DECLARATION DE MONSIEUR EDOUARD FRITCH

PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE

REMISE DU RAPPORT DE LA COMMISSION EXTRA-PARLEMENTAIRE

SUR LE SUIVI DU NUCLEAIRE

MARDI 20 NOVEMBRE 2018

MATIGNON

Monsieur le Premier ministre,

Madame la Ministre des Armées,

Madame la Ministre des Solidarités et de la santé,

Madame la Ministre des Outremer,

Madame et messieurs les sénateurs,

Mesdames et monsieur les députés,

Monsieur le président de l’Assemblée de la Polynésie française,

Monsieur le président du CIVEN,

Mesdames et messieurs les membres de la Commission,

Monsieur le Premier ministre, la question des essais nucléaires et de leurs conséquences est particulièrement sensible en Polynésie française. Aujourd’hui encore, il s’agit d’un véritable traumatisme pour les Polynésiens parce que finalement, c’est une part de notre histoire commune qui continue à faire débat, jusqu’à l’ONU, et à créer des dissensions, des rancunes et des rancœurs.

Je voudrai saluer la qualité du travail de la commission que j’ai eu l’occasion de rencontrer lors de sa venue en Polynésie française. Je salue bien sûr la présidente de cette commission, la sénatrice de Polynésie, Lana Tetuanui qui s’est pleinement impliquée depuis son élection pour faire avancer ce dossier de la reconnaissance et de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Je salue également les membres de la commission qui ont fait preuve d’une écoute éclairée face à l’ensemble des acteurs institutionnels et associatifs lors de leur mission en Polynésie française.

Le président Macron, vous-même monsieur le Premier Ministre, et votre gouvernement avez pris la mesure de ce traumatisme et je vous remercie d’avoir bien voulu vous inscrire dans la continuité de la reconnaissance par l’Etat des conséquences des essais nucléaires.

Le rapport de la commission extraparlementaire qui vous est remis aujourd’hui devrait faire état d’un certain nombre de propositions qui visent, non seulement à améliorer et à accélérer l’indemnisation des victimes des essais et leur ayant-droit, mais aussi faciliter le travail de mémoire, indispensable à la compréhension de cette histoire commune par les jeunes générations.

Je veux vous dire que la Polynésie française souhaite prendre, à vos côtés, une part active dans la construction de cette nouvelle étape post-nucléaire. Elle le fait déjà.

A ce titre, la Polynésie française a développé des outils pédagogiques pour que nos enfants aient pleine conscience de cette histoire qui figure déjà dans nos manuels scolaires. Mais nous nous engageons à aller plus loin afin que les enseignants soient parfaitement en capacité de retracer cette période qui doit être mieux comprise, et selon des critères scientifiques, par les jeunes générations.

C’est le sens aussi du centre de mémoire que nous souhaitons créer. Nous vous remercions de l’inscription dans la loi de Finances de la cession du terrain et des bâtiments de l’ancien commandement de la marine à Papeete où nous avons projeté d’installer ce centre. Je vous confirme que nous sommes prêts à participer à la prise en charge de la construction et du fonctionnement de ce centre mémoriel.

Vous le savez, en janvier dernier un comité de projet a été mis en place, co-présidé par le Haut-Commissaire et moi-même, débouchant sur la création d’un groupe scientifique chargé de définir le périmètre et le contenu de ce qui sera présenté dans le centre, et un groupe « bâtiment » concernant les aspects techniques. Ces groupes sont d’ores et déjà actifs.

Le Pays vient de signer une convention finançant une étude avec l’Université de Polynésie française intitulée « Histoire et mémoire des essais nucléaires en Polynésie française ». Ce projet se concentre sur deux axes principaux : l’écriture de l’histoire politique des essais nucléaires et l’enregistrement des témoignages de vétérans et de personnes qualifiées.

Monsieur le Premier Ministre, une autre étude devra être lancée, c’est celle qui porte sur les effets trans-générationnels des maladies radio-induites. Elle permettra d’éclairer et de rassurer les générations à venir.

J’ai compris que la commission recommanderait par ailleurs la traduction en langue tahitienne des formulaires du CIVEN. Je peux vous confirmer que ce travail vient d’être réalisé en octobre par le service de l’interprétariat de la Polynésie française.

Sur le plan de la reconnaissance des victimes et de leurs maladies, je puis vous assurer Monsieur le Premier ministre que nous sommes pleinement favorables à l’existence et au renforcement du guichet unique d’accueil qui est déjà opérationnel.

Son action sur le terrain s’appuie sur nos structures publiques de santé disséminées dans nos archipels. Des documents d’information du public, établis en français et langue tahitienne, existent et sont diffusés via nos réseaux de santé. Des missions médicales sont réalisées. Je m’en suis personnellement assuré de ces réalités. Cependant, je reconnais que nous devrions passer à une vitesse supérieure, compte tenu de l’importance du sujet aux yeux de l’ensemble des Polynésiens.

Je souhaite donc amplifier son action sur le terrain en impliquant d’avantage nos communes et nos maires. J’ai donné instruction en ce sens au ministère de la santé de Polynésie.

Ainsi, les deux structures publiques existantes, que sont le Centre médical de suivi et la Délégation polynésienne au suivi des conséquences des essais nucléaires, collaboreront d’avantage avec nos communes et nos maires afin de porter les informations utiles au plus grand nombre de nos concitoyens pour faciliter l’indemnisation des victimes et de leurs ayant-droit.  Nous renforcerons les moyens nécessaires au bon fonctionnement de ce guichet unique, tant en moyens humains que matériels, mais aussi pour la bonne information des Polynésiens.

Monsieur le Premier Ministre, un dernier volet sur lequel j’attire votre attention, c’est celui de la dépollution de l’atoll de Hao, base arrière du Centre d’Expérimentation du Pacifique. Une première phase a été amorcée avec la dépollution par bio-tertre des terres chargées d’hydrocarbures, sur une parcelle mise à disposition par le Pays. Une seconde phase plus importante, celle-là, est attendue avec le retrait des terres polluées aux métaux lourds.

Monsieur le Premier Ministre, je sais que vous aurez à cœur de mettre en œuvre les préconisations de ce rapport. Je suis convaincu que ce seront des recommandations de bon sens qui, si elles sont suivies d’effets, permettront aux Polynésiens de bien comprendre que la France entend assumer la plénitude de ses engagements et de sa solidarité.  C’est notre souhait et sachez bien que nous serons à vos côtés pour pacifier ce qui reste une douloureuse histoire commune.

Je vous remercie de m’avoir écouté.