés (AVTS) est instituée. Puis en 1982, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), suivi de l’allocation complémentaire de retraite (ACR), qui ont permis la garantie d’un revenu de fin d’activité aux matahiapo.
Les prestations vieillesse ont évolué au fil du temps, au fil des situations sociales des familles. Nous étions alors en position de plein emploi.
Depuis lors, la Polynésie n’a cessé de réaffirmer son attachement à la solidarité et celles plus particulière entre les générations. C’est l’essence même du régime de répartition des retraites.
La crise est arrivée, écrasant au passage plus de 8 000 emplois avec son cortège de précarité.
J’ai bien conscience que le redressement de la branche retraite passera aussi par la concrétisation d’une politique de l’emploi ambitieuse dont nous pouvons noter les prémices encourageants. J’ai également conscience du soutien qu’apportent nos retraités à l’adresse de leurs enfants et petits enfants face aux difficultés de recherche d’emploi.
Mais la crise n’est pas la seule responsable de la situation actuelle des retraites. Nous avons tous notre part de responsabilité.
Dès 1993, le Conseil d’administration de la CPS proposait de financer l’ACR par une participation du Territoire à hauteur de 1/3, par celle de l’Etat pour 1/3 et le dernier tiers par la CPS. Cette demande est restée sans effet. Et pourtant, le déficit était déjà ancré !
Mais il y avait des réserves et les administrateurs les utilisaient pour financer la branche déficitaire de l’Assurance maladie. Il n’y avait donc pas péril en la demeure pour la retraite.
Oui mais les réserves de la retraite se sont épuisées pour arriver aujourd’hui à une viabilité du financement de la retraite A à 15 mois. Ce n’est pas moi qui le dit mais les experts en charge du contrôle des comptes du régime général des salariés.
Je vous rappelle que la gestion de la retraite est de la compétence des partenaires sociaux siégeant au Conseil d’administration du régime des salariés. Ont-ils assurés correctement leur rôle de gestionnaire, ceux là même qui ont laissé filer 3 milliards de déficit par an, avec un déficit cumulé de 36,5 milliards de 2009 à 2018 ?
Et pourtant en 2010, dans un sursaut de clairvoyance, le CESC, par la voix du rapporteur de l’autosaisine portant sur les conditions et modalités de départ à la retraite, Mr Patrick Galenon (recommandation N°62), demandait une action immédiate.
La commission retraite interne de la CPS se réunissait jusqu’en 2015, les Conseils d’administration se sont tenus à la cadence d’un par mois, pour finalement ne rien proposer sur la réforme des retraites.
Je ne peux laisser faire. Les discussions depuis 3 ans ont suffisamment duré.
Ma première responsabilité est de garantir à tous nos aînés une fin de vie digne, c’est-à-dire de préserver ce qu’ils reçoivent aujourd’hui.
Je ne veux pas être celui qui, dans 15 mois devra leur dire qu’ils ne toucheront plus que 50% de leur retraite
Je ne veux pas être celui qui, dans 15 mois dans l’urgence augmentera les cotisations de la retraite de manière insupportable, pour leur garantir leurs acquis.
Je ne veux pas être le fossoyeur de la retraite.
J’assume pleinement ce début de réforme de la retraite dont la continuité sera portée par les partenaires sociaux au sein de le Conseil d’Orientation et de Suivi des Retraites –COSCR-
Je resterai extrêmement vigilant, et le gouvernement prendra les décisions qui s’imposent dans l’hypothèse où le COSR ne fera aucune proposition.
Nous sommes tous aujourd’hui responsables de nos aînés et demain de nos enfants. C’est pour cela aussi que 60.000 électeurs m’ont fait confiance et nous ont élu au sein de cet hémicycle.
Au-delà des lois du Pays, des arrêtés, des règlements, retrouvons notre âme polynésienne par le sens du partage de l’effort et du regard posé sur l’autre.