Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française,
Monsieur le vice-président,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les représentants,
Mesdames et messieurs de la presse,
Mesdames et messieurs du public, présents et en ligne,
Chers amis,
Ia Ora Na,
Nous nous retrouvons aujourd’hui, à l’occasion d’une session extraordinaire, pour examiner deux textes majeurs : le premier axe de la réforme de notre protection sociale, et le premier jalon du projet de simplification et de modernisation de notre fiscalité.
Je parle de textes majeurs, notamment parce qu’ils dépassent nettement le cadre temporel habituel.
Aujourd’hui, nous n’allons pas raisonner dans le cadre de l’annualité budgétaire.
Aujourd’hui, nous n’allons pas ajuster quelques articles de textes existants.
En réalité, nous allons dépasser les schémas habituels.
Aujourd’hui, en effet, je vous invite à penser par-delà les prochaines échéances électorales, par-delà les calculs d’opportunité.
Un quart de siècle nous sépare de la fin des années 90, époque à laquelle notre système social, la protection sociale généralisée, et notre fiscalité, ont été imaginés dans leurs versions actuelles. Aujourd’hui, une époque s’achève. Nous changeons de paradigme.
Alors, on m’a dit qu’il était urgent d’attendre. Que toucher à la fiscalité et aux comptes sociaux à la veille de certaines échéances était malavisé. Oui, si mon gouvernement n’était animé que par de simples calculs électoralistes de court terme ; oui, si notre majorité n’était motivée que par la perspective de sa propre réélection, nous aurions adopté la politique de l’autruche.
Ce n’est pas le choix que nous avons fait ! Pour deux raisons : d’abord parce que nous avons choisi d’assumer pleinement la responsabilité qui est la nôtre ; ensuite, parce que nous faisons pleinement confiance dans le bon sens des Polynésiens.
Nous avons une toute autre conception de l’exercice du pouvoir. Une autre vision de notre rôle au service de la société. Une autre soif de servir nos concitoyens et de laisser, derrière nous, un système plus pérenne que celui dont nous avons hérité.
Attendre ! Voilà le conseil qui m’a été prodigué au cours des dernières semaines. Attendre ! Encore et toujours. Après 25 ans d’attente, attendre encore ! Laisses passer les élections me disait-on !
Attendre, comme si la réforme était un fruit qu’on devrait laisser mûrir avant de le cueillir !
Attendre, comme si les choses pouvaient s’arranger d’elles-mêmes avec le temps qui passe !
Je sais bien, en vérité, que la motivation première de cette stratégie d’attente est la crainte de l’opinion publique.
Mais, au fond, que souhaite cette opinion publique ? Voilà la question à laquelle je veux répondre au travers des mesures que je vous propose.
Vous savez, il y a une réalité que je n’oublie jamais : celle du mandat et de la confiance que la population polynésienne m’a confiée pour gérer notre Pays dans la paix, l’honnêteté et l’intérêt général.
Effectivement, le courage n’a pas de saison. Nous n’attendons pas des jours meilleurs ou un climat plus propice à la réforme : nous allons créer ces conditions, nous allons bâtir un édifice solide pour les 30 ans à venir et ainsi préparer un avenir radieux pour nos enfants !
Nous n’attendons pas, nous n’avons plus le temps d’attendre, nous agissons ! Parce qu’il n’y a pas d’autre alternative.
Nous agissons par esprit de responsabilité et de lucidité. Il est temps, je crois, d’ouvrir les yeux.
Notre pacte social s’effrite et nous regardons ailleurs. Notre système social souffre et nous refusons de l’admettre, avec parfois un mélange de déni et d’indifférence. Les comptes sociaux sont en péril, et nous en sommes tous responsables.
Déjà, depuis plusieurs décennies, les signaux d’alerte s’allumaient. Personne ne peut dire, ici, qu’il ou qu’elle ne savait pas. Il nous aura fallu toucher du doigt le précipice, la catastrophe, pour tous nous mobiliser en faveur de cette réforme essentielle.
LA REFORME DE LA PSG : L’IMPOSSIBILE IMMOBILISME
A celles et ceux qui doutent encore de l’intérêt de sauver notre protection sociale, je réponds ceci : notre PSG constitue le capital de ceux qui n’en n’ont pas. Vous savez, les gens qui ont de l’argent n’ont pas besoin de la PSG. Les gens qui sont en bonne santé n’ont pas besoin de la PSG. Notre caisse, elle est là pour tous les autres, ceux qui peinent à joindre les deux bouts, ceux qui sont touchés par la maladie ou ceux qui, tout simplement, font face à des charges familiales conséquentes. C’est pour eux que nous avons engagé cette réforme.
J’ai lu dans la presse que certaines individualités de l’opposition avaient d’autres idées, notamment celles de réduire les dépenses plutôt que d’aller chercher de nouvelles ressources. A ces pères la vertu budgétaire, je veux poser une seule question : à la PSG, où comptez-vous opérer vos coupes budgétaires ?
En réduisant les pensions de retraite, alors que 70% des pensionnés et allocataires perçoivent moins d’un SMIG par mois ?
En réduisant le budget de nos structures de santé, alors de le CHPF accuse un déficit proche du milliard en raison de l’augmentation de son activité ?
En réduisant les allocations familiales, alors que les 7 000 francs perçus par un salarié au SMIG constitue un complément de revenu essentiel à l’équilibre du budget familial ?
En réduisant les aides sociales, alors que la crise touche violemment les plus exposés ? En réduisant l’allocation handicap ?
Où comptez-vous opérer vos coupes budgétaires ?
Comme de nombreux Polynésiens, je suis heureux que la réponse ne dépende pas de ces objecteurs de dépenses car ils nous mèneraient, à n’en pas douter, vers une société où la solidarité n’a plus sa place.
REFORMER LA GOUVERNANCE DE LA PSG POUR ACCROITRE L’EFFICACITE ET LA PRISE DE DECISION
De notre côté, nous avons travaillé sérieusement la question et en sommes arrivés à une réforme en 3 axes, à savoir :
- la gouvernance, dans un souci d’efficacité,
- le modèle économique, dans un souci de soutenabilité,
- et le périmètre des prestations, dans un souci d’équité.
Aujourd’hui, nous examinons le premier axe dédié à la gouvernance. Vous en avez beaucoup entendu parler lors du mouvement social du mois dernier.
Moderniser la gouvernance vise à améliorer la gestion des régimes pour permettre une prise de décision rapide et répondre ainsi à l’impératif de réactivité inhérent aux situations de crise rencontrées depuis mars 2020.
Car, en cette période complexe, il nous faut réagir vite. Je rappelle que, au cours des derniers mois, la cessation de paiement par la CPS n’a été évitée que grâce à l’intervention du Pays qui a injecté 24 milliards de francs pour garantir le service des prestations. 24 milliards ! Rendez-vous compte. Mais, en réalité, nous n’avons gagné que quelques mois de répit.
Au-delà de la gouvernance, la réforme de la PSG se poursuivra tout au long de l’année 2022. Le deuxième pilier de cette réforme passe par la modification du paramétrage des financements de la protection sociale qui permettra un retour à l’équilibre budgétaire. Il s’agit notamment de mobiliser de nouvelles ressources, d’origine fiscale, pour financer les dépenses de maladie.
La maladie est un domaine qui s’envole, malheureusement. Parce que notre population est malade et elle vieillie. Notre population souffre de maladies non transmissibles qui, pour la majorité, sont liées au surpoids et aux mauvaises habitudes alimentaires. Diabète sucré, hypertension artérielle et maladies cardio-vasculaires figurent en tête de pathologies les plus répandues sur notre territoire. Au-delà de la souffrance, tout ceci a un coût.
En 2020, 1 Polynésien sur 6 était en longue maladie. Et un assuré social en longue maladie coûte en moyenne 11 fois plus cher qu’un assuré social de droit commun. Ces personnes en longue maladie représentent une dépense annuelle de 38,5 milliards de francs, soit 70 % des dépenses de maladie pour 18 % des assurés sociaux. Ce sont des chiffres éloquents qui traduisent bien le caractère bicéphale du défi qui se présente à nous : sanitaire et financier.
Ce coût conséquent de la maladie ne peut plus relever des seules cotisations pesant sur l’activité et qui renchérissent le coût du travail. Voilà pourquoi la fiscalité est mobilisée sur le sujet, c’est parce qu’elle est essentielle à la solution. Ce mix de financement traduit également une certaine vision de société. En effet, les cotisations ont, par nature, vocation à financer un système de type assurantiel, tandis que la fiscalité vise à prendre en charge des dépenses de solidarité.
Ainsi, la vieillesse peut être considérée comme relevant d’un principe assurantiel. Ma cotisation en qualité d’actif m’offrira un droit à pension une fois l’âge de la retraite atteint.
Pour la maladie, le paradigme est différent : certains risques ne peuvent pas être assurés. Je pense notamment à la longue maladie, je pense aux accidents, je pense à des pathologies génétiques pour lesquelles, même avec la meilleure volonté du monde, le patient ne dispose d’aucun moyen d’anticiper ou de prévenir. Voilà pourquoi il faut que la solidarité s’exprime, tant au niveau de l’assurance maladie, qu’au niveau de l’assurance vieillesse avec le moni ruau.
Nous veillerons toutefois à un meilleur contrôle des dépenses. Ce sera l’objet du troisième pilier de la réforme qui finalisera l’architecture de notre protection sociale en précisant le périmètre des prestations de chacune des branches. Nous moderniserons ainsi l’approche, les critères mais aussi les contrôles.
A terme, ce vaste projet de réforme trouvera son aboutissement dans la formalisation d’une obligation de présenter devant votre Assemblée, chaque année, une loi de financement de la protection sociale ainsi que l’examen des comptes annuels.
Vu le montant du budget annuel, nous parlons tout de même de 135 milliards, vu les enjeux et vu le niveau d’intervention du Pays, je pense désormais essentiel que l’Assemblée puisse déterminer les équilibres de notre protection sociale. C’est un impératif de cohérence, de lisibilité, mais également de saine démocratie : le peuple, via ses représentants, doit disposer d’un droit de regard et d’un pouvoir de contrôle sur les comptes sociaux. Telle est ma conception d’une gestion responsable et partagée.
En attendant, il nous faut maintenir le navire à flots, et nous n’y arriverons qu’avec un nouvel effort contributif. C’est une position discutée par certains d’entre vous, en particulier ceux qui nous exhortent à sabrer dans les dépenses.
Je respecte qu’ils ne soient pas de mon avis. Pour autant, en considérant rationnellement leur hypothèse, quiconque qui connait le fonctionnement de notre protection sociale, sait qu’une approche systémique est seule à même de pouvoir préserver notre modèle solidaire.
PSG : IL N’Y A PAS D’ALTERNATIVE
Pour 2022, il nous faut trouver 12 milliards pour sauver nos prestations PSG. Pour les partisans de l’austérité, cela signifie opérer des coupes de mêmes niveaux dans les comptes sociaux. 10 milliards, cela correspond au budget annuel du handicap et de l’action sociale. Ou encore à un quart des pensions. Couper les dépenses, cela reviendrait à ne verser que trois quarts des pensions. Concrètement, pour la personne touchant l’équivalent d’un moni ruau, cela veut dire passer de 80 000 francs à 60 000 francs. Songez-y !
Croyez-vous sincèrement cette hypothèse réaliste ? Croyez-vous qu’un tel traitement de cheval serait de nature à résoudre nos problèmes ? Le remède, soyez-en assurés, serait pire que le mal car, derrière ces versements mensuels de la CPS, derrière ces chiffres en milliards, il y a des familles.
L’adage s’en trouve ainsi attesté : comme c’est le caractère des grands esprits de faire entendre en peu de paroles beaucoup de choses, les petits esprits au contraire ont le don de beaucoup parler, de ne rien dire sur le fond et de ne rien faire.
Il est normal qu’un comptable, ou un ancien comptable, nous alerte sur la situation financière, et il est tout aussi normal que le décideur public ne s’arrête pas à ce seul paramètre. Le jour où nos orientations publiques seront définies sous le seul prisme financier, alors ce sera la mort de toute politique économique et sociale. Alors, l’hypothèse de coupes sombres dans les dépenses sera devenue la seule option. Cette logique pauvre transpire la stratégie du désespoir.
Cette stratégie porte un nom : l’austérité budgétaire. Son corolaire est tout aussi connu : la société à deux vitesses. Cette société qui broie l’individu dès qu’il trébuche, c’est-à-dire les plus faibles. Cette société condamne à l’indigence ceux qui n’ont pas la chance de connaître le succès. Cette société dans laquelle la peur triomphe de la raison et du courage.
Et bien, cette société, nous n’en voulons pas !
Aujourd’hui, via ces textes, nous réaffirmons notre vision d’une Polynésie solidaire.
Solidaire et tournée vers l’avenir. Solidaire et propice au développement de l’emploi. Solidaire et orientée vers la création de richesses.
Des notions que trop souvent, on a eu tendance à opposer. Nous l’avons vu lors de la crise sanitaire : faut-il privilégier l’économie ou le social ? Cette question mettant en opposition l’économie et le social n’a aucun sens quand on y songe. La société, c’est à la fois des modalités de production, d’échange et de consommation, et tout à la fois des dispositions assurant le vivre ensemble. Il n’y a pas d’opposition entre ces deux dimensions, il y a une complémentarité.
Pour satisfaire à l’impératif de solidarité, en redistribuant les fruits de la croissance, encore faut-il avoir créé de la richesse. Les suggestions exotiques nous exhortant à davantage de solidarité tout en baissant les dépenses et les impôts sont, au mieux, la résultante d’un manque de lucidité, au pire, celle d’un manque d’honnêteté.
Faire miroiter des aides généreuses sans en accepter le coût, c’est faire le pari de la désinformation, c’est faire le jeu de la démagogie et de l’irresponsabilité. Evidemment, cette forme d’assertion paraît, de prime abord, séduisante. Qui ne rêverait pas de pouvoir dépenser autant qu’il le souhaite sans avoir à se préoccuper des ressources ? Mais, gare aux désillusions, car ce type de coup de bluff fait rapidement « pschitt ».
Quand on est dans l’opposition, les promesses sont gratuites. La gestion d’un pays, et tous ici en sont témoin, est une charge de responsabilité qui ne laisse aucune place à l’improvisation, à la démagogie ou à la dérobade. Pour paraphraser celui qui était ministre des finances en 2013, je dirais : « lorsque que vous devez trouver plus de 10 milliards pour sauver le Pays de la faillite, sans aucune marge de manœuvre, alors, pardonnez-moi de le dire, tous ces commentaires relèvent de la discussion de comptoir ».
Nous, nous avons fait le choix de la vérité. C’est pourquoi, en face de notre réforme de la protection sociale, nous plaçons une refonte de notre modèle fiscal.
Les axes sont au nombre de trois :
- renforcer la solidarité,
- développer l’emploi et les entreprises,
- et simplifier pour mieux piloter.
Vous l’aurez compris, et cela a été souligné à plusieurs reprises lors de l’examen en commission, puis lors de la réunion complémentaire vendredi dernier, il y a un lien direct entre la création d’emploi, la dynamique économique et la trajectoire de nos comptes sociaux. C’est en assurant le développement de notre économie que nous financerons sur le long terme notre système de protection sociale. Nous en sommes tous d’accord.
Nous avons placé la solidarité comme un axe majeur de cette refonte. En effet, la trajectoire de nos comptes sociaux appelle la mobilisation de ressources nouvelles, faute de quoi les prestations ne pourraient être pleinement garanties.
Tout le monde est concerné. Tout le monde doit participer mais pas nécessairement au même niveau.
UN EFFORT SOLIDAIRE EXCEPTIONNEL DES REVENUS SUPERIEURS VIA LA CST
Je pense qu’il est légitime que celles et ceux qui gagnent mieux leur vie, celles et ceux qui, dans leur grande majorité, n’ont pas été touchés financièrement par la crise, il est légitime qu’ils contribuent davantage pour soulager les plus humbles.
Et ce ne sont pas que des mots. Dès le 1er janvier, cet esprit de solidarité s’illustrera par un renforcement de l’effort solidaire de ces personnes par la réévaluation de la CST, sur les revenus salariés et non-salariés. Ces nouvelles ressources seront reversées totalement au régime de solidarité.
Mais, là encore, nous avons voulu agir avec discernement. Ainsi, seuls les revenus mensuels supérieurs à 400 000 francs seront impactés, c’est à dire 30 % des salariés et 48 % des non-salariés seront concernés par cette nouvelle mesure.
A titre d’illustration, une personne ayant un revenu mensuel de 500 000 FCP, aura une CST supplémentaire de 2 000 FCP par mois. Il nous semble que ce supplément est supportable.
Et je profite de cette annonce pour rappeler un montant, celui du salaire médian brut : il est aujourd’hui à 226 000 francs. 50% des salariés polynésiens gagne moins de 226 000 francs bruts par mois. Ils ne seront pas impactés par cette CST supplémentaire et leurs salaires nets ne connaîtront pas de baisse en janvier prochain.
Mais, c’est bien à eux que nous pensons en élaborant ces mesures : eux ont besoin d’une PSG forte ; d’une PSG qui versent les allocations en heure et en temps, d’une PSG qui rembourse les soins. Ils ont besoin d’être rassurés et d’avoir confiance en l’avenir.
C’est cela, l’esprit de solidarité tel que nous le concevons ! C’est cela, pour nous la solidarité active ! Et, pour ma part, à titre individuel, je suis fier de dire que, demain, je contribuerai un peu plus pour que mes voisins bénéficient d’un même niveau de couverture de leurs besoins. Oui, nous pouvons être fiers.
UNE PARTICIPATION DE TOUS AU PROFIT DE TOUS : LA CONTRIBUTION POUR LA SOLIDARITE
Toutefois, cet effort des mieux lotis ne suffira pas. Le déficit de nos comptes sociaux est trop prononcé pour cela.
Dès le second trimestre 2022, l’effort contributif des cotisants sera épaulé par un effort de l’ensemble des consommateurs, qu’ils soient résidents ou visiteurs. C’est l’objet de notre contribution pour la solidarité, la CPS.
Assise sur la même assiette que la TVA, c’est-à-dire l’assiette fiscale la plus large, cette contribution ne s’appliquera pas d’une part, aux produits de première nécessité, exonérés de TVA donc demain de la contribution pour la solidarité, et d’autre part aux entreprises émargeant au régime fiscal des TPE, soit 21 000 entreprises en 2021. Vous le voyez, nous sommes loin d’une taxe qui frapperait de manière indifférenciée et au même niveau le riche et le pauvre.
Au contraire, cette contribution est juste dans le sens où les plus humbles, consommateurs et professionnels, en seront exonérés. Cela traduit notre constant souci de ne pas ajouter de la difficulté à la difficulté.
De plus, cette contribution étant conçue comme « non déductible », elle va favoriser les circuits courts, et en particulier les transactions du producteur au consommateur. Imaginez le potentiel de cet instrument en matière de production maraîchère par exemple.
Cette contribution aura également un autre effet vertueux : elle appelle à cotisation toutes les personnes qui, aujourd’hui, tentent d’échapper à tous les prélèvements. Je veux parler des fraudeurs, je veux parler du travail illicite, je veux parler de ceux qu’on nomme les travailleurs au noir. Tous cotiseront en allant faire leurs achats. C’est tout de même beaucoup plus juste que de taxer les seuls travailleurs, salariés ou patentés. La protection sociale est l’affaire de tous, elle appelle un effort de tous.
J’ai entendu de nombreuses objections sur cette contribution pour la solidarité. Si je devais résumer, tout le monde pense qu’elle est nécessaire mais personne n’aimerait en payer le prix.
Tour à tour, on m’a brandi le spectre de l’inflation, des effets d’aubaine et de l’érosion du pouvoir d’achat.
Là encore, je pense qu’il nous faut raison garder. En 2022, l’inflation sera au rendez-vous, contribution pour la solidarité ou pas. Cette inflation, elle résulte d’abord de paramètres exogènes sur lesquels nous n’avons aucune prise.
Le prix de hydrocarbures, le coût du fret maritime, et la tension sur les matières premières, pour ne citer qu’eux, sont des facteurs soumis à la conjoncture internationale. Comme tous les pays du monde, nous les subissons et tâchons de nous y adapter en temps réel.
C’est ce pragmatisme qui nous dicte d’ajuster nos modalités d’intervention au plus proche des réalités et selon l’évolution de la conjoncture. Vous en avez une démonstration dans ce projet de loi.
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EN 2022, UNE MESURE CONCRETE CONTRE L’INFLATION DES PRIX DU SECTEUR DE LA CONSTRUCTION VIA L’EXONERATION DES DROITS DE DOUANE SUR LES MATERIAUX DE CONSTRUCTION
En 2022, les matériaux de construction, lesquels sont confrontés à une flambée des prix, et bien ces matériaux seront exonérés de droits de douanes à l’entrée. Voilà une action concrète de soutien à l’économie de la construction et du bâtiment, et une illustration de notre capacité à nous adapter aux contraintes nouvelles.
Bien entendu, nos services seront habilités à procéder à tout contrôle visant à garantir le bon emploi de cette mesure.
Des contrôles de prix seront opérés tout au long de la chaine de valeur afin que nous soyons assurés que ce coup de pouce au secteur se retrouve bien au niveau de l’acheteur final et ne soit pas confisqué par des effets d’aubaine.
Comme nous faisons preuve d’adaptabilité pour les matériaux de construction, nous saurons, en cours d’année, faire preuve de la même réactivité si d’autres risques venaient à se matérialiser.
Je rappelle également que, pour contrer les effets d’aubaine, le gouvernement dispose d’une possibilité juridique majeure : renforcer le contrôle des prix. Nous n’en sommes pas là et il est souhaitable pour ma part que la dynamique du marché suffise à réguler les appétits.
Toutefois, je n’écarte aucune option et, si les circonstances l’exigent, si l’intérêt général le commande, je n’hésiterai pas à reprendre, de façon temporaire, le système de fixation des prix et des marges.
Soyez rassurés, ce n’est pas mon intention car j’observe que la dynamique concurrentielle produit désormais ses effets.
La concurrence demeure le meilleur rempart contre les abus et les effets d’aubaine. Et nous pouvons compter sur notre autorité polynésienne de la concurrence pour y veiller désormais.
Sur cette question de l’inflation, je crois également qu’il nous faut collectivement prendre un peu de recul. L’inflation n’est pas bonne ou mauvaise en soi.
L’inflation, c’est un accroissement excessif des instruments de paiement qui entraîne une hausse des prix et une dépréciation de la monnaie. Si l’on considère cette définition, l’inflation n’est pas problématique lorsqu’elle demeure inférieure à la croissance du PIB. Pour le dire autrement, 4% d’inflation ne pose pas de difficulté si la croissance du PIB est à 6%. Par contre, 2% d’inflation peut devenir problématique si le PIB ne progresse que de 1%.
N’oublions pas également que, pour la personne endettée, physique ou morale, privée ou publique, l’inflation peut constituer une opportunité puisque le poids de la dette diminue mécaniquement.
A l’heure où les Etats et les entreprises ont beaucoup emprunté pour tenir face à la crise, l’inflation peut également constituer un moyen de revenir à un niveau d’endettement raisonnable.
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Ces précisions étant apportées, j’en reviens à notre projet fiscal. Après le renforcement de la solidarité, j’ai évoqué le second axe qui vise à soutenir le développement de l’emploi et de nos entreprises. Cet objectif est directement lié au premier puisqu’il permet, demain, de disposer d’une activité plus soutenue et, donc, de prélèvements plus conséquents en volume au bénéfice de la redistribution.
C’est toujours cette même logique, ce même bon sens, qui nous commande de créer les conditions de la croissance avant d’en partager les fruits.
Pour atteindre cet objectif d’accroissement de l’activité, nous vous proposons de moderniser notre fiscalité. Je ne vais pas égrainer chaque mesure une à une mais vous en présenter rapidement l’esprit.
LES INCITATIONS FISCALES A L’INVESTISSEMENT PRODUCTIF PLEINEMENT ORIENTEES VERS LA CREATION D’EMPLOIS
Tout d’abord, nous révisons nos modalités de soutien à l’investissement. Il s’agit ici de ce que l’on appelle généralement la défiscalisation locale.
Sans entrer dans le détail, il s’agit de remettre cet outil, la défiscalisation, au service de nos priorités en matière de politiques sectorielles, en privilégiant les investissements générateurs d’emplois, tout en limitant certains effets de bord, notamment via la limitation de l’imputation des avantages fiscaux.
Parallèlement, l’incitation au réinvestissement des bénéfices est étendue pour répondre aux besoins des moyennes entreprises. Enfin, nous imposons à nos services une instruction de l’agrément en 60 jours maximum, là où un délai de 10 à 18 mois est aujourd’hui observé, essentiellement en raison de circuits administratifs trop complexes. Simplification et performance sont désormais exigées.
HARMONISATION DU TAUX D’IS POUR L’EQUITE FISCALE ET DYNAMISER LA CROISSANCE
Nous proposons également d’uniformiser le taux nominal d’impôt sur les sociétés à 25% au lieu de 27% aujourd’hui. Là encore, c’est le principe de justice fiscale qui dicte ce choix.
Car, dans les faits, le taux net d’IS observé n’excède pas 20% pour certaines entreprises, notamment celles ayant accès aux mécanismes de défiscalisation, alors que les plus petites sociétés s’acquittent bien d’un impôt à 27%. En harmonisant, nous réajustons cette situation et adressons un signal positif aux petites entreprises.
C’est également la vocation de la mesure de simplification du régime des activités non salariées, qui permettra de résorber l’asymétrie des situations fiscales entre entrepreneurs individuels et personnes morales.
Notre projet fiscal instaure également le régime d’intégration fiscale. J’attire votre attention sur le fait qu’il s’agit d’une réponse à un problème soulevé depuis déjà plusieurs décennies.
POUR MODERNISER NOS ENTREPRISES, L’INTEGRATION FISCALE COMME VECTEUR DE RATIONALISATION DE LA GESTION FINANCIERE ET LEVIER DE CROISSANCE INTERNE
L’intégration fiscale, c’est la possibilité, pour un groupe de sociétés ayant des liens capitalistiques, de déclarer un résultat commun correspondant à l’addition de leurs résultats individuels. En d’autres termes, cela permet de consolider le résultat fiscal à l’échelle d’une holding, là où, aujourd’hui, chaque société déclare et paye son impôt de manière séparée.
L’intérêt est de permettre aux groupes structurés de compenser les pertes de sociétés déficitaires par les profits de sociétés excédentaires. Aujourd’hui, ces groupes opèrent via la défiscalisation. Demain, ils pourront consolider à l’échelle du groupe, offrant au passage à notre administration fiscale une meilleure connaissance de la chaine de valeur au sein de ces ensembles économiques.
Il nous faut aussi faciliter la création de nouvelles entreprises. Cette ambition se matérialise par plusieurs mesures, dont la création de zones de redynamisation urbaines et de zones de revitalisation des activités économiques.
SOUTIEN AUX COMMERCES DE PROXIMITE ET AU POUVOIR D’ACHAT DES CONSOMMATEURS VIA UNE TVA REDUITE DANS CERTAINES ZONES
Concrètement, les premières visent à soutenir les commerces de proximité d’un périmètre géographique donné via l’application d’un taux de TVA réduit les samedi après-midi et dimanche.
Ainsi, les commerçants qui seront dans l’une de ces zones et qui le souhaitent pourront proposer à leurs clients des articles à 5% de TVA contre 16% aujourd’hui.
C’est bon pour le petit commerce qui vendra davantage, c’est bon pour le consommateur qui paiera moins cher, c’est bon pour le restaurateur qui verra la fréquentation augmenter, c’est bon pour le centre-ville qui ne sera plus déserté, renforçant ainsi la sécurité et contribuant à amortir pleinement les aménagements publics réalisés. Une mesure de bon sens dont nous pouvons légitimement attendre beaucoup.
ENCOURAGER L’IMPLTANTATION DES ENTREPRISES DANS DES ZONES PRIORITAIRES GRÂCE A UNE FISCALITE INCITATIVE
Les secondes sont des périmètres géographiques spécifiques sur lesquels un taux d’IS réduit sera appliqué. Cette mesure vise à favoriser l’installation des nouvelles entreprises sur les zones d’aménagement prioritaires. Le Pays et les communes consacrent des ressources conséquentes pour aménager de nouvelles zones de développement économique. Il faut à présent y faciliter l’implantation des entreprises.
Bien évidemment, le gouvernement consultera les communes pour définir, avec chacune d’elle, les zones susceptibles de concourir à cet objectif. Dans le cadre de la valorisation des terrains cédés via le CRSD par exemple, cet outil peut permettre aux entreprises de franchir le pas, notamment dans les secteurs créateurs d’emplois.
Et parmi ces secteurs, il y a le numérique, la recherche et l’innovation. Ce sont les locomotives de la croissance de demain. Ces sont des secteurs qui recrutent, des secteurs basés sur de fortes qualifications et qui procurent de bons salaires. Nous en sommes tous convaincus.
Pour autant, nous ne disposons pas encore d’outil d’incitation fiscale pour favoriser leur implantation. C’est désormais chose faite avec l’instauration d’un taux d’IS réduit à 20% pour les entreprises de cette filière.
ENRAYER LA SPECULATION IMMOBILIERE PAR UNE TAXATION DES PLUS-VALUES DE COURT TERME
La fiscalité est également un levier pour orienter les comportements. C’est le sens des mesures de révision de la plus-value-immobilière et de la valeur locative des meublés de tourisme et des villas de luxe. Nous en avons souvent parlé ici, certains secteurs géographiques connaissent une inflation inquiétante des prix de l’immobilier.
L’origine en est connue : une rotation trop rapide des biens immobiliers et un développement incontrôlé des locations touristiques. Les conséquences sont déjà visibles : les prix des acquisitions et des loyers grimpent.
Sur l’aire urbaine de Papeete, par exemple, il devient difficile de trouver des locations longue durée à des tarifs abordables car les propriétaires préfèrent placer leurs biens sur des plateformes de réservation en ligne.
Ce n’est un secret pour personne, faire de la location saisonnière est bien plus rentable. 150% en moyenne. Sur cette même aire urbaine, un autre comportement est observé, celui de la spéculation. Des appartements sont achetés sur plans, en VEFA, avec des frais de notaire réduits, et sont revendus dès la livraison, 24 à 36 mois plus tard avec une forte plus-value. Cette pratique spéculative peut être enrayée par l’outil fiscal.
Pour limiter la spéculation immobilière, nous proposons de taxer les plus-values de court terme. En lieu et place d’un taux de 20%, les plus-values immobilières en cas de revente dans les cinq ans suivants la date d’acquisition seront taxées à hauteur de 50%.
SOUTENIR LES LOCATIONS LONGUE DUREE VIA UNE FISCALITE PLUS IMPORTANTE SUR LES VILLAS TOURISTIQUES
De même, pour rendre sa compétitivité à la location longue durée par rapport à la location saisonnière, le calcul de la valeur locative des meublés de tourisme et des villas de luxe, pour le calcul de la contribution des patentes et de l’impôt foncier, reposera désormais sur une méthode forfaitaire adaptée.
Là encore, il s’agit d’équité fiscale. Il est normal qu’un bien qui rapporte plus soit davantage fiscalisé. Louer à un touriste rapporte plus que de louer à un résident, il est donc normal que le propriétaire paye davantage d’impôt dans le premier cas que dans le second. Cela devrait également permettre de rééquilibrer le marché en faveur de la location longue durée et, donc, en faveur de nos jeunes ménages qui peinent à se loger à un prix raisonnable.
POUR UNE TRANSPARENCE ACCRUE
Pour accroître le pouvoir d’orientation et de supervision de l’Assemblée, nous organisons la révision périodique des impôts et taxes, notamment ceux à faible rendement. En l’espèce, il s’agit de rationaliser l’examen des mesures fiscales en distinguant plus nettement les principaux vecteurs, les impôts et taxes dont le rendement est important, des petits impôts dont le coût d’intervention est parfois trop élevé.
Pour le dire encore plus simplement, nous obligeons par ce texte notre administration fiscale à proposer la suppression ou la modification des impôts qui ne fonctionnent pas. Cette mesure, vous en conviendrez, participe à un meilleur contrôle démocratique de la fiscalité par l’Assemblée.
De nombreuses autres mesures, plus techniques, viennent accroitre la lisibilité de notre droit fiscal et douanier, et complètent les moyens dont dispose notre administration pour calculer, collecter et contrôler l’impôt. A titre d’exemple, nous introduisons la voie électronique comme moyen d’exercice du droit de communication pour nos services fiscaux. Rendez-vous compte : il aura fallu 2022 pour autoriser la DICP à utiliser légalement des courriels pour obtenir des informations de la part de tiers. Il était temps !
Voilà, en quelques mots, un exposé des principales mesures de ce projet de simplification de notre fiscalité qui, mis en regard de notre réforme de la protection sociale, prend tout son sens et toute sa force.
Ces deux chantiers d’envergure convergent en un même but : refonder notre pacte social dans une approche inclusive et résolument tournée vers l’avenir.
Aujourd’hui, nous allons agir pour nos enfants, pour l’avenir, pour ces générations futures dont l’intérêt doit guider notre action. C’est pourquoi, je vous invite à dépasser les clivages qui nous enferment. Notre devoir moral et notre responsabilité collective sont engagés.
En cet instant, je sais que chacun d’entre vous mesure la portée de ces textes pour notre société, pour notre vivre ensemble, pour la conception que nous nous faisons de la justice sociale, et pour nos enfants. Et je tiens à remercier toutes celles et tous ceux, quelle que soit leur appartenance politique qui, au cours des années passées, ont également œuvré pour que ce changement intervienne.
En cet instant, plus qu’à aucun autre, je mesure le poids de notre responsabilité et, pour tout vous dire, le poids de ma charge, au sens noble, le plus noble qui soit. En cet instant, nous éprouvons le même sentiment.
Cette communion d’esprit, cette communauté de pensée à travers les clivages politiques, montrent bien que le débat ouvert aujourd’hui devant vous est d’abord et avant tout un débat de conscience. Et le choix auquel chacun d’entre vous procédera l’engagera personnellement.
Le choix qui s’offre à vos consciences est clair : soit nous faisons le choix de la solidarité, et nous décidons donc d’en accepter le prix, soit nous faisons le choix de l’individualisme, débouchant sur un autre modèle social et économique.
Pour ma part, et vous l’avez compris à travers ces projets de textes, je fais le choix d’une société solidaire, d’une société qui accepte d’assumer, au nom de ses valeurs fondamentales, au nom de la dignité humaine, le droit pour chacun de bénéficier d’un accompagnement tout au long de la vie.
Demain, grâce à vous, notre pacte social sera fortifié, nos prestations sociales garanties et notre fiscalité orientée vers la création d’emploi.
Aujourd’hui, par votre vote, vous devez envoyer ce message clair à l’ensemble de nos concitoyens, à nos ainés, à nos enfants, à nos salariés, à nos entreprises, à tous ceux qui attendent de nous.
Aujourd’hui, pour eux, vous voterez les réformes de la protection sociale et de la fiscalité.
Je vous remercie.