Monsieur le Vice-président de la Polynésie française,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les directeurs de cabinet,
Mesdames et Messieurs les chefs de service,
Mesdames et Messieurs les présidents et directeurs d’établissements
publics,
Messieurs les dirigeants des sociétés d’économie mixte et de GIE,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je vous remercie de votre présence pour notre traditionnelle
rencontre annuelle. Je tiens à vous faire part de ma satisfaction, ainsi
que celle du gouvernement, de vous accueillir ce matin.
Ensemble, nous avons vécu une année 2020 singulière et
particulièrement difficile. Face à la crise sanitaire et économique
mondiale, toutes les équipes de tous les départements ministériels,
vous tous, avez fait preuve de solidarité, d’implication et
d’engagement. Les ministères avec leurs services et établissements
ont rapidement pris la mesure des actions et de la nouvelle
organisation à mettre en oeuvre pour venir en aide aux familles, aux
entreprises, aux acteurs et aux publics dont ils ont la charge au sein de
leurs secteurs respectifs. Je veux vous remercier car, malgré la
situation inédite et brutale de la crise, je peux vous dire que vous avez
collectivement assuré et assumé la part de responsabilité et de travail
qui vous incombe.
Aux côtés des communes, des communautés religieuses,
l’Administration et les agents publics se sont engagés fortement. En
première ligne les soignants et le corps médical. Cette mobilisation de
tous a permis jusqu’à ce jour de maintenir l’économie, de limiter les
faillites et les licenciements et d’éviter la paupérisation encore plus
forte d’une partie de la population, même si j’ai conscience des dégâts
occasionnés et des conséquences malheureuses pour les familles et les
entreprises.
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Avant de regarder, ensemble, les perspectives d’avenir, il est
utile que nous tirions quelques leçons essentielles de cette crise.
La première est d’ordre financier. Nos réserves accumulées
depuis 5 ans nous ont permis de faire face très rapidement aux effets
brutaux de la crise. Ceci signifie que nous avons toujours intérêt à être
« fourmi plutôt que cigale » durant les périodes de croissance. Nous
avions un bas de laine de l’ordre de 20 milliards qui nous a permis de
mettre en place très rapidement des amortisseurs sociaux pour nos
familles et des amortisseurs économiques pour nos entreprises. Bien
sûr, les 20 milliards n’étaient pas suffisants pour couvrir l’ensemble
des besoins financiers de toute cette année. Mais, ils nous ont été d’un
premier secours et ont permis, de préserver le corps social et
économique de notre Pays, en attendant les moyens complémentaires
apportés par nos emprunts et par l’État. En période de croissance, il
est ainsi utile d’épargner.
Une seconde leçon est d’ordre politique au sens noble du terme.
Nos bonnes relations avec l’État et en particulier avec le hautcommissariat
en Polynésie française, ont été un facteur capital dans la
gestion coordonnée et raisonnée de la crise.
Nous avons beaucoup dialogué, échangé et défini en commun
des stratégies de lutte. Ce dialogue quasi quotidien entre le hautcommissaire
et moi-même est inhabituel au regard des pratiques de
mes prédécesseurs. Imaginez que le haut-commissaire ait géré
isolément les aspects sécuritaires de la crise et le gouvernement, de
son côté, les aspects sanitaires ; tous deux prenant des décisions sans
coordination et sans dialogue. Je vous le dis, ça aurait été une
catastrophe sanitaire et une faillite probable du pays. En tant que
hauts responsables de notre administration, vous pouvez facilement
imaginer les conséquences dramatiques si les plus hauts responsables
de ce pays ne dialoguaient pas.
Le haut-commissaire a joué sa partition sécuritaire dans le
respect de ses prérogatives et moi la mienne avec mes ministres dans
le respect de notre Autonomie. Je remercie très chaleureusement le
haut-commissaire et ses équipes, qui se sont battus à nos côtés pour
sauver notre pays de la catastrophe.
La troisième leçon porte sur la nécessaire unité des forces vives
de notre pays. Ce sont nos tavana, nos confessions religieuses, nos
travailleurs et nos entreprises. En situation de crise, il est essentiel que
tout le monde marche dans le même sens. Cela évite des conflits ou
des contestations qui auraient fatalement ralenti la lutte collective
contre l’épidémie et ses conséquences. L’écoute, le dialogue et le
respect construisent la cohésion.
La quatrième leçon est que dans un monde instable caractérisé
par la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté,
l’adaptabilité et la résilience sont à privilégier car, comme je l’ai dit
dans mes voeux aux Polynésiens, rien n’est acquis.
A ce titre, je voudrais souligner les efforts des agents du secteur
médical, mais aussi ceux des secteurs de l’éducation, de la formation,
de l’emploi, de l’économie, du social sans oublier ceux qui assurent des
fonctions supports qui permettent à la « machine » de fonctionner.
La continuité du service public a pu être maintenue, les accueils
ont été assurés et les demandes des usagers prises en compte et
traitées.
Les plateformes inter-entités mises en place à l’occasion ont
montré leur intérêt et leur adéquation aux attentes des usagers.
De nombreux agents se sont mobilisés pour d’autres entités que
celle dans laquelle ils sont affectés.
Des simplifications ont été apportées à la commande publique,
des procédures administratives nouvelles ont été mises en place, les
échanges et les réunions nécessaires se sont tenus en visioconférence,
la production réglementaire s’est poursuivie et 120 démarches sont
désormais accessibles en ligne.
Ceci est une démonstration de la capacité d’adaptation de notre
administration quand la crise est là.
Telles sont les grandes leçons que j’ai retenues de cette année
de crise.
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Cette catastrophe sanitaire planétaire doit également nous
conduire à méditer sur le message qui nous est transmis et sur les
déséquilibres qu’elle révèle et qui affectent la planète comme notre
société.
Ce qui me conduit à penser que « Rien ne sera plus jamais
comme avant » et que cette idée doit conduire nos actions. Des
transitions s’imposent dans de nombreux domaines : écologique,
énergétique, démographique, économique.
Notre gouvernement a commencé à se placer sur ce chemin dès
1996, avec la décision d’interdire la pêche aux armements étrangers
dans notre ZEE afin d’éviter le pillage de nos ressources marines. Nous
l’avons amplifié en 2002 en créant le plus grand sanctuaire au monde
de mammifères marins. A cette époque, nous ne parlions pas encore
de « transition », mais nous nous souciions déjà de l’héritage que nous
laisserions à nos futures générations. Le Biosphère de Fakarava, mise
en place en 2006, est un autre pas important de notre avancée
environnementale.
En 2015, nous avons initié notre premier plan Climat-énergie
ainsi que celui sur la transition énergétique. Notre ministre de
l’énergie, Yvonnick Raffin, va accélérer notre transition énergétique,
dès cette année 2021, en lançant un plan significatif d’énergie
renouvelable par le solaire.
Notre ministre de l’environnement, Heremoana
Maamaatuaiahutapu, a aussi de son côté amplifié cet élan avec le
classement de Taputapuatea, la création de Te Tai Nui Atea, la plus
grande aire marine gérée au monde de 5 millions de km2, le
classement en cours de certains sites des Marquises et le prochain
projet de classement d’une partie des Australes en réserve de
biosphère. Il se souciera également du sujet épineux du traitement des
déchets dans nos îles et des eaux usées en zone urbaine.
Sur le plan économique, nous devons également prendre des
mesures de transition en diversifiant notre économie par un
développement durable de nos ressources primaires. Notre Viceprésident,
Tearii Alpha, s’y active et nous avons déjà amorcé le
mouvement.
Bien sûr, le tourisme restera un pilier important de notre
économie et devra également prendre sa part de transition vers la
durabilité.
Je souhaite aussi que sur le plan sanitaire et éducatif, nous
fassions également oeuvre de transition. Sur le plan sanitaire, il est
nécessaire de renforcer la prévention. Si nous réussissons à faire
diminuer l’obésité et le diabète, nous amorcerons notre transition
sanitaire. Sur le plan éducatif, il est nécessaire de faire revivre certains
fondamentaux pour construire, auprès des jeunes, une citoyenneté
plus responsable. Pour notre système sanitaire et éducatif, il est utile
d’activer la télémédecine et le télé-enseignement. Ce sont à la fois des
mesures de continuité et d’égalité territoriales, mais aussi d’actions de
bas carbone, grâce à la diminution des déplacements inter insulaires.
Dans le domaine de l’habitat, nous avons amorcé une transition en
favorisant massivement l’habitat dispersé et en construisant des
ensembles collectifs plus réduits et donc à taille plus humaine.
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De même notre administration devra contribuer à notre
transition en développant, à la fois la e-administration et l’accueil
bienveillant et respectueux de nos usagers. Rappelez-vous, je vous ai
dit tantôt que l’écoute, le dialogue et le respect favorisent la cohésion.
Ce sont des principes valables autant sur le plan individuel que
collectif.
L’administration va également jouer un rôle clé dans la relance
décidée par le gouvernement. A cet effet, je vous invite à mobiliser
votre énergie pour simplifier encore plus les démarches des
Polynésiens, toiletter les réglementations obsolètes ou construites
sans tenir compte des réalités en imposant des contraintes de peu
d’utilité.
Une fois de plus, je le répète, l’usager doit être au centre de vos
analyse et non pas la balle de ping-pong que les administrations se
renvoient. Analyser vos formulaires, les pièces à fournir, les
démarches, demandez-vous si c’est utile pour l’instruction, si c’est
utile de les demander à l’usager alors que vous pouvez les avoir par
ailleurs. A défaut supprimez-les !
La direction de la modernisation est là pour vous accompagner
dans ces démarches, pour vous proposer des outils ou une
méthodologie adaptée.
Faire plus simple c’est aussi regrouper des activités similaires ou
participant à la même démarche d’un usager. Ainsi depuis le 1er
janvier, la Direction des affaires foncières a intégré la section
topographique du service de l’urbanisme. La Direction de la
construction regroupe dorénavant le service de l’urbanisme et les
activités d’hygiène des constructions de la Direction de la santé. Ces
réformes vont simplifier la vie de nos concitoyens.
Il y a de nombreux autres exemples d’optimisation possible.
La situation nous impose une adaptation permanente, il faut
rester, être ou devenir AGILE. Quoi de mieux que d’élargir le regard sur
les bonnes pratiques des autres et d’agir en transversalité.
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Mesdames et messieurs, la Polynésie est bien placée pour
assurer avec efficience ces transitions. En effet, nous avons encore
gardé certains gestes et certaines pratiques hérités de nos anciens,
comme le rahui, et nous avons déjà amorcé certaines transitions il y a
plus de 20 ans.
Nous nous présentons sur la ligne de départ avec des atouts.
Nous pouvons atteindre nos objectifs, d’autant que l’opinion est
globalement favorable, voire même désireuse et militante en faveur
d’un tel mouvement.
Ces transitions nécessitent des pratiques nouvelles et un état
d’esprit différent.
La crise que nous venons de traverser nous oblige à redoubler
d’efforts en cette année 2021 pour, d’une part sortir de la crise et,
d’autre part amplifier nos transitions. Je vous demande
d’accompagner vos ministres respectifs dans cette immense tâche.
C’est le prix de notre survie. Nous n’avons donc que le choix de
retrousser, ensemble, nos manches et de gagner ce défi.
Je compte sur chacune et chacun d’entre vous. Faites preuve de
courage, d’innovation et d’amour pour votre pays.
Cette crise sanitaire et économique mondiale nous force et nous
oblige aussi à un devoir de vertu. Nous pressentons bien que l’ère de
la facilité, du laxisme et de la complaisance a atteint ses limites. Cette
épidémie nous a conduit au confinement et aux restrictions. Cela nous
a obligé à ranimer nos capacités du Faa-oro-mai, du faaitoito. Bref, à
retrouver le sens de l’effort et du sacrifice. Ce sont des principes qui
ont été oubliés ou mis de côté, ces quarante dernières années, par
facilité et par un sentiment d’opulence.
Je crains que dans nos services aussi, nous ayons cédé parfois à
la facilité, au laxisme et à la complaisance.
C’est pour cette raison que j’ai du mal à accepter et à
comprendre que notre administration prenne beaucoup trop de
temps à sanctionner les quelques rares fonctionnaires corrompus, par
l’argent ou par la drogue. On me dit que ce sont nos règles et nos
procédures qui nous empêchent d’être plus rapides. Si c’est cela,
qu’attendons-nous pour changer les règles ? Faites-nous des
propositions. Ne me faites pas croire que nous avons écrit des règles
qui protègent les fonctionnaires délinquants. Combien de fois ai-je fait
la remarque au Secrétaire général sur ces dossiers délictueux qui
traînent en longueur. Aussi, je lui donne instruction de s’assurer
auprès des services que tous les dossiers disciplinaires,
particulièrement ceux portant sur les détournements de fonds publics
et trafics de stupéfiants, soient soumis sans délai à la sanction des
commissions disciplinaires. L’exemplarité fait partie de notre
crédibilité.
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La pirogue polynésienne est aujourd’hui dans la tourmente. Les
éléments sont agités. Le retour du beau temps nous est inconnu. Nous
devons toutefois garder le cap sur la distance : un service public de
qualité pour ses usagers, vers des objectifs de développement
soutenable pour tous les Polynésiens, pour nos îles. Il en va de notre
futur.
Je sais pouvoir compter sur votre engagement et celui de vos
équipes au service du Pays et de son Intérêt Général.
Le monde de demain doit être le monde de la confiance et de la
responsabilité. Confiance et responsabilité réciproque avec tous ceux
qui nous entourent.
En mon nom et celui de chacun des ministres, je vous présente,
ainsi qu’à l’ensemble des agents oeuvrant sous votre autorité, mais
aussi à vos familles, mes voeux les plus chaleureux.
Bonne et heureuse année à tous ! Je vous remercie.