Monsieur le Haut-commissaire de la République représenté par son épouse,
Monsieur le 2e Vice-président de l’assemblée de la Polynésie française, Cher Bruno,
Madame la Ministre de la fonction publique, de l’emploi et du travail, Chère Vannina,
Monsieur le député, cher Tematai,
Monsieur le représentant du Maire de la commune de Fa’a’ā,
Mesdames et Messieurs les Représentants à l’assemblée de la Polynésie française,
Madame le Cheffe du service de l’artisanat, Chère Vaiana,
Mesdames et Messieurs les chefs de services, directeurs d’établissements et représentants de nos Tāvana hau,
Mesdames et Messieurs les exposants,
Cher public,
‘Ia ora na !
Je suis très heureuse d’inaugurer ici avec vous ce 23e salon du tīfaifai. Cet âge vénérable ne doit pas nous faire oublier la fragilité de nos savoir-faire et de notre culture, car le salon du tīfaifai n’a pas pu se tenir pendant trois (3) ans suite à la pandémie que nous avons connue et aux bouleversements qui s’en sont suivis. Ce retour sur le devant de la scène dès l’année 2023, nous le devons à la ténacité de la présidente de l’association Te api nui o te tīfaifai, Mme Béatrice LEGAYIC, que je salue à cette occasion. Elle regroupe ainsi depuis 2002 la plupart des artisans traditionnels créateurs de tīfaifai. Vingt-deux (22) sont présents cette année, accompagnés par une dizaine d’artisans de la Bijouterie d’art en partenariat avec Mme Fauura BOUTEAU. Je tiens également à souligner la présence de deux (2) artisans de Takapoto, qui ont bénéficié de formations au tīfaifai en 2023.
Le tīfaifai tient une place particulière dans notre monde. C’est celui qui couvre nos lits, mais aussi dans les maisons de nos grand-mères il égaie le salon, la terrasse, et pare nos canapés de multiples couleurs. Les tīfaifai se lèguent de génération en génération, on les offre pour les naissances, à l’occasion des mariages, et on les conserve à l’abri dans des armoires comme de véritables trésors. Pourtant, ce savoir-faire qui incarne aujourd’hui un pan de l’identité polynésienne est arrivé avec les épouses des missionnaires anglais au XIXe siècle. Les premiers exemplaires apparaissent en 1858.
Il s’agit donc d’un héritage importé, mais comme pour tant de choses, qui a été véritablement sublimé par la vision artistique des polynésiennes, par notre capacité à exprimer notre environnement, notre quotidien, au travers de techniques nouvelles. Il incarne ainsi, presque concrètement, notre capacité à vivre ensemble et à coudre le fil de ces cultures complémentaires, de ces savoir-faire qui se rencontrent pour donner vie à ces créations merveilleuses.
Tīfaifai : de tīfai, assembler plusieurs choses ensemble, et tifai raccommoder, c’est pour dire le long et patient travail de nos artisans traditionnels pour coudre ces motifs appliqués. Il faut plusieurs mois pour un tīfaifai cousu à la main, de longs jours pour ceux réalisés à la machine. Au fil du temps, chaque archipel a personnalisé sa vision : on connaît la finesse des motifs des Marquises, la complexité des créations géométriques des artisans des Australes qui créent les tīfaifai pū, en mosaïque, les magnifiques représentations des Îles de la Société. Aujourd’hui, le tīfaifai pā’oti se fait tableau, il met en valeur les éléments de notre environnement ou reprend des scènes légendaires.
Deux concours permettront d’apprécier pendant ce salon toutes les dimensions de ce savoir-faire : la création d’un tīfaifai de 2,40 x 2,60 mètres, et d’une nappe de table pour huit (8) couverts.
Des formations sont également prévues dans l’année, aux Australes notamment et à la Presqu’île, et nous aurons l’occasion d’apprécier le tīfaifai dans d’autres salons et sous d’autres thématiques en 2024, signe de son importance au sein de l’artisanat traditionnel.
En effet, le tīfaifai est symbolique à plus d’un titre de nos façons de faire ou d’être : objet du quotidien, qui pare nos fare et réchauffe les corps, jadis moyen de réutiliser les tissus usagés à une époque où le linge de maison était un luxe, il sort très vite de ces enjeux familiers pour devenir l’apanage de l’aristocratie polynésienne. Ouvrage collectif, on l’offre aux hôtes de marque, aux notables et aux invités. C’est tout naturellement qu’il trouve aujourd’hui sa place dans les musées. Qu’il s’agisse des collections du Musée de Tahiti et des Îles ou du Quai Branly à Paris, qui en a reçu en don en 2021, notre patrimoine nous ressemble et fait honneur aux artisans traditionnels. Marqueur d’identité, de continuité, le tīfaifai traverse ainsi le temps et les âges, rythmé par les salons qui le mettent à l’honneur.
Aujourd’hui reconnu jusque dans les musées, je souhaite demain qu’il soit classé au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, conformément au Rapport d’Orientation Budgétaire transmis à mes services en 2023. Ainsi, une table ronde sur le Tīfaifai, origine et évolution est organisée ici-même mercredi 27 mars à 16 h. Elle permettra, en réunisssant des artisans experts et des représentants de la culture, d’évoquer les enjeux actuels et à venir.
Enfin, je tiens à féliciter la présidente de l’association, ainsi que tous les artisans pour leur travail, et je leur souhaite beaucoup de succès pendant toute la durée de cette exposition.
Bon salon à toutes et à tous, māuruuru roa !
Et ne l’oubliez pas :
Nous ne sommes qu’un seul et même Peuple, le Peuple du fenua Mā’ohi;
Nous n’avons qu’une seule et même terre, la terre du Peuple Mā’ohi;
Nous sommes les serviteurs du Peuple Mā’ohi.