ALLOCUTION DE EDOUARD FRITCH

PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE

RECEPTION EN L’HONNEUR DU MINISTRE DARMANIN

PRESIDENCE DE LA POLYNESIE FRANCAISE

LUNDI 30 JUILLET 2018

 

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Haut-Commissaire,

Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française

Monsieur le Vice-président,

Mesdames et messieurs les Ministres,

Mesdames et monsieur les députés,

Madame et monsieur les sénateurs,

Mesdames et messieurs les Représentants,

Monsieur le Maire de Papeete,

Mesdames et messieurs les Maires,

Amiral,

Monsieur le Conseiller économique, social et environnemental,

Monsieur le président du Conseil économique, social et culturel,

Mesdames et messieurs les hauts fonctionnaires de l’Etat

Mesdames et messieurs les hauts fonctionnaires du pays,

Mesdames et messieurs les responsables des confessions religieuses,

Mesdames et messieurs,

 

Chers amis,

 

 

 

Monsieur le Ministre, c’est avec une immense joie et un grand privilège que nous avons l’honneur de vous accueillir à la présidence de la Polynésie française.

 

Vous le savez tout autant que nous, vous êtes le premier ministre en charge du budget de la République à faire un voyage officiel dans notre collectivité.

Votre présence parmi les polynésiens est, selon nous, un signe supplémentaire fort de la confiance retrouvée entre les autorités de l’Etat et celles de la Polynésie française.

 

Veuillez transmettre au Président de la République et au Premier Ministre, nos vifs et chaleureux remerciements pour leur soutien et leur attention bienveillante à l’égard de la Polynésie française.

 

Je vous remercie également d’avoir amené avec vous, le Directeur général des douanes et droits indirects, monsieur Rodolphe Gintz, ainsi que le chef du service juridique de la fiscalité, monsieur Edouard Marcus.

 

Monsieur le Ministre, venir en Polynésie française est la seule façon d’appréhender les réalités de cette collectivité au-delà des clichés ou des préjugés parfois tenaces à notre encontre.

 

Vous avez eu un séjour dense et marqué par des sujets très variés qui tournent notamment autour des finances publiques, de la défiscalisation et de la Douane.

 

A cet égard, je suis heureux d’avoir pu distinguer deux douaniers et trois gendarmes qui ont activement participé aux opérations de saisie de plusieurs centaines de kilos de stupéfiants aux Marquises. Ces distinctions au travers de l’ordre de Tahiti Nui sont des encouragements à lutter sans concession contre ces trafiquants internationaux et ces semeurs de mort et de souffrance.

 

Je vous exprime, monsieur le Ministre, toute ma gratitude et ma reconnaissance pour le travail accompli par vos fonctionnaires.

 

Je voudrais également remercier la gendarmerie qui fut aux côtés des douaniers, sur le terrain, au cœur des opérations de saisie pour neutraliser les trafiquants. Ce sont des opérations périlleuses qui méritent toute la reconnaissance de notre société.

Ce soir, vous êtes au terme de votre voyage officiel. Nous espérons vous avoir éclairé sur nos désirs sincères de développement et notre volonté de modernisation de notre Pays.

 

Depuis le début de mon mandat, il y a un peu moins de quatre ans, nous avons pris en main le redressement économique et social de notre collectivité.

 

Nous avons montré qu’une gouvernance bâtie sur l’intérêt général et le rassemblement non partisan des élus de proximité, que sont les maires et les conseillers municipaux, peut ramener la Polynésie française sur le chemin de la croissance et de l’apaisement politique et social. Nous l’avons fait et nous avons également montré que notre gouvernance est en rupture avec celles du passé.

 

J’ai appliqué une conviction simple : le rassemblement et le dialogue valent mieux que l’affrontement et le rapport de force systématique.

 

C’est aussi cette attitude que j’ai adoptée avec l’Etat, qu’il s’agisse des relations avec le représentant de l’Etat en Polynésie française ou qu’il s’agisse des autorités centrales situées à Paris. Et je vous rassure, il n’y a pas d’hypocrisie dans ces relations ; il y a uniquement le désir de construire ce pays dans la paix et la prospérité. Et pour cela, il faut faire preuve d’écoute, de patience et de conviction. C’est ma manière d’agir et celle de notre majorité.

 

Nous reconnaissons avoir été de mauvais élèves durant une longue période, période d’instabilité politique due à nos propres turpitudes.

 

Toutefois, malgré les grandes difficultés économiques et sociales constatées durant cette période, les polynésiens n’ont jamais créé de troubles sociaux ou pressé l’Etat de venir régler nos difficultés politiques. Au contraire, les polynésiens ont assumé la responsabilité de leur propres choix, presqu’en silence. Oui, nous avons assumé notre Autonomie politique sans nous plaindre auprès de l’Etat.

 

Nous avons voulu cette Autonomie au sein de la République. Nous la voulons plus que jamais et nous ferons tout pour la préserver.

 

C’est à notre sens la seule forme institutionnelle garante de notre identité tout en cheminant dans notre intégration au sein du Pacifique, de l’Europe et dans la mondialisation.

 

Je dirai que l’Autonomie, ce n’est que du bon sens. Un bon sens qui permet le respect, la confiance et la responsabilisation à long terme. C’est aussi une forme institutionnelle qui écarte la soumission ou la docilité pour donner la place à un partenariat responsable.

 

Comme vous le savez, nous souhaitons faire évoluer notre Statut en apportant des modifications et un toilettage qui sont devenus indispensables parce que la société polynésienne a évolué, et que dans la pratique nous avons constaté des freins, des incohérences, des difficultés d’interprétation pour un exercice optimum de notre Autonomie.

 

Nous ne négocions pas des compétences supplémentaires. Nous ne demandons qu’à mettre noir sur blanc, soit des faits reconnus par l’Etat, tels que la reconnaissance du fait nucléaire, soit des adaptations juridiques et techniques respectueuses de la légalité constitutionnelle.

 

Je sais que vous êtes un homme pragmatique qui recherche l’efficacité. J’ai aussi le même désir. Notre souhait est de mettre de « l’huile juridique » dans nos rouages administratifs afin que la gestion quotidienne de notre collectivité puisse s’exercer d’une manière plus efficace sans avoir à alourdir inutilement un arsenal administratif qui coûte cher et qui agace les citoyens et les contribuables.

 

Monsieur le ministre, c’est vous dire que nous nous attelons à améliorer la situation de notre pays.

 

Nous avons aujourd’hui un devoir de créer des emplois, de sauver notre système de protection sociale et de loger convenablement nos compatriotes polynésiens. C’est autour de ces défis et de leurs déclinaisons, que nous voulons discuter et établir des partenariats avec l’Etat et l’Europe.

 

La Polynésie française est un pays ouvert sur le monde. Elle partage, avec le monde entier, les mêmes soucis provenant du changement climatique. Elle a un besoin évident d’opérer une transition écologique et une transition énergétique. Elle a un besoin vital d’opérer également une transition humaine et numérique parce que nous sommes la collectivité la plus vaste de la République.

 

Nous avons pris la décision de faire de la continuité territoriale, une réalité.

 

Aussi, pour assurer notre connectivité au reste du monde et à l’égard de nos archipels éloignés, nous avons investi dans le développement du numérique.  Au total, ce sont plus de 200 millions d’euros investis par l’Office des Postes et Télécommunications pour assurer la connectivité de 280 000 habitants dispersés sur une immense superficie.

 

Comme vous le constatez, les coûts d’investissement sont  disproportionnés au regard du faible nombre de consommateurs. Notre géographie éclatée nous impose des frais structurels que nous ne pouvons éviter.

 

A ce titre, un partenariat financier de l’Etat via l’Agence numérique et la défiscalisation, sera bénéfique pour nos populations qui auront une facture moins lourde à supporter. Nous espérons, monsieur le ministre, une écoute bienveillante à cet égard. Je vous fais confiance.

 

Par ailleurs, nous sommes un pays océanique et de ce fait, notre richesse est bleue. Mais, l’océan est encore un monde inconnu, bien que plein de promesses d’avenir pour l’humanité.

 

Seule, la Polynésie française ne peut explorer, exploiter et valoriser les ressources océaniques avec ses propres moyens. Elle a besoin de partenaires privés ou publics, européens ou français, pour engager la conquête du monde marin et sous-marin.

 

A l’heure actuelle, seul un investisseur chinois s’est intéressé à notre ressource océanique et nous l’avons accueilli. C’est la ferme aquacole de Tahiti Nui Ocean Foods, sur l’atoll de Hao.

 

Bien entendu, nous avons commencé à exploiter notre ressource océanique depuis trois décennies, au travers de la perliculture et de la pêche hauturière, avec l’aide de l’Etat.

 

Nous continuerons à soutenir ces deux filières essentielles. La perle noire de Tahiti est unique dans le monde. Nous travaillons pour que sa valeur soit rehaussée.

 

La pêche hauturière est également un secteur essentiel de notre économie. Nous la soutenons parce que la ressource en poissons existe et elle est sous exploitée.

 

Nous avons fait le choix de réserver l’exploitation de notre zone économique exclusive aux pêcheurs polynésiens. Aucun armement autre que polynésien n’est autorisé à pêcher dans notre ZEE.

 

Vous avez visité le Port de Pêche et vous avez constaté que les Polynésiens ont la volonté d’aller pêcher ce poisson, et ce, avec des méthodes durables. C’est pourquoi, nous soutenons fortement ce secteur d’une part, au travers d’une défiscalisation polynésienne, et d’autre part, en tirant les leçons des expériences du passé.

 

Cependant, notre budget ne nous permet pas d’assumer, seul, la défiscalisation de tous les projets actuellement identifiés et exprimés par les investisseurs polynésiens. Nous avons, là aussi, un grand besoin du soutien de la défiscalisation nationale.

 

L’océan est aussi une source d’énergie. Nous sommes heureux que vous ayez pu être sensibilisé au SWAC à Bora-Bora. C’est une technologie propre, durable et pourvoyeuse d’une énorme économie d’énergie pour climatiser nos espaces de vie et de travail.

 

Nous installerons très prochainement cette technologie pour climatiser le Centre hospitalier de Polynésie française pour un investissement de l’ordre de 3,5 milliards de francs.

 

Nous étendrons cette technologie du SWAC, en partenariat avec le secteur privé, pour climatiser certains espaces privés et publics du centre de Papeete. Votre cher collègue, le ministre Sébastien Lecornu, a accordé un vif intérêt à ce nouveau projet de SWAC à Papeete.

 

Si la mer et l’océan sont l’un des atouts majeurs de la richesse économique de notre pays, le tourisme en est un autre. C’est un secteur économique historique de notre pays.

 

Notre géographie, notre environnement, notre climat et l’hospitalité de notre population font que ce pays est fait pour le tourisme. C’est un secteur pourvoyeur d’emplois avec des effets induits positifs sur beaucoup d’autres secteurs tels que la construction, l’artisanat, l’agriculture, la pêche, l’animation, la restauration, le commerce, les transports, etc.

 

Il y a quelques dizaines d’années, lorsque la Polynésie s’était lancée dans le tourisme, son isolement et son éloignement des grands marchés émetteurs étaient des handicaps.

Aujourd’hui, cet isolement est devenu un atout écologique et touristique. Notre destination est devenue attractive pour l’industrie hôtelière et les croisières. Elle est, en outre, sûre et sécurisée.

 

Lors de votre courte visite à Bora Bora, vous avez pu vous rendre compte de la multitude des contraintes pesant sur les hôteliers durant la phase de construction ou pendant l’exploitation pour le transport des biens et des personnes et la gestion des approvisionnements.

 

La destination polynésienne restera chère en raison à la fois de son éloignement des grands marchés émetteurs et de son éclatement interne. Néanmoins, ces coûts structurels peuvent être compensés par l’aide qu’apporte la défiscalisation.

 

Vous avez aussi compris monsieur le ministre que notre insistance à l’égard de la défiscalisation n’est pas un luxe. La défiscalisation est un vrai outil, le seul outil de l’Etat, pour le développement et le soutien à l’investissement privé en Polynésie française.

 

Pour clore, je voudrais, monsieur le Ministre, saluer l’esprit d’ouverture du gouvernement conduit par le Premier Ministre, Edouard Philippe.

 

L’écoute et l’intérêt dont vous faites preuve à l’égard de nos parlementaires et de la Polynésie française, confortent les liens de confiance nécessaires à la stabilité et au progrès de notre collectivité.

 

 

 

 

 

 

 

Nous renouvelons notre invitation d’une part, au Premier Ministre pour la prochaine réunion de l’OCTA, association des Pays et Territoires d’Outremer associés à l’Europe, qui doit se tenir durant le premier trimestre 2019 à Papeete, et d’autre part au Président de la République, pour tenir également à Papeete, le prochain Sommet France-Océanie qui regroupe l’ensemble des Chefs d’Etat du Pacifique.

 

Monsieur le Ministre, dites au Président de la République et au Premier Ministre que les Polynésiens seront ravis et très honorés de les accueillir.                            .

 

Je vous remercie.

 

Je vous cède la parole.