DISCOURS DU PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE

4 NOVEMBRE 2021

Monsieur le président de l’Assemblée,

Mesdames, messieurs les parlementaires,

Mesdames, messieurs les Représentants,

Mesdames, messieurs,

Le sujet qui est porté par la Mission d’information sur l’avenir de la Nouvelle Calédonie est important et de ce fait, mérite toute l’attention de votre assemblée et celle du gouvernement.

Je tiens à féliciter et à remercier particulièrement M. Philippe Schyle et les membres de la mission qu’il a présidée. Au-delà de la complexité du sujet, voire de sa sensibilité, il a dû mener ses investigations dans des conditions particulièrement difficiles.

Mesdames et Messieurs les représentants, l’avenir institutionnel de ce territoire français du Pacifique nous intéresse au plus haut point et je retiendrai dans mon intervention de ce jour trois raisons essentielles :

La première tient « aux liens du sang » qui unissent la Nouvelle Calédonie et la Polynésie française notamment au travers des milliers de nos compatriotes qui ont fait souche dans ce beau pays. Ils sont devenus des citoyens calédoniens à part entière. Ils ont quitté leur fenua pour diverses raisons mais bien souvent, ils sont partis pour trouver du travail. Une grande partie d’entre eux a pris racine sur ce « caillou », terme employé par les descendants des premiers habitants de l’Ile en raison de la riche teneur de son sol en nickel.

Après trois, voire quatre générations de présence, ils sont bien intégrés à ce bout de France ou les cultures kanak, française, wallisienne, caldoche et tahitienne se côtoient. Bien entendu, ces Polynésiens ont gardé des rapports avec leur famille, mais leur Pays, c’est désormais la Nouvelle Calédonie. Nous sommes fiers d’eux et de leur parcours car ils ont contribué activement par leur travail au développement de ce Pays. Ils ont démontré leurs compétences dans de nombreux domaines, aussi bien celui des affaires que celui de la politique. Dernièrement, le Président de cette collectivité d’outre-mer n’était-il pas originaire par sa mère des ISLV ?

La seconde raison réside dans les multiples liens de partenariat et de coopération qui se sont développés entre les deux territoires depuis les années 90 avec comme exemples :

  • Les jumelages entre 9 communes de Polynésie et 9 communes de Calédonie,
  • Les bonnes relations entre nos Conseils économiques et sociaux,
  • Sans oublier les rapports étroits entre nos Chambres de commerce et nos gouvernements.

La pandémie et les fermetures de frontières nous ont empêchés ces deux années d’aller plus loin, mais je sais que nous saurons donner plus de corps à ces relations inspirantes dès que cela sera possible.

La troisième repose sur les liens de l’Histoire, avec un grand H, et les relations de confraternité avec nos Tamarii Volontaires qui sont allés rejoindre les volontaires calédoniens à Nouméa puis à Sydney en 1942 avant de se rendre sur les terrains des batailles de Bir Hakeim, d’Italie, de Monte Cassino et de Provence. Nos volontaires polynésiens et calédoniens, ces frères d’armes, ont combattu l’ennemi, côte à côte avec courage et abnégation pour la libération de la mère patrie.

Tout cela nous oblige, et nous ne pouvons donc pas rester insensibles à tout ce qui se passe en ce moment en Nouvelle-Calédonie.  Encore récemment, des personnels soignants calédoniens sont venus volontairement prêter main forte aux personnels du CHPF débordés par la forte épidémie subie, il y a deux mois. Ce sont des gestes de solidarité que l’on n’oublie pas.

***

Il ne s’agit pas aujourd’hui de nous immiscer dans le débat sur l’indépendance de la Nouvelle Calédonie et encore moins de prendre position pour ou contre telle ou telle tendance politique.

Monsieur SCHYLE, cher Philippe, l’intérêt du travail que vous avez réalisé et dont nous prendrons connaissance avec intérêt est nous expliquer ce qui se passe sur place pour mieux percevoir les conséquences du choix qui sera fait par le corps électoral lors du troisième vote référendaire prévue le 12 décembre prochain.

Pour citer quelques inquiétudes qui animent en ce moment les cercles avisés sur le sujet, il y a les craintes d’un retour massif d’une partie des familles polynésiennes installées sur place de longue date, l’arrivée de flux migratoires importants de néo calédoniens ou de métropolitains désirant quitter la Nouvelle Calédonie, et les conséquences de ces arrivées sur le prix l’immobilier à Tahiti et à Moorea.

Mes chers amis, ne tombons pas  dans la psychose d’un envahissement de nos iles, car la réalité n’est pas celle-là et il faut raison gardée sur le sujet.

Des enquêtes sérieuses ont été menées et elles nous montrent que la Polynésie ne serait pas la destination de premier choix des Calédoniens. L’Australasie et la Mélanésie resteraient leur choix de prédilection.

Notre espoir c’est que, quel que soit l’option qui sera prise à l’issue de ce processus électorale inédit, les calédoniens trouvent ensemble, toute communauté confondue, les chemins du « vivre ensemble » qu’ils appellent de leurs vœux.  Notre souhait enfin, c’est que la France puisse les accompagner au mieux pour construire la destinée commune qu’ils auront choisie.

De notre côté, le cas échéant, nous saurons accueillir avec dignité celles et ceux qui veulent venir ici partager leurs vies et leurs compétences. Je pense bien évidemment aux calédoniens d’origine polynésienne qui ont toute leur place ici. Je sais qu’ils nous apporteront leurs expériences et leurs savoirs faire qui, dans certains domaines d’activité, nous font encore défaut. Je pense aussi aux calédoniens qui aime notre Pays et qui voudront investir ici pour construire l’avenir et nous aider à consolider notre modèle économique.

En d’autres termes, restons océaniens dans nos comportements. Nous sommes un peuple d’accueil, et cela d’autant qu’il s’agit de nos frères de Calédonie.

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Pour terminer mon propos, je voudrais revenir quelques instants sur les nouveaux paradigmes diplomatiques et économiques nés de la mise en œuvre de l’axe indopacifique et des conséquences qui en découlent aussi bien pour la Nouvelle Calédonie que pour la Polynésie Française.

Depuis le passage du Président MACRON au mois de juillet dernier, les nouveaux enjeux supranationaux figurant dans l’Axe Indopacifique ont d’ailleurs été « bousculés » par l’initiative AUKUS menée par les Etats unis, l’Australie et la Grande Bretagne, sans oublier celle de la Route de la soie portée par la Chine.

Notre position géographique centrale dans le grand Pacifique sud, nos liens indéfectibles avec la France et indirectement avec l’Europe nous placent de fait au cœur du débat. Nous devrons l’intégrer dans nos propres ambitions locales et régionales.

Mais si les desseins des grandes nations nous échappent, la Polynésie et la Nouvelle Calédonie ont tout intérêt à coopérer sur les plans économiques, culturels et sanitaires avec tous les pays et tous les acteurs de sa région.

Vue de notre fenêtre, nos partenaires économiques régionaux sont les suivants :

  • Les Etats-Unis, qui représente le principal marché touristique, mais aussi la zone d’exportation la plus facilement accessible pour les produits de la pêche hauturière ;
  • La Nouvelle Zélande et l’Australie, nos fournisseurs de denrées et de matériels, des partenaires politiques au sein du Forum du Pacifique,
  • La Chine, un marché de fourniture de biens et de matériels, un pays de lien culturel avec notre communauté d’origine chinoise,
  • Singapour pour la fourniture de gaz et de Pétrole,
  • La Japon et la Chine pour l’exportation de nos perles de culture et du minerai de nickel.

Nonobstant ces relations multiples qui sont essentielles, nos collectivités d’outremer du Pacifique n’ont ni les moyens d’agir seules, ni ceux de s’opposer aux grandes manœuvres diplomatiques en cours. Il faudra faire avec et, en concertation avec la France, pour gérer au mieux nos intérêts dans ce nouvel environnement. Nos petites collectivités ont des défis plus importants à relever notamment ceux qui concernent leur développement durable et inclusif.

Nous sommes en revanche favorables à des accords de coopération gagnant-gagnant avec l’ensemble de nos partenaires régionaux, dans le respect de nos valeurs, de notre autonomie politique et de notre culture ancestrale.

Aussi, il est important qu’ensemble, Assemblée et Gouvernement de Polynésie, prenions conscience de l’évolution de la situation dans le bassin Pacifique de manière générale mais de la situation particulière de la Nouvelle Calédonie qui pourrait prochainement nous impacter.

C’est pourquoi, le gouvernement salue et remercie le travail de la Mission d’information conduite par notre ami Philippe Schyle. Elle permet de bien poser le sujet et de suggérer quelques recommandations et pistes de réflexion pour l’avenir.

L’idée d’assurer le suivi de la situation est très pertinente et je pense que la commission des institutions de l’assemblée de Polynésie pourrait effectivement s’en charger. De même, la création d’un observatoire des flux migratoires et des investissements trouve sa raison d’être notamment quand  il s’agit de protéger l’emploi local. Comme vous le savez le dispositif existe déjà et il suffira bien évidemment de le respecter. En matière de spéculation foncière, selon les échanges que je viens d’avoir avec le Président de la chambre syndicale des notaires, l’envolée des prix résulte pour le moment plus de la rareté des biens à vendre que d’une demande forte provenant de Nouvelle Calédonie. Le sujet est important, j’en conviens, et je demanderai à la direction des affaires foncières de suivre le sujet de près. Les autres points évoqués dans votre rapport qui concerne l’orientation des investissements et la création d’une délégation à Nouméa feront l’objet d’une expertise de la part du gouvernement.

Encore une fois merci d’avoir suggérer ce rapport et ce débat qui est important pour nous car, il concerne l’avenir d’un Pays et d’un peuple qui nous sont chers

Je vous remercie de votre attention.