Discours du Président
Mercredi 16 février 2022
Allocution à l’assemblée de la Polynésie française
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les ministres
Mesdames, messieurs les Parlementaires,
Mesdames, monsieur les Présidents de Groupe,
Mesdames, messieurs les Représentants,
Mesdames, messieurs,
Chers amis,
Ia ora na. Je suis heureux de vous retrouver et de vous présenter mes meilleurs vœux pour cette année du Tigre.
Ce sera une année favorable aux personnes ou aux groupes humains courageux, respectueux et transparents.
Avec la force du Tigre, 2022 pourrait-être une année de mouvements, d’évolutions et de transitions, construite dans la transparence, l’objectivité et le respect.
Puissions-nous tous ensemble, entendre, partager et vivre ces belles paroles.
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Mesdames, messieurs, cette séance, en convocation extraordinaire, de votre Assemblée a pour objectif de faire évoluer nos pratiques sur le sujet essentiel de la situation sanitaire et vaccinale de la Polynésie.
Je mettrais également à profit ma présence pour vous faire un compte rendu de mon dernier déplacement à Paris où, comme vous le savez, des sujets essentiels à la vie de notre communauté ont été abordés.
Aujourd’hui, deux ans après l’apparition de l’épidémie, nous restons tous mobilisés contre ce virus qui ne cesse de se propager, ici ou là, sous des formes mutantes et difficilement prévisibles.
Le gouvernement a su prendre en temps utiles des décisions courageuses, parfois contraignantes en matière de lutte contre la propagation de la pandémie avec pour seule obsession la protection des polynésiennes et des polynésiens et, dans toute la mesure du possible, la réduction du nombre de décès.
A l’exception des mois de septembre et octobre 2021, c’est ainsi que nous avons pu limiter la saturation des hôpitaux pour permettre la poursuite de l’ensemble des autres soins nécessaires à la population.
Pour y parvenir, certains prophètes, de moins en moins nombreux, pensent qu’il aurait fallu fermer les frontières. Cette stratégie, adoptée par des pays proches de nous, comme la Nouvelle Calédonie ou encore la Nouvelle Zélande, a montré ses limites puisqu’elle n’a pas empêché le virus d’entrer et de causer un nombre important de décès.
Donc, s’enfermer chez soi, ne s’est pas révélé être une bonne stratégie de lutte contre la COVID.
En fait, comme toute épidémie, seule l’immunité individuelle et collective a permis d’annihiler les conséquences mortifères du virus.
Il y a deux manières d’obtenir cette immunité :
– par la contamination
– par la vaccination
Tout d’abord, par la contamination.
S’exposer à la contamination, c’est aussi s’exposer directement à la maladie. Certes, elle permet à notre organisme de fabriquer des anticorps et d’être immunisé pendant une certaine durée. Mais cette exposition fait prendre le risque important de développer des formes graves de la maladie, surtout si l’on présente des signes de comorbidités.
Ensuite par la vaccination.
La vaccination, c’est la méthode médicale contrôlée d’obtention des anticorps nécessaires à la prévention des formes graves de la maladie. La vaccination est, en l’état de nos connaissances scientifiques, la meilleure assurance et la meilleure protection contre elle.
Ce que je viens de vous dire est un rappel de ce que la communauté médicale et scientifique affirme, et de ce que nous partageons inlassablement depuis un an avec l’ensemble de notre population.
Il est un fait établi et incontestable que les malades contaminés et non vaccinés de la covid font partie des plus de 90 % de personnes décédées de cette maladie. C’était encore le cas de la personne décédée ces derniers jours.
Ce rappel est utile car le répit épidémique que nous avons connu ces dernières semaines ne doit pas nous faire croire que le danger est désormais derrière nous.
Le variant Omicron, certes moins virulent, est capable de formes graves sur des personnes fragiles.
C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité faire adopter par votre assemblée une loi du pays relative à l’obligation vaccinale pour la partie de notre population qui est en contact quotidien avec d’autres personnes.
La décision fut prise en juillet 2021, lors de la période fulgurante de notre épidémie qui a malheureusement emporté, en l’espace de 3 mois, plus de 400 de nos frères et sœurs. La période où certains d’entre nous, et en particulier les maires, étions avec les gendarmes à contrôler les déplacements des personnes ou encore dans les quartiers avec nos guides sanitaires au chevet de nos malades.
Protéger, protéger, protéger sont les maîtres mots de mes décisions. Ne jamais nous lasser de protéger, malgré les critiques voire les insultes proférées à mon égard, notamment via les réseaux sociaux.
Vous savez la vie est un miracle voulu par notre Créateur. Elle est trop précieuse pour nous laisser aller au laxisme et à la fatalité. Cette vie ne nous appartient pas et nous devons en prendre soin.
C’est pourquoi la maîtrise de la situation épidémique du Pays est et sera liée au taux de vaccination de notre population.
L’équation est simple. Plus nous serons nombreux à être vaccinés, plus nous maîtriserons l’épidémie. Et plus nous préserverons de vies.
Alors, quelle est notre situation sanitaire et épidémique ?
Nous observons une augmentation franche de l’incidence de cas journaliers positifs à la covid. Nous avons enregistré 1602 nouveaux cas positifs en 2 jours. Nous comptabilisons 6281 cas positifs actifs. En l’espace de 7 jours, le taux d’incidence a doublé en passant de 1078 le 7 février dernier à 2276 aujourd’hui. La propagation de la contamination est fulgurante avec Omicron.
L’ensemble des archipels est touché à ce jour, avec 17 îles : Ahe, Apataki, Arutua, Borabora, Fakarava, Hao, Hiva Oa, Huahine, Moorea, Nukuhiva, Nukutavake, Raiatea, Rangiroa, Tahaa, Takaroa, Tubuai, Ua Pou.
Depuis ce matin, il y a une 18ème île, Rapa. En effet, le ministère de la santé vient de m’informer qu’il y a un cluster d’une quinzaine de personnes sur le navire Tuhaa Pae qui se dirige actuellement vers Rapa. Le Maire Tuaneinei est à bord. Il a insisté à ce que le Tuhaa Pae prenne la mer, alors que le bateau était à Raivavae. Il s’engage à ouvrir un centre d’isolement à Rapa et de confiner immédiatement tous les passagers dès leur arrivée. Je salue le sens des responsabilités du maire de Rapa.
Étant en début de la vague Omicron, les prochaines semaines vont être décisives pour connaître l’impact réel de cette vague sur la population et sur les capacités d’hospitalisation du territoire.
Parmi les personnes dépistées positives, les contaminations les plus fréquentes s’observent dans les tranches d’âge 10-20 ans et 30-50 ans, c’est à dire les tranches les moins bien vaccinées.
Le constat est toujours le même : les quelques personnes hospitalisées pour la covid en Polynésie sont majoritairement non vaccinées ou ont un schéma vaccinal incomplet. De plus, les chiffres disponibles dans le monde entier montrent encore aujourd’hui l’efficacité de la vaccination pour lutter contre les formes graves de la maladie et éviter les hospitalisations.
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A ce propos, où en sommes-nous de la vaccination ?
A ce jour, près de 80 % de la population de plus de 12 ans, sont complètement vaccinés. Les plus de 60 ans sont vaccinés à près de 100 %, avec un taux de rappel satisfaisant de 70 %.
La couverture vaccinale initiale des 18-59 ans est satisfaisante, mais le taux de rappel est largement insuffisant avec seulement 32%.
C’est la tranche des 12-17 ans qui présente la couverture la plus faible avec 53 % et qui s’expose, aujourd’hui, à de plus grands risques d’effets lourds de la maladie.
En résumé, comme vous le voyez, notre situation épidémique s’emballe comme pressenti et nous enregistrons, à nouveau, 1 décès lié à cette épidémie et 20 hospitalisations dont 5 en réanimation.
Aujourd’hui, la réalité reste implacable et le constat se reproduit. 90 % des personnes hospitalisées et présentant des formes graves, sont non vaccinées ou n’ont pas de schéma vaccinal complet.
L’expérience d’août 2021 nous appelle à passer aux actes.
C’est la réalité des chiffres qui nous fait froid dans le dos lorsqu’on observe ce qui se passe dans d’autres pays mieux vaccinés que nous, et qui souffrent encore aujourd’hui des conséquences de la covid19. C’est ce que nous avons fait avec la loi sur l’obligation vaccinale qui s’applique, non pas à l’ensemble de la population, mais seulement aux personnes actives en contact avec la population.
Je les ai entendus les antivax et autres détracteurs, contester la pertinence de cette obligation vaccinale en avançant des raisons et des explications injustifiées pour certaines, voire irrationnelles pour d’autres. Autant que je sache et pour l’anecdote, clamer la liberté n’a jamais aidé à vaincre ou à éloigner le virus.
Parmi les motifs de la grève générale de décembre dernier figurait la demande de retrait de la loi sur l’obligation vaccinale. Au bout des négociations, tout le monde s’est satisfait de la baisse de l’amende administrative à 80 000 FCP. Certes, ce point précis n’a pas été évoqué dans le protocole de sortie de grève, puisque nos partenaires sociaux ne voulaient pas, mais il n’en demeure pas moins qu’au final, l’obligation vaccinale n’a pas été remise en cause par les partenaires sociaux.
Aujourd’hui, pour mettre en œuvre l’accord tacite et moral sur la fixation de l’amende administrative à 80 000 FCP, il nous faut juridiquement l’officialiser.
Ce que votre assemblée adoptera ce matin, est l’ajustement technique et juridique qui officialise l’engagement que j’ai pris en décembre dernier devant nos partenaires.
Sur ce sujet de l’obligation vaccinale, je répète que la loi votée a pour but d’inciter les travailleurs au contact avec le public à se faire vacciner. Elle n’a pas pour but de punir, ni d’embêter qui que ce soit.
Si le variant Omicron est moins virulent que le Delta, les formes graves qu’ils provoquent, chez les non-vaccinés en majorité, sont aussi lourdes que celles résultantes du variant Delta. Et, avec le nombre encore trop important de personnes non vaccinées, cela peut suffire à saturer nos hôpitaux et notamment le service de réanimation du CHPF.
Je compte donc sur toutes et tous, ici présents, pour entériner les accords pris avec l’intersyndicale.
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Qu’en est-il aujourd’hui de l’application de la loi ?
A ce jour, l’ARASS a enregistré 29 729 déclarations provenant des employeurs des secteurs publics et privés.
C’est le nombre que nous escomptions de la part des employeurs et cela confirme donc que l’obligation ne porte que sur une partie restreinte de la population active qui compte 67 000 salariés et plus de 20 000 patentés.
Sur ce total, 22 650 personnes présentent une conformité vaccinale vérifiée à partir des fichiers de vaccination.
L’ARASS poursuit en ce moment sa démarche afin de vérifier la situation des 7 079 personnes qui ne figurent pas encore dans les fichiers de vaccination.
Ce travail de vérification a démarré sur 1502 personnes contactées par l’ARASS. Il y a un constat très encourageant, car seules 92 personnes sur 1502 présentent un manquement à la règle, soit environ 6 % des personnes ayant fait l’objet d’un contrôle et par extrapolation, ce serait environ 1,5 % de l’ensemble des déclarations.
À ce stade des vérifications réalisées, selon les tendances observées, près de 98,5% des travailleurs en contact régulier avec la population seraient conformes à la loi et je m’en réjouis.
De cette première réalité que m’a présentée le directeur de l’ARASS, je retiens avec satisfaction que nos travailleurs des secteurs publics et privés semblent être globalement bien vaccinés. Ce serait un excellent résultat et je salue les efforts de nos travailleurs et des entreprises pour se conformer à la loi.
Cependant, tant que le travail de l’ARASS n’est pas encore achevé, puisqu’il reste 5 500 personnes à vérifier, nous ne pouvons pas émettre de certitudes, mais uniquement des tendances de probabilité.
Ce résultat, s’il se confirme, dépasserait nos attentes et nous vous disons encore merci.
En outre, j’attends avec impatience les résultats de l’étude de séroprévalence réalisée par l’ILM. Cette étude mesure le taux d’immunisation collective de notre population. L’ILM devrait me remettre le rapport dans les tous prochains jours.
Si les résultats montrent que le taux d’immunisation collective dépasse 95 %, et que le bon résultat de la conformité vaccinale des travailleurs se confirme, je prends l’engagement devant vous, de supprimer l’obligation vaccinale, dès que le taux d’incidence actuel amorcera sa baisse. Et vous en conviendrez, le plus tôt sera le mieux.
Certains voudraient que je lève immédiatement l’obligation vaccinale. Je ne veux pas et je ne peux pas prendre cette grave décision, en sachant qu’un adolescent de 14 ans est actuellement hospitalisé en réanimation lourde au CHPF, à cause de la covid. Tant que le virus circule fortement dans nos communautés, nous devons continuer à nous protéger. Chaque vie compte. Chaque vie mérite respect.
Cependant, le Conseil des ministres pourrait envisager comme le permet l’article 6 de loi, de lever, dès que possible, en fonction de la situation sanitaire et du taux de vaccination, l’obligation vaccinale secteur par secteur.
Aussi, j’encourage encore notre population, à faire les derniers efforts de vaccination pour franchir au plus vite la ligne d’arrivée de ce marathon que nous courons depuis 2 ans.
C’est pourquoi, en vous vaccinant, vous montrez que vous avez le souci des autres, que vous respectez et que vous êtes solidaires de vos semblables. Vous montrez que vous participez aussi, chacun et chacune à votre place, à la protection de vos frères et sœurs de notre pays.
Nous sommes désormais plus de 180 000 polynésiens à s’être vaccinés, sans risque. Les récalcitrants à la vaccination n’ont plus d’arguments ou de raisons pour douter de l’utilité de cette vaccination préventive.
C’est pourquoi, j’encourage celles et ceux qui, jusqu’à présent, ont encore des doutes, de faire le pas de la vaccination.
C’est le seul pas efficace de la protection individuelle et collective face au coronavirus. D’autant que nous venons d’autoriser hier, en conseil des ministres, la mise sur le marché en Polynésie du vaccin Novavax, alternative efficace aux vaccins à ARN décriés par les antivax.
Comme je l’ai clamé tantôt, protéger, protéger, protéger ma population est ma seule obsession.
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Mesdames et messieurs, en même temps qu’il faut gérer la crise sanitaire, il faut également gérer la situation économique et sociale de notre pays.
Comme vous le savez, la crise a mis à mal les comptes sociaux de notre PSG.
L’assurance maladie, les pensions de vieillesse et les dépenses liées aux ressortissants du RSPF présentent, selon les estimations les plus réalistes, un besoin de refinancement annuel de 14 milliards de francs, malgré les 24 milliards de francs injectés depuis 2020, dont la dernière tranche de 7,4 milliards de francs a été octroyée en novembre 2021.
Il nous faut répondre à la temporalité de l’urgence au risque de voir s’effondrer les acquis sociaux et permettre ainsi aux Polynésiens de conserver le même niveau de qualité de soin et le même niveau de pension de retraite.
Nous avons fait le choix de préserver notre solidarité, pierre angulaire de notre pacte social. Nous avons fait le choix de réformer notre Protection Sociale. C’est l’objet de la Contribution pour la Solidarité dite TVA sociale de 1,5% et l’ajustement de la CST des revenus supérieurs à 400 000 FCP par mois.
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Notre compagnie aérienne internationale ATN a aussi été mise à mal, suite aux différentes fermetures des frontières en 2020 et 2021 et à la lente reprises des flux touristiques internationaux. Le Pays, principal actionnaire a dû procéder à un apport de fonds de l’ordre de 6 milliards de FCP pour soutenir son activité et, par effet induit, à sauver tout le secteur touristique.
En même temps que nous devons sauver nos structures vitales, comme la CPS ou ATN, nous devons également penser et agir pour la relance de notre économie.
Ce sont pour toutes ces bonnes raisons que je me suis déplacé à Paris, ces derniers jours, pour signer avec le Premier Ministre CASTEX et la Direction de l’AFD, en présence du ministre des Outre-mer M. LECORNU, le second prêt garanti par l’Etat d’un montant de 36 milliards de francs.
Ce prêt, outre le soutien à la CPS et à ATN, permettra de financer le Plan de relance 2021-2023.
Comme l’a dit le Premier Ministre, l’octroi de ce second prêt à la Polynésie est d’une part, la marque de notre crédibilité et de notre solvabilité financière, et d’autre part, la marque de la confiance existante entre l’Etat et la Polynésie française.
En outre, cette rencontre avec le Premier Ministre et le ministre des Outre-mer, a permis de confirmer la signature de la nouvelle convention CRSD de financement des opérations de dépollution des sites de La Défense transférés gracieusement aux 6 communes de Tahiti que sont Arue, Faaa, Mahina, Papeete, Pirae et Taiarapu Est. Les travaux de dépollution vont coûter 1,7 milliard de francs.
Comme promis par le Président de la République lors de sa visite en juillet dernier, l’Etat assumera la majeure partie des travaux de dépollution des sites transférés. Nous remercions l’Etat pour la concrétisation de sa parole. Un avenant au Contrat de site sera signé avant la fin de ce mois.
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L’autre grand moment de notre séjour à Paris fut la tenue de la deuxième réunion de la commission d’ouverture des archives des essais nucléaires en Polynésie française, présidée par madame Geneviève DARRIEUSECQ, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Cette séance fut principalement l’occasion pour les services d’archives de l’Etat dépositaires des fonds concernant le fait nucléaire en Polynésie de présenter les avancées considérables accomplies par les équipes dédiées à la cartographie et au tri, carton par carton, feuillet par feuillet, de ces archives.
Après quatre mois d’une analyse pièce par pièce, la commission a ainsi pu constater la déclassification de 34 598 documents, 433 photos et 43 films. En vertu du nouveau cadre législatif, 90% des documents expertisés ont ainsi reçu un avis favorable à la libre communication.
Conscient que sa trop longue omerta sur cette question a généré de légitimes suspicions, l’Etat met en place des outils pour faire connaître cette nouvelle accessibilité aux archives, faciliter la documentation sur les essais français dans le Pacifique et inciter à la recherche historique.
Ainsi, une page dédiée aux essais nucléaires en Polynésie française, sur le site Internet Mémoire des hommes permet de suivre concrètement, dès à présent, la progression du processus d’ouverture dans les différents services concernés et de prendre connaissance des ressources documentaires existantes.
Le ministère des Armées finance un contrat doctoral dès la rentrée universitaire prochaine.
Le Service historique de la Défense prépare une exposition à Papeete début 2023. Elle pourrait se tenir ici même, si le président de l’Assemblée l’agrée, pour présenter aux élus, aux associations et à la population polynésienne les premières informations tirées de la procédure d’ouverture.
Enfin, le ministère national de la culture vient de mobiliser, suite à ma demande, une mission d’appui scientifique et culturel pour nous accompagner dans la mise en place du centre de mémoire des essais nucléaires en Polynésie française, le projet Pū Māhara, que nous appelons tous de nos vœux depuis des années, des décennies même pour certains précurseurs.
Chers amis, seule la vérité permettra d’apaiser nos blessures sur cette page si douloureuse de notre histoire commune. Pour nos jeunes et les générations à venir, nous avons le devoir de tout mettre en œuvre pour favoriser cette mise en lumière des faits.
Nous le savons bien, tous ici présents. C’est pourquoi nous avons tous réclamé, exigé même, car c’est un dû, que l’Etat nous ouvre ces dossiers, sans faux semblant et sans esquive.
Le Président de la République a entendu cet appel légitime et a donné le ton et l’impulsion pour engager le processus. Le ministère des Armées, dont les services d’archives sont les principaux dépositaires des éléments qui nous intéressent, s’est emparé de cette mission et a organisé les travaux. Tous les services concernés, y compris ceux qui ne sont pas sous la tutelle du ministère des Armées, se sont pleinement investis dans cette démarche en mobilisant des moyens considérables dédiés.
J’entends le scepticisme exprimé par bon nombre d’entre vous. Il est normal car il découle d’un demi-siècle de cachoteries. Moi-même j’étais circonspect quant à la réalité de cette ouverture annoncée dès la table ronde de haut niveau le 1er juillet 2021. C’est pourquoi j’avais demandé qu’un représentant de la Polynésie française puisse siéger au sein de cette commission. En définitive, l’Etat a accepté d’y associer deux représentantes.
Avec une habilitation au secret défense, elles peuvent vérifier la nature exacte les quelques éléments qui ont été écartés car jugés « proliférants » par les experts.
Pour ma part, en étant témoin visuel du travail réalisé, je n’ai plus de doute sur la sincérité de la démarche en cours.
Il n’y a qu’un remède pour lever les doutes persistants : aller vérifier par soi-même ce qu’il en est. Aussi j’espère que les média s’empareront de cette question et communiqueront sur la réalité de ce que l’on trouve dans ces centres d’archives. J’espère surtout que parmi nos jeunes, certains s’intéresseront à notre Histoire, s’engageront dans des thèses et demanderont à consulter tous ces innombrables cartons ouverts
Chacun est libre d’apprécier les évènements et de les juger bons ou mauvais. Nous resterons sans doute en conflit sur certaines interprétations selon nos croyances et nos sensibilités respectives.
Mais nous avons tous le devoir, en tant que responsables politiques, de faciliter l’émergence de la vérité sur les faits historiques pour nous permettre de regarder l’Histoire en face et ainsi d’ouvrir une possibilité d’apaiser nos mémoires. Nous le devons aujourd’hui et maintenant à tous nos concitoyens, nous le devons aux générations qui viendront après nous.
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Lors de ce déplacement à Paris, j’ai pu également échanger avec le ministre des Transports, monsieur Jean-Baptiste DJEBBARI.
Notre vice-président, monsieur Jean-Christophe BOUISSOU, que je remercie, avait préparé la voie qui a facilité les discussions avec le Ministre.
Lors de cette première rencontre, je lui ai fait part de notre préoccupation légitime concernant la place de la Polynésie et de la commune de Faaa dans la gestion de notre aéroport international d’une part, et de la nécessaire extension de sa zone aéroportuaire civile d’autre part.
Je lui ai fait comprendre que notre vision de l’aéroport de Tahiti Faaa en 2022, ne peut plus rester sur celle conçue par le général De Gaulle il y a 60 ans.
Le ministre a été sensible à notre préoccupation d’agrandissement de l’assiette foncière et fera le nécessaire pour relayer nos souhaits auprès de ses collègues.
Outre l’indispensable développement de la plate-forme aéroportuaire de Faaa, le sujet de la continuité territoriale demeure un souci permanent que j’ai tenté de partager avec le Ministre. A cet égard, afin de se rendre compte par lui-même des défis réels dus à notre éclatement géographique, le Ministre devrait concrétiser sa visite officielle en Polynésie dans les prochaines semaines. Nous avons également échangé sur le sujet de l’aéroport de dégagement de Rangiroa et des futurs aéroports internationaux des archipels.
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Le sujet de l’énergie a également été un sujet important traité lors de ce déplacement. Ainsi, la Polynésie a signé une convention d’assistance et d’accompagnement avec la CRE, l’Autorité nationale indépendante de régulation de l’énergie, présidée par monsieur Jean François CARENCO. Cette convention nous permettra de mieux travailler sur la décarbonation de nos îles et de se faire accompagner sur la tarification de l’électricité au bénéfice des usagers polynésiens.
Grâce au Fonds de transition énergétique souhaitée par le Président de la République et actionnée à partir de 2023, l’intensification de cette décarbonation et l’augmentation du mix énergétique seront portées avec le soutien technique de la CRE. A cet effet, les archipels éloignés en seront les premiers bénéficiaires.
En outre, notre ministre en charge de l’énergie, monsieur Yvonnick RAFFIN et moi-même avons rencontré la directrice générale de Engie, madame Catherine Mac Gregor. Nous avons, à cette occasion, fait part de notre vision et de nos attentes en tant que concédant de Engie Polynésie. Cette rencontre s’est déroulée dans un contexte cordial et nous en attendons des suites positives en faveur des consommateurs polynésiens et de l’évolution du paysage énergétique dans notre pays.
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À Brest, j’ai également signé avec la Secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Transition écologique chargée de la biodiversité, madame Bérangère ABBA, la convention-cadre en matière d’environnement et de développement durable. Elle permettra de travailler sur des thématiques importantes telles que la préservation de notre environnement, la lutte contre le changement climatique ou le développement durable de notre économie.
Ainsi nous pourrons aborder des sujets concernant nos relations avec les communes et notamment le renforcement de leur capacité à mettre en œuvre leurs compétences environnementales, notamment sur celles qui touchent à l’eau et le traitement des déchets dans les archipels, en particulier.
Elle abordera également notre développement économique et notamment la question du risque industriel dans nos îles.
Nos écosystèmes extrêmement fragiles nécessitent en effet une attention toute particulière, car une pollution de l’un de nos lagons aura non seulement un impact immédiat sur les populations, mais ses effets dureront des années. Ces dangers, nous devons les connaître, les circonscrire, les maîtriser. Cette convention cadre nous aidera à construire des partenariats forts pour aider la Polynésie française à relever les défis de son développement durable.
Nous envisagerons enfin la lutte contre les effets du changement climatique, avec un engagement fort de la Polynésie française dans une transition énergétique nécessaire et inéluctable. Elle viendra en écho et en soutien de notre partenariat avec la CRE, sur ce sujet important pour tous nos archipels.
La signature de cette convention-cadre avec l’Etat permettra à la Polynésie française de devenir un territoire d’innovation et de solutions pour des milieux insulaires, de solutions pragmatiques aux questions de notre temps, qui pourront ensuite être reproduites sur les îles de la Polynésie, voire du Pacifique.
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Enfin, le dernier grand rendez-vous de ce séjour en métropole fut notre participation au One Ocean Summit à Brest.
Je suis fier de vous dire que la Polynésie fut remarquée lors de ce sommet. Tout d’abord, notre ministre de la Culture, monsieur Heremoana MAAMAATUAIAHUTAPU a fait l’unanimité et une grande sensation dès le premier jour de ce rendez-vous international en parlant de culture, de patrimoine et de l’océan. Les commentaires que j’ai moi-même entendu à son sujet ont été enthousiastes et grandiloquents. Assurément les centaines de personnes qui l’écoutaient ont entendu des propos extraordinaires, rafraîchissants et pleins de bons sens.
La nature est indivisible, Aru-Tai-Mareva. La nature sans l’Homme est un non-sens. La langue autochtone est le gardien de la mémoire de la nature. Elle porte la nature et la nature la porte.
Ignorer ou perdre la langue, c’est perdre le savoir et la mémoire qui portent les leçons et la résilience de nos anciens. Notre vision de la nature est globale et systémique.
C’est tout cela que notre Ministre a déclamé lors de son intervention à Brest, devant un parterre de personnalités reconnues en matière de patrimoine et d’océan. Vous pourrez relire son intervention sur le site de la présidence. Il a porté haut le renom de la Polynésie. Encore bravo à notre ministre de la Culture et du Aru-tai-mareva.
Enfin, à l’invitation du Président de la République, et devant une quarantaine de chefs d’Etat et d’exécutif du monde, j’ai prononcé un discours sur notre politique de protection de notre océan.
Nous avons déjà commencé à protéger notre ZEE, puisqu’en avril 2018, vous avez adopté à l’unanimité la création de Tai Nui Atea, notre aire marine gérée de 5,5 millions de km2. Cette aire marine gérée est protégée par notre Code de l’environnement. Mais, notre concept d’aire marine gérée n’est pas encore reconnu sur le plan international. Nous allons adopter une stratégie pour le faire reconnaître, tout d’abord au sein de notre bassin Pacifique et en particulier auprès de nos amis du Forum du Pacifique.
Puis, l’ensemble océanien continuera le combat pour la reconnaissance de ces aires marines gérées du Pacifique auprès d’autres instances internationales.
Ainsi, à l’horizon 2030, selon les définitions internationales actuellement en vigueur, nous protègerons plus d’un million de km2 de notre ZEE.
Mais, je vous rassure. Notre vision de la protection de notre océan est polynésienne et océanienne. L’Homme, la population, font partie intégrante de la protection. La protection est faite pour l’Homme, pas contre l’Homme. Elle est faite pour préserver les ressources d’aujourd’hui et celles des futures générations. Nous avons pris des engagements et à la fin de cette année, en relation avec les populations des archipels, nous aurons déjà concrétisé une protection de près de 500 000 km2 de nos zones côtières.
Puis, nous lancerons, cette année, à l’occasion de l’anniversaire des 20 ans de notre sanctuaire de mammifères marins, les travaux pour définir une nouvelle zone, de l’ordre de 500 000 km2, située dans le sud-est de notre ZEE. Et comme je l’ai affirmé, cette protection sera élaborée avec les populations locales, conformément à notre vision qui veut que l’Homme soit placé au centre des actions de développement durable.
Vous savez, j’ai le grand souci de nos futures générations. La Polynésie est belle. Certaines de ses biodiversités marines sont exceptionnelles. Nous, adultes d’aujourd’hui, avons le devoir absolu de permettre à nos enfants, nos petits-enfants, et plus encore, de jouir aussi de cette beauté et de cette extraordinaire richesse laissée par notre Créateur.
Je pense à chaque fois, au risque de me répéter à ce qu’écrivait Antoine de Saint Exupéry lorsqu’il dit : « nous n’héritons pas la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants ». C’est tellement vrai et c’est pourquoi je suis convaincu que notre avenir, celui de nos enfants, est intimement lié à celui de l’océan qui nous entoure. Préserver cet océan c’est rendre ce monde vivable pour nos enfants demain.
Chers amis, nous faisons tout cela d’abord pour nous, mais aussi pour nos enfants d’aujourd’hui et de demain. Et si en plus, nous pouvons le partager, le montrer au monde, tant mieux.
Nous sommes le peuple de la mer. Nous sommes le peuple du continent bleu. Notre océan est notre marae.
Vous savez, si je prends le temps d’évoquer avec vous le récit de mon déplacement à Paris, c’est parce que je souhaite partager avec vous la chance que nous avons, aujourd’hui, d’être reconnus et écoutés.
J’ai pu le mesurer au plus haut sommet de l’Etat avec la confiance que nous accorde le Président de la République et le Premier ministre en signant avec nous le PGE2, car à leurs yeux, aux yeux de Bercy également, nous sommes des gens sérieux. La confiance ne se décrète pas, elle se construit, et cette confiance est aujourd’hui réelle et palpable.
Je l’ai mesuré encore lors de nos rencontres avec nos différents interlocuteurs, qu’ils soient parisiens ou étrangers. J’ai pu mesurer tout l’intérêt qu’ils portent à notre pays qu’ils connaissent de mieux en mieux et dont ils suivent l’évolution.
Je suis revenu avec le sentiment réel et profond que notre Pays, que la Polynésie a trouvé sa place dans le concert du monde, que notre voix est entendue, considérée et respectée. C’est pour moi le plus important.
Oui, le monde voit la Polynésie comme un beau pays, avec de belles personnes. Cela est très encourageant et cela doit aussi nous encourager à faire encore mieux.
Je vous remercie de votre attention.
Service de la communication