Hotel Hilton Mardi 7 décembre 2021

Monsieur le Ministre de l’économie et des finances en charge de la PSG et de l’énergie,

Monsieur le Ministre de la culture et de l’environnement,

Monsieur le Ministre des grands travaux

Madame la député de la Polynésie française,

Monsieur / Madame le représentant de l’Etat,

Monsieur  le Président du Conseil d’admiration de la SOCREDO,

Monsieur le Directeur général de la banque SOCREDO, Cher Matahi

Mesdames, Messieurs, chers amis,

Ia ora na.

Je suis heureux de participer à cette première conférence organisée par la banque SOCREDO sur la thématique de la finance verte et de ses enjeux pour la Polynésie.

Je le suis d’autant plus, que notre banque de développement a choisi depuis plus 50 ans la couleur verte pour référence et le Uru comme emblème. Le Uru, fruit de l’arbre à pain, ne représente-t-il pas symboliquement la thématique que nous nous posons ce matin ?

Celle d’un développement durable, celle d’une croissance économique respectueuse de l’environnement qui repose sur la protection et sur la mise en valeur de nos ressources locales et ancestrales.  Le Uru ce fruit nourricier que les anciens polynésiens, transportaient, plantaient, et conservaient pour les périodes de disette.

Merci à la banque SOCREDO d’avoir tout au long de ses 62 ans d’existence porté ce fruit et cette vision, déjà politique, d’un développement endogène et inclusif pour notre pays.

Mais cela ne suffira plus, alors que les dérèglements climatiques, la montée des eaux et les problématiques environnementales ont déjà commencé leur œuvre destructrice.

Le dernier rapport du GIEC publié en août 2021 et intitulé « Changement climatique généralisé et rapide, d’intensité croissante » vient, une nouvelle fois, nous rappeler que la question du risque climatique est d’une criante actualité et appelle une réponse globale.

Le secteur financier ne peut donc rester inactif. Il doit s’engager avec détermination pour aider les acteurs économiques à mieux intégrer dans leurs projets les enjeux liés au changement climatique et à la protection de l’environnement.

Pour ne prendre qu’un seul exemple, le changement climatique représente à lui seul des risques et des défis sans précédent pour le système financier tant par son ampleur que par ses conséquences systémiques voire irréversibles. Deux d’entre eux méritent notre attention :

  • les risques physiques comme la multiplication des phénomènes météorologiques dévastateurs et leurs impacts sur l’environnement,
  • les défis de la transition car le « verdissement » de l’économie nécessite des évolutions réglementaires majeures, des innovations technologiques disruptives et des changements de mode de vie sans précédent.

Les risques vont nécessairement fragiliser les acteurs économiques via des pertes d’exploitation, des baisses de rendement des actifs, voire de la destruction de valeur ou de capital. Mais en même temps, les changements apportés par les défis peuvent être porteurs d’un renouveau salutaire pour notre planète.

Ces phénomènes et ses évolutions doivent désormais être analysés et appréhendés par l’ensembles des acteurs publics et privés.

La responsabilité première est celle des Etats et des gouvernements afin d’orienter les politiques publiques vers des engagements de neutralité carbone, de politiques sectorielles, de taxes et d’incitation fiscales,

Les banques, leurs actionnaires ainsi que leur superviseur doivent également déployer des stratégies qui visent à favoriser les opérations de financements destinées à « verdir les investissements ». Le développement de produits d’épargne « vert » est également une piste vers laquelle les acteurs de la finance et les Etats se dirigent. Je pense, par exemple, aux obligations vertes émises dernièrement par l’AFD. La banque SOCREDO, je le sais, est déjà bien engagée dans cette démarche et son dernier document stratégique, que nous avons approuvé, accorde une large part à cet objectif.

Les entreprises sont aussi les acteurs de ces évolutions car c’est par leur canal que ces transformations s’opèrent. Des investissements responsables, soucieux de préserver l’environnement ou des opérations dites d’adaptation permettent de construire un autre futur. Nous avons des exemples, ici en Polynésie ou des entrepreneurs audacieux ont misé sur la construction d’hôtels qui visent à réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre.

Nous le voyons donc très bien chaque acteur a son rôle et sa responsabilité pour que le verdissement s’opère. Je fais confiance aux acteurs de la finance local pour être des promoteurs engagés de cette « nouvelle » finance.

La crise sanitaire, que nous subissons aujourd’hui encore, a mis en évidence les vulnérabilités de l’économie mondialisée. Elle a également montré l’enjeu pour notre Pays d’asseoir sa résilience sur la préservation de son patrimoine naturel.

Or, 2/3 de nos plantes endémiques et la moitié de nos oiseaux sont menacés d’extinction. Sur l’ensemble de nos rivières, seuls 10% d’entre elles sont dans un état écologique correct. Les menaces sont réelles et même quantifiables.

Malgré tout, notre situation reste plus enviable par rapport à d’autres régions de ce monde.

Aujourd’hui, notre Fenua compte 212 espèces et 51 espaces protégés par le code de l’environnement, 12 espèces et 36 zones de pêche règlementées, 29 aires marines éducatives, 1 plan de gestion des espaces maritimes (PGEM), 1 Réserve de biosphère, 1 site RAMSAR et des Rahui traditionnels.

Depuis les années 2000, notre Pays a réussi à construire une filière de pêche professionnelle et durable qui bénéficie d’un label international de durabilité, le MSC, Marine Stewardship Council, qui nous permet d’exporter notre production vers le marché américain.

Ces actions nous permettent de protéger nos ressources et de gérer durablement nos espaces et nos espèces.

Cela fait plus de 70 ans maintenant que les gouvernements polynésiens successifs prennent des décisions dans ce sens. Par exemple, alors que j’étais ministre de la Pêche en 1996, j’ai pris une décision radicale d’interdire aux bateaux japonais et coréens, détenteurs de licence, de pêcher dans notre ZEE. Pour l’époque, c’était courageux et aujourd’hui, tout à fait pertinent.

De même, le 13 mai 2002, la Polynésie française décidait de créer le plus grand sanctuaire des mammifères marins au monde, couvrant l’ensemble de son espace maritime depuis les eaux intérieures jusqu’à la limite de la zone économique exclusive et devenait en 2006 également le plus grand sanctuaire de requins au monde.

En juin dernier, nous avons aussi adopté la politique sectorielle de l’eau dont l’objectif principal est de fournir aux maires des outils pour gérer les services publics de l’eau et de l’assainissement des eaux usées.

En août dernier, ce fût le tour du schéma d’aménagement général de la Polynésie française, la SAGE, d’être adopté. Il donne les orientations de l’aménagement de notre Pays pour les 20 ans à venir.

Notre Pays traverse une crise majeure voire existentielle qui montre combien nous sommes dépendants de la Nature et que notre survie est très largement liée à notre capacité à préserver notre environnement, ne serait-ce que pour pouvoir assurer notre autonomie alimentaire.

La résilience de notre Pays s’appuie donc sur quatre piliers :

  • La préservation du patrimoine naturel polynésien et sa biodiversité,
  • La préservation du cadre de vie polynésien dans le cadre d’une gestion cohérente et intégrée des espaces terrestres et maritimes,
  • La réduction des impacts des activités économiques et urbaines sur les ressources, les espèces et les milieux naturels,
  • La création d’un environnement institutionnel favorable au développement durable de la société polynésienne.

Dans ce cadre, je peux déjà vous annoncer que le gouvernement travaille :

  • Sur Un schéma territorial des déchets,
  • Sur une révision du plan climat énergie,
  • Sur une stratégie de l’innovation de la Polynésie française,
  • Sur une réforme du dispositif relatif à l’accès aux ressources et partage des avantages issus de leur valorisation, le dispositif APA pour ceux qui le connaisse.

Ces travaux marquent la volonté du gouvernement de placer l’environnement au cœur de son projet politique.

Parmi les objectifs à promouvoir, le verdissement de la dépense publique est une autre voie à renforcer tant au niveau des investissements que le Pays réalise chaque année, que de ses dépenses de fonctionnement, y compris les aides en faveur des entreprises.

Enfin, j’aimerai terminer mon intervention sur une ambition régionale. Elle est indispensable de nous lier à nos voisins du Pacifique car les menaces climatiques et les effets des pollutions sont sans frontières.

Cette ambition doit être portée par notre gouvernement et par l’ensemble des organismes internationaux au plus haut niveau.

« Te Moana O Hiva – le Grand Mur Bleu du Pacifique », c’est le grand océan que nous partageons avec nos frères du Pacifique. Cet océan est notre fierté. Il a construit notre identité. Il contient une bonne partie de notre histoire et de notre ADN.

A cet égard, nous souhaitons recentrer les efforts environnementaux des pays et territoires du Pacifique, au travers du Forum du Pacifique, sur la protection et la gestion durable de notre Grand Océan.

Pour cela, nous devons persuader nos voisins d’étendre les mesures et les dispositifs en vigueur en Polynésie française aux Pays du Pacifique. Un défi se pose à tous les habitants du Pacifique : la pêche intensive dans notre Océan.

J’ai donc lancé à plusieurs reprises un appel à la communauté internationale afin de bannir les techniques de pêches destructrices dans le Pacifique, tels que la senne, les chaluts pélagiques, les DCP dérivants et les filets dérivants.

Nos anciens, notamment avec le Rahui, nous ont déjà appris à concilier ces éléments. Et, je me force, à chaque instant, à me poser la question : quel patrimoine vais-je laisser à mes enfants et à mes petits enfants pour qu’à leur tour, ils prennent conscience de cet héritage inestimable qu’il faut à nouveau transmettre ?

Pour conclure, je tiens à remercier une nouvelle fois la Banque SOCREDO pour cette initiative remarquable.  Merci aux collaborateurs qui l’ont préparé, merci Matahi, Merci Jacques.

Merci de protéger notre Uru afin de le transmettre aux nouvelles générations

Et je souhaite une bonne conférence aux intervenants et aux invités.

Mauruuru