ALLOCUTION DE EDOUARD FRITCH

PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE

Cérémonie d’accueil du Dreamliner Tupaia

Jeudi 17 Janvier 2019

Chers amis,

Pour ce second Dreamliner, j’ai souhaité qu’il porte le nom de Tupaia. C’est un Polynésien célèbre dans l’univers du triangle polynésien au 18ème siècle.

Cette année 2019, les Maori célèbreront d’une manière solennelle l’anniversaire du 250ème anniversaire de la découverte de Aotearoa par James Cook et Tupaia.

Qui est Tupaia, cet homme dont nous ravivons la mémoire ?

Ecoutez ce que disait le capitaine Cook de lui : « Tupaia…nous l’avons trouvé très intelligent, et il en savait plus sur la géographie des îles situées dans ces mers, sur leurs produits, sur la religion, les lois et les coutumes de leurs habitants, qu’aucun de ceux à qui nous avions eu affaire jusque-là… » c’était le 13 juillet 1769, Endeavour.

Tupaia est né entre 1725 et 1730 à Raiatea. Il était tahu’a, prêtre, ari’i et propriétaire terrien. Il est le descendant d’une lignée de navigateurs rattachée au marae Tainu’u, situé à Tevaitoa dans la commune de Tumaraa.

Mais c’est à Taputapuatea, à ‘Opoa, qu’à l’adolescence il approfondit ses connaissances en  histoire, généalogie et astronomie. Ainsi formé, il devient le navigateur attitré des ‘arioi, la confrérie d’artistes voyageurs  associée au marae Taputapuatea dédié au culte de ‘Oro.

La formation des ‘arioi incluait la mémorisation des narrations et la connaissance des traditions ancestrales, la maitrise des arts du spectacle vivant et des jeux et sports traditionnels. L’ensemble de ces talents leur assure leur renommée. Leur compagnie était appréciée et surtout recherchée.

Tupaia, encore jeune homme, avait l’habitude de sillonner les îles, que Cook nommera plus tard « de la Société », à la tête de la flottille des pirogues ‘arioi. Jeune il était déjà navigateur.

Vers 1760, Raiatea est envahie par les guerriers de Puni, grand chef de Bora Bora. Grièvement blessé, dépossédé de ses biens, Tupaia s’enfuit avec le maro’ura de Taputapuatea pour se réfugier à Tahiti ou il s’installe en qualité de tahu’a, prêtre du culte de ‘Oro. Il devient rapidement le favori et le conseiller politique de Purea, la grande cheffesse de Papara du clan des Teva.

En juin et juillet 1767, l’incompréhension et les malentendus du premier contact entre les autochtones et l’équipage anglais du Dolphin commandé par Samuel Wallis, donnent lieu à un bain de sang. A Matavai, les Tahitiens subissent le feu des armes et canons des Occidentaux.

En dépit du sinistre, Purea, grande cheffesse de Papara et conseillée par Tupaia, vint à la rencontre du Dolphin… Sa stature, sa prestance, son autorité et l’ascendant qu’elle exerce naturellement sur la population la désignent aux étrangers comme la monarque de l’île. Pourtant le district de Pare où se situe la baie de Matavai dépend du jeune ari’i Tu et est sous la tutelle de son oncle Tutaha qui exerce la régence.

Tupaia, en fin homme politique, conseiller de Purea, a vite analysé le parti à tirer d’une alliance avec ces étrangers et leur force de frappe. Les bonnes relations évidentes entre Purea et les étrangers accroissent son prestige, sa popularité et son pouvoir de ari’i nui.

En avril 1769, l’Endeavour du capitaine Cook ancre à Matavai pour observer le passage de Vénus. Tupaia vient à sa rencontre.

Son habileté à faciliter les travaux des scientifiques du bord ou de cartographie du capitaine Cook le distingue. Cook accepte sa demande d’embarquer avec son jeune assistant Taiata quand l’Endeavour quitte Tahiti en juillet 1769.

Sa science de la navigation est rapidement mise à profit par Cook, à qui Tupaia indique précisément la voie des îles sous le Vent. L’Endeavour visite Huahine, Raiatea, Tahaa et passe au large de Tupai, Maupiti et Bora Bora : tout à son ressentiment, Tupaia a dénigré les ressources de l’île et dissuadé Cook d’y relâcher. Le 14 août 1769, quand l’île se profile à l‘horizon, il annonce Eteroa, l’ancien nom de Rurutu aux Australes.

A bord, Tupaia et Taiata, parrainés par Banks responsable de l’expédition scientifique, sont logés dans les quartiers des officiers et des scientifiques. Les longues périodes en mer sont exploitées pour ranger, identifier et classer les échantillons de sciences naturelles ou ethnographiques, achever et légender les dessins esquissés à terre.

Les infinies connaissances pluridisciplinaires de Tupaia font merveille et alimentent les rapports et journaux de ses compagnons de voyage. A défaut de se comprendre dans une langue commune parfaitement maitrisée, c’est en dessinant que les lacunes linguistiques sont comblées. Tupaia réalise ainsi une série d’aquarelles, un plan du marae de Mahaiatea, une carte détaillée des Iles Sous le Vent que l’on retrouve en Grande Bretagne et une carte d’Iles du Grand Océan dont l’original demeure introuvable.

Aux escales, le diplomate Tupaia se révèle un atout inestimable : il introduit les visiteurs selon les rituels en usage, facilite les premiers contacts et neutralise la méfiance voire l’hostilité déclarée des peuplades abordées. En Nouvelle Zélande notamment, sa capacité à communiquer avec les Maoris permet d’éviter plusieurs conflits. Les Maoris l’ont en grande estime et apprécient particulièrement ses évocations de la société tahitienne qui leur rappellent des souvenirs lointains transmis par leurs ancêtres.

Bien qu’il n’ait lui-même voyagé qu’aux Iles de la Société et visité deux îles des Australes et de l’archipel lointain des Tonga, le maître navigateur a généreusement partagé, avec Cook et ses compagnons de voyage, ses connaissances. Elles concernent un océan d’îles étiré sur 7 000 km de Rotuma à l’Ouest à Rapa Nui à l’Est et 5 000 km de Hawaii au Nord à Rapa Iti au Sud. Sa carte témoigne de l’extraordinaire connaissance des navigateurs polynésiens des courants marins, des vents, de la position des astres et de l’observation et de l’interprétation des moindres indices. Elle résulte de siècles de navigation à bord des grands pahi du peuplement de l’Océanie.

En mars 1970, Cook écrivait : « …Tupaia nous a fait un jour la description de plus de cent-trente îles et sur sa carte il en a positionné soixante-quatorze ».  mars 1770, Endeavour.

En décembre 1770, à Batavia aujourd’hui Jakarta, Tupaia et Taiata décèdent de dysenterie et malaria.

Mes chers amis, en baptisant ce second Dreamliner du nom de Tupaia, j’ai voulu ressusciter le rayonnement d’un homme remarqué et remarquable par son intelligence, non seulement dans nos îles, mais aussi par Cook et nos amis Maori.

En lien avec Tupaia, originaire de Tevaitoa, nous avons demandé à notre sénatrice, Lana Tetuanui, originaire du même district que Tupaia, de bien vouloir être marraine de ce second Dreamliner.

Je la remercie d’avoir accepté de représenter les descendants de Tainuu, et ce d’autant qu’elle est aussi une grande voyageuse, comme le fut Tupaia, en raison de ses fréquentes obligations politiques. Merci chère Lana, d’accepter de donner toute ta protection et ton affection à ce bébé volant.

Comme parrain, je remercie Papa Ah Soy d’avoir accepté cette honorable représentation.

C’est à la communauté de la mer qu’appartient le parrain de Tupaia, il s’agit de Jacques Wong, Papa Ahsoy, un ihi tai, fondateur du Club Ihilani, et par-dessus tout le père d’une innovation qui a changé le monde du Vaa. C’est lui qui aura fait entrer la conception du Vaa dans le XXème siècle, en passant de la taille de l’arbre sur pied au montage d’une pirogue à partir de laminé projetant ce qui sera la pirogue nouvelle génération. Cette innovation lui vaudra la reconnaissance de ces pairs sur le fenua, et celle de la région.

« Papa Ah Soy a bâti sa grande réputation en apprenant avec des constructeurs réputés de Tautira, notamment Nanua et en participant à la construction de la dernière grande pirogue double de Tautira en 1974, pirogue exposée aujourd’hui au « Oceanic Culture muséum » d’Okinawa, puis celle de Karim Cowan. Il participe à la réintroduction des techniques de construction de pirogue taillée dans un tronc d’arbre à Hawaii dans les années 70 et se lie d’amitié avec la famille de Nainoa Thompson. Papa Ah Soy a contribué également au développement de la conception des pirogues avec nos cousins maoris. Ia ora ‘oe te Ihi tai.

Avec Tupaia, E fano a to tatou manureva e to tatou taiete manureva.