Mesdames, Messieurs,
C’est avec la plus grande fierté que je vous accueille aujourd’hui.
Je tiens à vous remercier chaleureusement d’avoir choisi ce petit berceau du « Triangle polynésien » comme lieu de rencontre pour cet événement international de première importance.
Je suis persuadé que vous apprécierez votre séjour dans nos îles luxuriantes, verdoyantes et bleues.
Nous vivons dans des chapelets d’îles entourées du plus grand océan de la planète, « Te Moana Nui o Hiva ». Cet océan est en nous, et nous, en lui. Un espace où l’on vit, où l’on pêche et où l’on voyage. C’est le lieu de nos mémoires, de nos origines et de nos rencontres.
Puisque nous parlons d’îles, permettez-moi de vous adresser à tous mes salutations les plus chaleureuses, et en particulier à mes frères du Pacifique.
Je salue la présence du Premier Ministre des Iles Cook, M. Mark BROWN, et de mon grand ami de Suva, le Secrétaire Général du Forum des Iles du Pacifique, M. Henry PUNA, ainsi qu’une salutation spéciale à un vieil ami de la Polynésie française, M. Winston PETERS de Aotearoa/Nouvelle-Zélande et, pour finir en beauté, notre célèbre Maître-Navigateur du Pacifique, qui a fait revivre l’Art de la navigation traditionnelle : M. Nainoa THOMPSON, de Hawaii.
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Les différents groupes de travail du GIEC ont révélé des prévisions pessimistes et que nos habitants des îles sont les plus vulnérables face au changement climatique.
Dès lors, comment ne pas partager le constat du Saint Père François qui déplore que « notre Maison commune » se dégrade, et que « la qualité de la vie se détériore » ?
Notre survie est clairement menacée.
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Pour faire face aux effets du changement climatique, nos populations pensent que les dirigeants parlent beaucoup trop et agissent trop peu.
A cet égard, la Polynésie, peuple du Grand Continent Océanique, réaffirme le bienfondé de sa stratégie en matière de protection et de gestion durable de ses espaces et de ses espèces.
Inspiré de nos savoir-faire traditionnels, notre peuple part du principe fort, que l’Humain fait partie de l’univers, au même titre qu’une plante, une vague, un oiseau ou un poisson. Chaque élément y tient sa place, lié les uns aux autres, tout simplement !
Dans cette vision, Fenua, notre Terre, ne peut pas être séparée de Moana, notre Océan, et vice versa. Ce qui se passe sur la Terre, va avoir des conséquences sur la Mer, et ce que l’on ressent sur la Mer, va arriver sur la Terre.
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Depuis 1996, nous avons banni la pêche industrielle destructrice causée par les flottilles de pêche étrangères et interdit toute autre technique que celle de la pêche à l’hameçon dans notre ZEE.
En 2002, la Polynésie française devenait le plus grand Sanctuaire des mammifères marins au monde. La Polynésie française protège également toutes les espèces de requins, de tortues marines et de raies Mobula.
Quel héritage laisserions-nous à nos enfants ?
En 2018, la Polynésie française créait Tainui ātea, un espace océanique protégé de 5 millions de Km2. La création de cet espace poursuit les objectifs suivants :
- la préservation des espèces et de la diversité génétique ;
- le maintien des fonctions écologiques ;
- et l’utilisation durable des ressources et des écosystèmes naturels.
Tainui ātea est l’héritière de plus de 70 ans d’histoire de mesures de protection. Oui, cela fait 70 ans que la Polynésie protège notamment l’ensemble des oiseaux polynésiens, organise une pêche traditionnelle et professionnelle, raisonnée et saisonnière, ou interdit l’accès à certaines parties du territoire pour en préserver la Nature.
Je suis fier de pouvoir vous en parler en cette occasion. La protection et la gestion durable de notre Océan sont ancrées dans nos traditions et dans nos valeurs. C’est notre contribution pour la transmission de tout ce patrimoine à nos enfants.
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Aujourd’hui, sur la scène mondiale, nous constatons une prise de conscience de plus en plus grande de la nécessité de protéger notre Océan.
Nous remarquons aussi l’activisme excessif de certaines organisations internationales, qui s’engagent dans une course où le moyen devient plus important que l’objectif, où l’environnement naturel doit rentrer dans un cadre unique, rigide, ultime.
Certaines d’entre-elles se permettent même de nous reprocher de ne jamais en faire assez.
Elles affirment qu’il nous faut participer à cette course effrénée aux kilomètres carrés, très loin de nos aspirations polynésiennes. Ces considérations, généralement de court terme, ne correspondent pas à notre vision polynésienne et océanienne et nous ne cèderons pas.
Oui, bien sûr, il nous faut considérer la protection de nos 118 îles. Mais, il nous faut également tenir compte du fait que, plus de 64% d’entre elles sont habitées. Il n’est donc pas question de condamner nos populations à l’exil, en les privant de ressources, tout cela pour remporter les quelques palmarès du moment.
Comme je vous l’ai dit, il y a quelques instants, notre vision lie la terre, la mer et les airs. Elle est globale et systémique. Et l’Humain, élément central, en fait partie intégrante. Il nous appartient de tout mettre en œuvre pour vivre en harmonie avec le monde qui nous entoure, à notre juste place.
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Nous avons été capables de prendre des engagements forts, portant sur une superficie océanique de plus de 1 million de Km2, à l’occasion du One Ocean Summit de Brest en février dernier.
Ces engagements sont le fruit de nos convictions et de notre stratégie politique de protection et de gestion des espaces et des espèces que nous voulons inscrire dans la durée.
Ils visent à promouvoir un modèle de développement également basé sur des objectifs d’amélioration du niveau et de la qualité de la vie, de réappropriation de concepts et de savoir-faire traditionnels et de création d’une solidarité entre les générations et entre les peuples.
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Le Blue Climate Summit, qui commence dès aujourd’hui, est l’opportunité pour nous, Peuples océaniens, de vous démontrer que nous sommes des territoires d’opportunités et de solutions, Leaders dans la lutte contre le changement climatique mondial. A l’occasion de ce sommet important, je vous invite donc à nous Rencontrer, à nous Ecouter, et surtout à nous entendre.
‘o te miti nei ra te marae mo’a roa
‘e te hanahana o teie nei ao
(ē) vāhi hāhano, (ē) vāhi ra’a
(ē) fa’atupura’a manava hirahira
La mer est le Marae, l’ultime sanctuaire et la splendeur du monde.
Il est symbole de mystère, symbole de respect, car il éveille la conscience de l’espace.
Mauruuru.