Monsieur le président,
Monsieur le vice-président,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les Représentants,
Mesdames, messieurs,
Chers amis,
Le débat d’orientation budgétaire est un rendez-vous important qui anime annuellement le débat démocratique entre le gouvernement et les élus de votre assemblée. Nous devons prendre le temps d’examiner ensemble, le bilan de l’année écoulée mais aussi les perspectives de l’année à venir.
Cette étape essentielle de la construction budgétaire est donc un moment de vérité. Vérité sur l’état de nos finances, vérité sur la situation de nos dettes, vérité sur la santé financière de nos concitoyens notamment la solvabilité des entreprises et des ménages, vérité sur l’état de notre appareil de production, vérité sur le moral des agents économiques, vérité sur l’équité et la justice fiscale, vérité sur la répartition et l’utilisation des deniers publics, etc.
Le DOB, c’est aussi un moment où nous devons analyser de manière objective l’ensemble des éléments qui caractérisent notre environnement économique et social. Aujourd’hui, elle est d’autant plus utile alors que la réalité que nous affrontons est inédite, que ce soit la chute du produit intérieur, la très forte dégradation de l’indicateur du climat des affaires, la baisse des recettes fiscales ou encore la forte évolution de notre endettement externe.
Enfin, c’est un moment où il faut nécessairement de la transparence parce que les règles comptables qui régissent l’élaboration budgétaire, nous imposent d’être exigeants sur nos dépenses et raisonnables sur nos prévisions de recettes.
Les recettes fiscales ne s’inventent pas, chers collègues, car elles proviennent du travail des polynésiens et des polynésiennes. Les dépenses courantes, les taxes et les investissements des ménages polynésiens contribuent au bon fonctionnement de notre économie. Il en est de même des entreprises qui par les valeurs qu’elles créent, les emplois qu’elles génèrent, les impôts qu’elles payent, apportent leur pierre à l’édifice.
Après des années difficiles, puis une reprise progressive de notre croissance économique à partir de 2013/2014, nous pensions l’année dernière, que 2020 serait l’année de tous les records.
Mais la réalité a été toute autre avec l’arrivée à partir du début de cette année de la pandémie de la COVID 19 dont les effets dévastateurs ne sont pas encore totalement connus.
Nous avons eu maintes fois l’occasion de venir vous présenter dans cette enceinte l’impact de cette crise inédite sur la situation économique de notre Pays. Je n’y reviendrais pas.
Soyez convaincus que les nombreuses dispositions de soutien financier apporté par l’Etat et le Pays aux ménages et aux entreprises ont permis de « limiter la casse ». Mais hélas, le problème pandémique demeure.
En effet, depuis quelques semaines la propagation de ce fichu virus sous la forme d’une deuxième vague est désormais une réalité qui a conduit les Pays à adopter de nouvelles mesures de protection de leur population y compris chez nous comme vous le savez.
A ce sujet, permettez-moi de vous faire part de mon « étonnement » à l’égard d’un groupe de cette assemblée qui suggère, et je cite, la « prise obligatoire de température dans des lieux de grande affluence » pour lutter contre les clusters. Si cette mesure avait été efficace, le monde entier aurait fabriqué des milliards de thermomètres frontaux et les distribuerait à grande échelle. Au lieu de cela, ce sont des tests et des masques qui sont fabriqués par milliards.
Dans la gestion de cette crise, n’en déplaise au groupe A here ia porinetia, le gouvernement assume pleinement ses responsabilités. A la fin mai, notre Pays était bien « covid-prepared ». C’est un fait incontestable.
Le gouvernement aurait fait preuve d’irresponsabilité, à l’époque, en refusant de rouvrir les frontières, et en laissant mourir sur pieds de nombreuses entreprises polynésiennes, et de conduire ainsi, 20 000 salariés au chômage.
La forte reprise de la propagation du virus depuis le début du mois de septembre nous a conduit, en concertation avec Monsieur le Haut-commissaire, à solliciter du Premier Ministre, Jean CASTEX, l’instauration en Polynésie Française d’un couvre-feu.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre ici et là, il n’y pas de « reprise en main » par l’Etat des destinées sanitaires de notre Pays. Je rappelle, si nécessaire, que cette demande a été unanimement souhaitée et soutenue par les maires de Tahiti et de Moorea, et que pour des raisons de droit, il fallait éviter que cette initiative salutaire puisse être anéantie par un recours en annulation de cette décision devant les tribunaux. Et vous savez qu’il y a des avocats qui s’amusent avec ça.
Bref, je sais que ce qui préoccupe avant tout le groupe A here ia porinetia, c’est de critiquer inutilement le gouvernement pour masquer les échecs cuisants qu’il a subi lors des élections communales de MAHINA, puis des élections sénatoriales.
Ce groupe devrait faire preuve d’humilité mais aussi et surtout de solidarité envers le gouvernement alors que la période est grave.
De toutes les façons frontière ouverte ou frontière fermée, vous auriez fait de la démagogie et formulé des critiques.
Je ferme la parenthèse et reviens à notre débat.
La situation sanitaire qui s’annonce ne sera pas sans conséquences sur le plan économique car les plans de reprises de nos activités touristiques ou encore nos prévisions macro-économiques de redémarrage de la croissance seront nécessairement contrariés ou pour le moins décalés je l’espère, de quelques mois.
Dans ce contexte incertain, l’exercice budgétaire qui se présente à nous pour 2021, est donc particulièrement complexe à stabiliser car il repose sur des hypothèses d’activité incertaines.
Je tiens à remercier très sincèrement notre ministre des finances ainsi que l’ensemble de ses équipes qui se sont attelés durement à la tâche pour élaborer et vous présenter aujourd’hui un document d’orientation budgétaire sérieux et crédible.
J’ai pour ma part insisté auprès d’eux pour que la préparation de notre budget 2021 soit emprunte à la fois de prudence mais aussi et surtout de réalisme car, je vous le dis, les mois à venir nous apporteront leurs lots de défis à relever
Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons donc garder les pieds sur terre, sans excès ni de pessimisme, ni d’optimisme.
J’insiste sur l’approche de vérité et de sincérité qui m’anime et je souhaite rassurer les experts en matière budgétaire qui animeront le débat, que les données qui vous seront présentées lors de ce DOB, sont fidèles et traduisent notre perception de l’évolution de la situation de notre collectivité en 2021.
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Justement, revenons à quelques réalités factuelles.
A fin 2019, le PIB de la Polynésie a connu son plus haut niveau avec 670 milliards de francs.
Pour cette année 2020, l’impact de la crise est estimé à environ 100 Milliards de F.CFP, avec une chute de 15 % du PIB. Cette situation a touché plus particulièrement nos secteurs d’exportation comme la pêche, la perliculture mais surtout le tourisme et le transport aérien sans oublier un certain nombre de prestataires locaux directement ou indirectement liés à cette situation.
Les budgets publics et sociaux ont été également fortement impactés par cette baisse sans précédent de nos ressources, qui s’est traduite accessoirement par de fortes tensions sur la trésorerie du Pays et des régimes sociaux.
Fort heureusement, la Polynésie française présentait en entrée de crise une situation particulièrement favorable avec une activité dynamique, une situation financière des entreprises et de la collectivité favorables, situation d’ailleurs appréciée par l’agence de notation internationale Moody’s.
Cette gestion en bon père de famille des deniers publics, avec une épargne accumulée depuis 2015 de l’ordre de 21,8 milliards de francs, a permis au Pays de faire face aux urgences de cette année pour soutenir les familles et les entreprises. Le soutien financier massif à notre système de santé a également permis de contenir des effets de la pandémie.
Je voudrais également saluer le fait que nos entreprises ont bénéficié d’un soutien financier important de l’Etat via le fonds national de solidarité qui a consacré à ce jour une enveloppe financière de 4,3 milliards de francs pour distribuer 28 147 aides à des petites entreprises ou encore des entrepreneurs individuels.
Je salue également la forte implication des banques de la place et de l’Etat qui en quelques mois ont accordé plus de 798 prêts garantis par l’Etat, représentant une enveloppe de financement de plus 50 Milliards de francs à destination de nos entreprises. Enfin, je n’oublierai pas l’IEOM qui en modernisant ses outils de politique monétaire a pu apporter aux trois établissements financiers de la place plus de 50 Milliards de francs.
Entre les moyens déployés par l’Etat et ceux dégagés par le Pays, ce ne sont pas moins de 100 Milliards de francs qui auront été injectés, cette année, dans l’économie de notre Pays.
Grâce la conjugaison de l’ensemble de ces moyens du Pays et de l’Etat, nous avons pu traverser cette année 2020 en limitant « la casse sociale » dans notre pays.
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Ce que je retiendrai de cette année 2020, c’est notre capacité à réagir et notre agilité face à une situation d’urgence.
Je reprendrai les mots de notre ministre des finances qui vous a dit, lors de la commission des finances de samedi dernier :
« Tous nos modèles économiques ont volé en éclat et nos certitudes ont été considérablement ébranlées ; personne n’était en mesure de prédire. Il fallait anticiper et être agile, tant tout cela était soudain et brutal. Il fallait oser… Nous avons tous appris en marchant, nous avons tous dû, dans un premier temps, improviser et être agile pour parer à l’urgence…. Des solutions ont déjà été trouvées. Vous avez vu comment, collectivement, les entreprises, les administrations, le public et le privé, se sont organisées pour garantir la continuité de l’activité, comment les employeurs et les employés ont consentis des efforts mutuels, en bonne intelligence, pour assurer la pérennité des activités ».
Les propos de notre ministre résument parfaitement ce que nous avons vécu, jour après jour, depuis 7 mois.
Oui, il y aura désormais, un avant et un après COVID.
Pour 2021, je reprends à nouveau à mon compte les propos très pertinents de Monsieur RAFFIN à savoir, « nous devons désormais imaginer le monde qui vient, dont beaucoup prédisent qu’il sera bien différent de ce que nous avons connu. Ceci implique de changer de paradigme, de revoir tous nos modèles et d’inventer des solutions réellement innovantes pour construire sereinement l’avenir tout en intégrant désormais un risque matérialisable, la pandémie ».
Oui, RIEN NE SERA PLUS JAMAIS COMME AVANT.
Dans le monde de demain, nous devrons travailler différemment, nous devrons consommer différemment, nous devrons nous déplacer différemment, nous devrons nous soigner différemment, nous devrons nous instruire différemment, nous devrons nous divertir différemment, nous devrons nous protéger différemment.
Dans le monde demain, les Polynésiens ont aussi leur part de réponses concrètes à apporter.
Les innovations, la créativité et les propositions que chacune et chacun de nos concitoyens pourra imaginer et apporter, représentent l’avenir de notre Pays.
C’est au travers de nos innovations que nous montrerons notre capacité de résilience.
Cet optimisme est fondé sur deux idée-force : la proximité avec notre culture et avec notre environnement.
Grâce à notre isolement au milieu du Pacifique, les Polynésiens ont gardé des relations de proximité avec leur environnement naturel.
Notre isolement qui pouvait apparaître comme un handicap durant de nombreuses décennies, devient aujourd’hui un atout.
Attention, ne vous méprenez pas sur mes propos ou ne me faites pas dire ce que je ne pense pas. Je ne dis pas qu’il faut s’isoler encore plus.
Je dis que nous devons protéger notre patrimoine naturel, notre patrimoine de savoir-faire et de savoir-vivre ensemble. Et si possible, de les amplifier avec les moyens modernes de la science et de la technologie.
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Ce débat d’orientation budgétaire de cette année ne peut pas ressembler à ceux que nous avons tenus précédemment car, comme je viens de vous le dire, la période est inédite.
Je ne vais pas vous répéter les chiffres, les pourcentages, les milliards qui sont déjà très bien exposés dans les documents que vous avez, à votre disposition
Il est désormais pertinent de prendre conscience de la définition fondamentale des mots « orientation budgétaire ».
Il y a le mot orientation, c’est-à-dire la vision que nous voulons donner à notre futur. Et plus que jamais, nous avons besoin de vision, si possible partagée.
Et enfin, comment optimiser le placement de nos moyens budgétaires pour répondre efficacement aux défis et aux orientations que nous souhaitons pour notre Pays.
Nous pressentons bien que nous entrons dans une phase de transitions qui modifieront notre manière de vivre ensemble, transition économique, transition énergétique, transition environnementale, et enfin transition démographique…
Oui, RIEN NE SERA PLUS JAMAIS COMME AVANT.
N’attendons pas de subir les nécessaires changements. N’attendons pas que ces changements nous soient imposés par d’autres mais soyons les acteurs de notre destin
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Notre défi pour 2021 consiste donc à aller au plus haut et au plus près de la réalité des besoins exprimés que j’évoquais au début de mon propos.
Tout le budget 2021 sera construit pour soutenir la relance, que ce soit au niveau du fonctionnement ou de l’investissement. Chaque franc dépensé en fonctionnement ou en investissement doit servir la relance de notre Pays. Une relance plus verte, une relance plus solidaire, une relance centrée sur la personne humaine.
Dans cet esprit, en période crise, de nombreuses voix s’élèvent pour que le Pays injecte encore plus de moyens en faveur du tissu économique et social déjà largement éprouvé. Au fond de moi, je le souhaite aussi.
Mais, nos réserves financières ont toutes été mobilisées depuis le mois de mars dernier pour financer les mesures de soutien aux familles et aux entreprises.
La crise qui s’installe dans la durée va nous conduire inexorablement à devoir, poursuivre, voir intensifier, nos actions à destination des acteurs de l’économie de notre fenua.
Comme je l’ai annoncé à diverses reprises, nous solliciterons un emprunt complémentaire important pour nous permettre de financer les besoins de cette période délicate, et je sais, à la suite de ma dernière visite à Paris, que les plus hautes instances de l’Etat nous accompagneront dans cette démarche.
Je remercie l’Etat et en particulier le Premier Ministre et le Ministre des Outremer qui nous ont apportés leur garantie que la seconde tranche sera bien au rendez-vous dès que nous aurons finalisé la procédure technique d’octroi de celle-ci.
Sachez que je n’envisage pas de faire subir de nouveaux impôts aux contribuables polynésiens. Je ne veux pas donner d’une main ce que je vais récupérer immédiatement de l’autre.
Nous rembourserons ces engagements par notre travail et par la reprise de la croissance que nous appelons tous de nos vœux.
De ce déplacement à Paris, je retiens également la volonté du Président de la République et de son gouvernement de nous accompagner dans un contrat de développement et de transformation. L’écoute bienveillante de notre Ministre des Outremer et de la Ministre de la Transition écologique, sera de nature à faciliter toute l’œuvre de transition que la Polynésie souhaite engager.
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Lors de la commission des finances, le ministre des finances a eu l’occasion de présenter les grandes lignes des orientations budgétaires proposées pour l’exercice 2021, pour soutenir l’économie et l’emploi et renforcer les solidarités.
Il est de nouveau à votre disposition pour répondre à vos questions et apporter les éclairages nécessaires, ainsi que l’ensemble du gouvernement.
Merci de votre écoute et de votre soutien pour que la Polynésie française retrouve le plus rapidement possible des chemins de la prospérité pour tous
Je vous remercie.