Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française ;
Mesdames et messieurs les ministres ;
Madame et monsieur les députés ;
Madame et Monsieur les sénateurs ;
Mesdames et messieurs les représentants ;
Mesdames et messieurs les journalistes, spectateurs et internautes,
Bonjour.
Nous voilà réunis ce jour pour procéder à la clôture du cycle budgétaire 2020 au travers de l’arrêté des comptes.
Si nous devions résumer en un mot cette année, je retiendrais l’adjectif « exceptionnel ».
En effet, l’année 2020 fut en tout point exceptionnelle, que ce soit à l’échelle internationale, nationale et bien évidemment à l’échelle locale, mais aussi sur plusieurs plans : économique, sociale, sanitaire et même politique.
Sur le plan politique, il a fallu bouger et changer les plans de table pour accueillir un nouveau courant d’idée constitué d’élus tombés sous le charme de chants de sirènes et dénommé l’amour de la Polynésie. Il s’avère que ce courant d’idées se transforme en courant d’air. Ce fut aussi une année exceptionnelle en critiques insultantes à mon égard.
Une année hors norme, vous ai-je dit, qui fut marquée surtout par :
- La pandémie et la crise sanitaire sans précédent causée par la Covid-19 ;
- Les conséquences économiques liées aux mesures sanitaires et aux restrictions de circulation qui ont été mises en œuvre par les Etats : confinement, fermeture des frontières, couvre-feu, etc…
- La réponse rapide et puissante des pouvoirs publics. Jamais les entreprises et les ménages n’ont été autant aidés pour surmonter ce type d’épreuve. Le « quoi qu’il en coûte » a connu une illustration concrète via les multiples dispositifs de soutiens publics ainsi déployés, tant au niveau de l’offre que de la demande.
C’est grâce à ces mesures que je qualifie d’historiques que l’année 2020 a été « moins pire que prévue ».
Certes, notre économie a été durement impactée, -10% de PIB. Certes nous avons connu des baisses de recettes fiscales. Certes la situation de l’emploi s’est dégradée. Certes des familles ont été éprouvées, mais, en dépit de toutes ces difficultés, nous avons résisté au sort funeste que les Cassandre ne manquaient pas de nous prédire.
Je vous rassure, certaines choses ne changent pas. Même la plus grande pandémie que notre planète a connu depuis la nuit des temps n’a pas altéré le comportement inapproprié voir nauséabond de quelques-uns.
Ainsi, ceux qui nous reprochaient encore hier de ne pas faire assez nous expliqueront aujourd’hui que nous avons dilapidé l’argent public. Quant aux autres qui s’offusquaient du niveau des dépenses en 2020, ils vous diront qu’il eut fallu faire plus. Que voulez-vous, c’est ainsi ! C’est l’apanage de ceux qui ne proposent jamais rien et qui critiquent la caravane qui passe.
Je vous rassure, toutes les ressources budgétaires de notre petite collectivité ont été mobilisées, pour simultanément, assurer l’intégralité des charges liées à la gestion de la crise sanitaire (quarantaines, évacuations sanitaires, achats de matériel, réalisation des tests, etc…), mais aussi elles ont permis de soutenir nos entreprises fragilisées par la mise en place de dispositifs tels que le DIESE, le DESETI, les CAES, le CSE, les RES, l’IE, l’IS et j’en passe.
Ces mesures de solidarité sont à l’image des valeurs de partage et de solidarité portées par notre peuple. C’est conforme au fait que les Polynésiens ont toujours le souci de leurs frères.
Et, il est important de rappeler à tous, que dès la fermeture des frontières, la réaction a été immédiate : le gouvernement a présenté à votre assemblée des dispositifs d’urgence de préservation de nos acteurs économiques d’une part, et des mesures de soutiens aux plus fragiles et aux plus démunis d’entre nous, d’autre part.
Dans le même temps il a élaboré en urgence un collectif budgétaire permettant de faire face, de manière la plus réactive possible, aux incertitudes budgétaires que nous allions traverser.
Dès la sortie de la période de confinement, un troisième collectif vous a été proposé afin de modifier le budget de la collectivité, pour prendre en compte la baisse des recettes fiscales. Nous avions également intégré dans ce collectif les crédits nécessaires pour le financement des premières mesures de relance et de soutien de notre tissu économique.
Comme évoqué précédemment, l’année 2020 fut en tout point exceptionnelle et ceci est aussi vrai pour l’exécution budgétaire.
Je ne vais pas me livrer devant vous à une fastidieuse lecture du rapport relatif au compte administratif 2020 mais je vous présenterais l’essentiel. Soucieux d’alimenter votre réflexion, il m’importe donc de rappeler quelques grandes lignes qui ont singularisé cette année 2020.
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En termes de recettes réelles de fonctionnement, elles sont arrêtées à 125,7 milliards F CFP pour 2020 contre plus de 131 milliards F CFP en 2019, soit une perte de plus de 5 milliards F CFP.
Ce chiffre est la contraction d’une baisse des recettes fiscales de 9,3 milliards F CFP et d’une augmentation des recettes non fiscales de 3,9 milliards F CFP.
C’est la fiscalité indirecte qui fut la plus impactée, en particulier la TVA et les droits d’importation. L’immédiateté de cette fiscalité traduit au mois le mois, l’état de la situation économique et ses conséquences sur la situation budgétaire de la collectivité.
Enfin, et pour conclure la partie des recettes, il convient de souligner que l’exercice 2020 fut aussi marqué par le prêt exceptionnel octroyé par l’AFD.
Ce prêt est particulier à plusieurs titres : par son montant qui s’élève de 28 milliards F CFP, par la garantie de 100 % octroyée par l’Etat, par son différé, par sa durée d’amortissement de 25 ans et par la dérogation à la règle d’or, qui nous a permis d’affecter une partie de cet emprunt aux charges de fonctionnement.
A ce sujet, j’ai encore à l’oreille, les interpellations de certains représentants qui nous proposaient, avec véhémence, de faire appel à un emprunt massif de plus de 100 milliards me semble-t-il, pour faire face à la crise. Ils mettaient même en avant notre incompétence en matière de gestion de crise.
Dieu merci. Nous n’avons pas cédé à cet autre chant des mêmes sirènes.
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En matière de dépenses réelles de fonctionnement, les chiffres sont tout aussi inédits, avec une augmentation de plus de 23 milliards F CFP. On y retrouve :
- 2,8 milliards F CFP au titre des dépenses imprévues, pour répondre aux urgences. Ce dispositif des dépenses imprévues, mis en place en 2017, nous a permis de répondre, avec la meilleure réactivité possible, aux impératifs et urgences qui se sont présentés à nous durant la gestion de cette crise. Le détail de l’utilisation de ses crédits de « dépenses imprévues » est annexé au compte administratif. Ce dispositif décrié par certains lors de son examen dans cette assemblée, à aujourd’hui largement fait ses preuves, tant en termes de souplesse d’utilisation que de transparence vis-à-vis des représentants.
- 6,9 milliards F CFP ont permis de solder le FADES. Ce remboursement anticipé était indispensable pour permettre à la caisse de prévoyance sociale, la CPS, d’absorber une partie des effets de la crise en 2020.
- Des dépenses ont été aussi consacrées aux plus démunis de notre pays et en particulier aux ressortissants du régime de solidarité, le RSPF. En effet, près de 400 millions F CFP ont été versé au régime afin d’assurer l’augmentation des allocations familiales passant de 10 000 Fr. à 15 000 Fr. par mois et par enfant.
- Pour terminer, la dépense la plus importante est au titre des aides à l’emploi, dont les crédits ont fait l’objet d’un transfert du budget général vers le FELP à hauteur de 12,6 milliards F CFP.
En ce qui concerne les dépenses d’investissement, nous sommes aussi dans une année exceptionnelle, puisqu’elles atteignent 45,4 milliards F CFP (hors remboursement en capital de la dette), soit 15,6 milliards F CFP de plus que 2019.
Ce chiffre une fois retraité des dépenses particulières, telles que le prêt de 9,6 milliards F CFP qui a été accordé à la CPS, les avances en compte courant accordées à Air Tahiti Nui et à la société Tahiti Nui Hélicoptère pour des montants respectifs de 2,1 milliards F CFP et 200 millions F CFP. Ainsi, les dépenses classiques d’investissement atteignent 33,4 milliards F CFP soit 3,6 milliards F CFP de plus que 2019.
Pour rappel en 2013, et sous d’autres cieux, les dépenses d’investissement s’élevaient à 14,422 milliards F CFP.
Aujourd’hui, nos investissements publics ont donc plus que doublé par rapport à notre arrivée en 2014. Merci au Gouvernement pour le travail accompli au prix de gros efforts ; merci à la majorité et à l’Assemblée pour votre soutien sans faille lors des votes du budget. Nos efforts ont été à la hauteur de la confiance que vous nous avez accordée.
Malgré la crise sanitaire et le confinement qui a été rendu nécessaire pour protéger nos compatriotes, notre administration polynésienne a continué à travailler et même à performer puisque les chiffres 2020 dépassent ceux d’une année normale.
Le bilan d’exécution de l’année 2020, nous amène à constater un résultat net global de 13,1 milliards F CFP contre 21,8 milliards F CFP en 2019.
Ce montant se justifie, notamment, par une plus-value des recettes à hauteur de 1,8 milliard F CFP par rapport aux prévisions établies lors du collectif de juillet et de moindres dépenses à hauteur de 10,4 milliards FCFP dues à la situation particulière que nous avons traversée : annulation d’évènements, impossibilité de réaliser certaines actions, etc…
Concernant la situation financière et plus particulièrement l’épargne nette de la collectivité, les éléments du compte administratif permettent de l’établir à hauteur de -14,960 milliards F CFP.
Toutefois, l’imputation dans nos comptes du PEG 1 garanti par l’État et imputable, en partie, en section de fonctionnement nécessite un retraitement du montant de l’épargne nette. Ainsi après retraitement, l’épargne nette s’établit à hauteur de 4,1 milliards F CFP.
Concernant l’encours de la dette, celui-ci passe de 79,9 milliards F CFP à fin 2019 à 111,4 milliards F CFP à fin 2020. Ceci s’explique par la mobilisation de l’intégralité des emprunts contractualisés avant 2020 et par l’emprunt PGE 1 de 28 milliards F CFP.
Cette augmentation de notre encours est significative mais reste, pour autant, dans des ratios de gestion financière DETTE/PIB tout à fait acceptables pour notre collectivité, voire enviable pour d’autres.
En effet, notre agence de notation Moody’s vient de confirmer, lors de la dernière publication « opinion de crédit » en date du 21 mai 2021, les notations de long terme A3 et de court terme P2.
L’agence souligne que la collectivité est entrée dans la crise avec un niveau de réserves important et un encours de dette particulièrement bas. Il est aussi souligné, que sur les 111,4 milliards F CFP d’encours de dette, 28 milliards sont garantis par l’Etat, dont 9,6 milliards F CFP remboursables par la CPS.
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Voici, en quelques mots, les éléments importants relatifs à l’exécution budgétaire 2020 que je souhaitais partager avec vous.
Vous l’aurez compris, cette année 2020 restera, exceptionnelle sous bien des angles, et difficilement comparable aux années passées.
Même si rien ne sera plus jamais comme avant, je forme le vœu devant vous que nous retrouvions vite le chemin d’une vie « normale » qui se range au modèle commun.
Nous avons en mémoire, les différentes crises que notre Pays a connues. Je pense à la crise du 11 Septembre 2001, puis la succession de la longue période d’instabilité, la crise des subprimes entre 2008 et 2010, dont nous portons encore aujourd’hui les séquelles. Et enfin, cette crise sanitaire sans précédent.
Je constate que la principale difficulté à laquelle nous avons dû faire face, a été notre division politique. Je parle naturellement de la division du monde politique, amplifiée par nos relations difficiles avec l’Etat.
En revanche, ce qui a fait notre force et ce qui fera notre force demain, c’est, d’abord notre stabilité politique, puis au-delà du rôle démocratique de chacun des groupes politiques, c’est l’adhésion de tous aux valeurs polynésiennes de partage et de solidarité – Te here, te aroha e te au-taeae, et enfin, le dialogue retrouvé et le soutien exceptionnel du Gouvernement du Président Macron.
Soyez assurés de notre détermination collective à œuvrer en ce sens et à nous tourner vers l’avenir et le bien de tous.
Je vous remercie.